Sténoses coronariennes

Les stents actifs : une progression irrépressible

Publié le 24/03/2005
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AMERICAN COLLEGE OF CARDIOLOGY
Orlando, 6-9 mars 2005

EN L'ESPACE de quelques années, l'angioplastie a conquis une place prépondérante dans le traitement des sténoses coronariennes, notamment depuis l'arrivée des endoprothèses coronariennes (ou stents). Les bénéfices apportés par ces dispositifs, qui permettent de repousser la paroi artérielle et d'augmenter le diamètre de la lumière, étaient malheureusement grevés par un fort pourcentage de récidive de la sténose liée à la prolifération néo-intimale. Ce problème a toutefois pu être en grande partie résolu grâce à la mise au point des stents enrobés (ou actifs), c'est-à-dire recouvert d'une substance antiproliférative qui inhibe la prolifération néo-intimale. Il existait jusqu'à présent deux types de stents actifs, l'un libérant du sirolimus (Cypher, fabriqué par Cordis) et l'autre du paclitaxel (Taxus, fabriqué par Boston Scientific), auxquels il faut désormais ajouter Endeavor (fabriqué par Medtronic), une endoprothèse enrobée d'un analogue du sirolimus, connue pour l'instant sous son nom de code ABT-578 et un stent résorbable en quatre à six semaines, à base de magnésium (fabriqué par Biotronik), dont les résultats prometteurs de la première étude chez l'homme ont été présentés par une équipe allemande (Raimund Erbel et coll., Essen).

Sirolimus ou paclitaxel ?
Deux grandes études comparant directement les deux principaux stents actifs, Cypher et Taxus, ont été présentées à Orlando. La première, baptisée Reality, qui a été exposée par Marie-Claude Morice (institut cardio-vasculaire Paris-Sud), a porté sur 1 386 patients (dont un tiers étaient diabétiques) inclus par 90 centres en Europe, en Amérique latine et en Asie. Pour être éligibles, ils devaient avoir une ou deux lésions de novo sur une artère native. Après randomisation, ils ont reçu soit le stent Cypher, soit le stent Taxus. Le critère de jugement principal était le pourcentage de resténoses au huitième mois et les critères secondaires, les événements cardio-vasculaires majeurs jusqu'au vingt-quatrième mois. Les résultats à huit mois ne montrent pas de différence significative entre les deux groupes sur le critère principal (9,2 % de resténoses dans le groupe Cypher contre 11,1% dans le groupe Taxus ; p = 0,31) ou les événements cardio-vasculaires majeurs (9,2 % contre 10,6% ; p = 0,41). Les seules différences significatives notables concernaient l'importance de l'hyperplasie néo-intimale qui a été moins importante dans le groupe Cypher et l'incidence des thromboses intrastent à un mois plus basse dans ce même groupe (0,4 vs 1,8 ; p = 0,0196), cette dernière ayant disparu par la suite.
Ces différences ont cependant été abondamment commentées et minimisées par les spécialistes présents, y compris les investigateurs de Reality, notamment en raison d'une puissance statistique insuffisante malgré un effectif qui en fait la plus importante étude comparative réalisée jusqu'à présent.
La deuxième comparaison était Sirtax, une étude indépendante suisse, qui a porté sur 1 012 patients consécutifs, ayant reçu de façon aléatoire l'un ou l'autre de ces deux stents. Le critère principal était un critère compositie associant les décès, les infarctus du myocarde ou les interventions de revascularisation au niveau de la lésion traitée en raison d'une ischémie.
Les résultats sont cette fois-ci significativement en faveur du stent au sirolimus avec un pourcentage d'événements cardio-vasculaires majeurs plus faible dans ce groupe (6,2 contre 10,8 ; p = 0,009). L'incidence des thromboses intrastent a ici été plus faible avec le stent au paclitaxel, durant les 24 premières heures, pendant le premier mois et jusqu'au neuvième mois où elle atteignait 1,6 % dans le groupe Taxus contre 2 % dans le groupe Cypher. Il y a eu, par ailleurs, moins d'interventions de revascularisation et moins de resténoses avec le stent au sirolimus.
Ces deux premières comparaisons directes entre les deux stents actifs les plus utilisés actuellement montrent qu'ils sont tous les deux sûrs et efficaces. Pour Marie-Claude Morice, « l'un est excellent et l'autre encore meilleur, mais rien ne permet encore aujourd'hui de privilégier l'un par rapport à l'autre ».

Chez le diabétique

Les deux types de stents actifs disponibles ont également été comparés dans une étude indépendante qui s'est adressée spécifiquement aux diabétiques. Cet essai, baptisé Isar-Diabetes, a inclus 250 patients qui ont reçu, soit un stent au sirolimus (Cypher), soit un stent au paclitaxel (Taxus).
A six mois, les résultats sont en faveur de Cypher avec des pourcentages de perte de lumière tardive et de resténoses angiographiques inférieurs dans ce groupe. En revanche, il n'a pas été constaté de différence concernant l'incidence des interventions de revascularisation de la lésion traitée.
Si pour Adnan Kastrati (Munich), qui a présenté les résultats de l'étude, le stent au sirolimus apparaît plus efficace pour prévenir le risque de resténose chez les diabétiques, chez lesquels il est plus important que dans la population générale, selon Theodore A. Bass (Jacksonville, Etats-Unis), qui les a commentés, plutôt que de polémiquer sur ces différences dont on ne connaît pas véritablement l'impact en clinique, il paraît plus important de rappeler que, chez ce type de patients, traiter une lésion individuellement ne doit pas occulter la nécessité de prendre en compte la maladie vasculaire systémique dans son ensemble, et notamment l'inflammation et la dysfonction endothéliale qui l'accompagnent.

A la conquête des lésions complexes

La majorité des essais, qui ont confirmé la supériorité des stents actifs sur les dispositifs traditionnels pour prévenir les phénomènes de resténose, ne concernait majoritairement que des lésions simples. D'où l'intérêt de l'étude ScanStent qui a porté sur 322 patients qui, tous, présentaient des occlusions totales, des lésions ostiales, des atteintes siégeant sur une bifurcation ou encore des lésions angulées. Ils ont reçu soit un stent actif au sirolimus, soit un stent nu. Les résultats, présentés par Henning Kelbaek, ont montré une diminution significative du taux de nécessité d'une nouvelle revascularisation du vaisseau traité et de l'incidence des complications cardio-vasculaires majeures chez les sujets qui avaient reçu un stent enrobé. En revanche, aucune différence de mortalité, d'infarctus du myocarde ou de thrombose intrastent n'a été constatée entre les deux groupes. Ce travail confirme donc que les stents enrobés peuvent être utilisés sur presque tous les types de lésions. Pour Henning Kelbaek (Danemark), bien qu'il soit nécessaire de poursuivre les études au long cours des stents enrobés, il semble aujourd'hui rester de moins en moins d'indications aux stents nus.

> D'après la communication de Henning Kelbaek, Danemark.

> Dr PIERRE GRANDCHAMP

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7716