L’ÉQUIPE, dirigée par Matthias Rottmann (Université de Bâle, Suisse), a utilisé une approche un peu délaissée récemment : la prospection systématique, à partir de vastes bibliothèques de molécules potentielles, de produits testés contre le micro-organisme entier. Les chercheurs sont parvenus à sélectionner, après le criblage de 12 000 molécules, le NITD609, qui possède toutes les qualités d’un antipaludéen puissant.
Au stade érythrocytaire.
L’activité lytique du NITD609 au stade érythrocytaire (« phase sanguine »), moment où les mérozoïtes parasitaires envahissent les globules rouges et s’y transforment en schizontes, a été évaluée in vitro contre plusieurs souches de Plasmodium falciparum. Les chercheurs observent une IC50 (concentration inhibitrice de 50 %) de 0,5 à 1,4 nM, sans perte de virulence à l’égard des souches résistantes. Par ailleurs, des tests ex vivo réalisés avec des isolats de P. falciparum et de P. vivax prélevés chez des patients à la frontière de la Thaïlande et du Myanmar, une région du monde où sont enregistrées de fortes résistances à la chloroquine, indiquent que le NITD609 a une activité comparable à celle de l’artésunate (un dérivé de l’artémisine), avec des IC50 constamment en dessous de 10nM. Le NITD609, à l’instar de l’artésunate, neutralise aussi bien les trophozoïtes arrivés à maturité que les formes jeunes de P vivax au stade de l’anneau.
Il faut toutefois noter que les effets inhibiteurs du NITD609 ne sont pas aussi rapides que ceux de l’arthémeter (un puissant dérivé de l’artémisine) : alors que ce dernier permet d’obtenir une forte inhibition de la croissance parasitaire (› 90 %) au bout de six heures, cette action prend 24 heures avec le NITD609.
Le profil d’innocuité du NITD609, évalué de manière préliminaire par la mesure de la CC50 (concentration induisant une mort cellulaire de 50 %) pour une variété de cellules (nerveuses, rénales, hépatiques) est apparu satisfaisant à toutes concentrations, avec, en particulier, une faible cardiotoxicité et une absence de pouvoir mutagène. Testé chez des souris infectées par P. berghei, le parasite du paludisme chez ces rongeurs, une seule dose orale de 100 mg/kg de NITD609 guérit l’ensemble des souris tandis qu’une dose plus faible (30 mg/kg) est efficace chez la moitié des animaux.
Les auteurs ont enfin évalué le mécanisme d’une résistance potentielle à la spiroindolone en utilisant la souche multirésistante Dd2. Ils ont ainsi mis en évidence que des mutations « non synonymes » du gène de la PfATP4 (P-type cation-transporter ATPase4) pourraient représenter un marqueur utile pour la recherche de résistances au NITD609 lors de l’étape des essais cliniques chez l’homme.
Le retour à une méthode classique.
Dans un commentaire associé, Timothy Wells (Genève) remarque qu’on assiste à un retour aux méthodes de criblage pharmacologique (screening) classiques dans la recherche de nouveaux antipaludéens (2). Le travail de l’équipe de M Rottmann démontre que cette approche d’inventaire systématique, « à l’aveugle », porte ses fruits, à l’heure où les démarches ciblées sur une enzyme ou un récepteur particulier apparaissent un peu décevantes. Les chercheurs sont ainsi parvenus, en trois ans seulement (un délai court en recherche pharmacologique), à découvrir un candidat antipaludéen qui, avec une activité comparable aux peroxydes synthétiques en dose orale unique, pourrait entrer en phase d’essai préclinique très prochainement.
(1) M Rottmann et coll. Spiroindolones, a potent compound class for the treatment of malaria. Science (2010) publié en ligne
(2) TNC Wells. Is the tide turning for new malaria medicines? Science (2010) publié en ligne.
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