Par le Dr Dominique Brémond-Gignac*
L'ophtalmologie pédiatrique comporte deux facettes complémentaires et étendues, la facette médicale et la facette chirurgicale.
La pathologie médicale de l'enfant est fréquente. Elle est dominée par l'amblyopie et le strabisme qui sont souvent intriqués et dont les prévalences approximatives sont respectivement de 5 % et de 4 % de la population infantile.
Parmi les enfants strabiques, 60 % présentent une amblyopie fonctionnelle. Ces deux pathologies nécessitent un dépistage précoce, par un ophtalmologiste formé à l'examen de l'enfant, qui seul permet un traitement adapté pouvant éviter la perte visuelle fonctionnelle totale. L'examen ophtalmologique de l'enfant requiert souvent plus de temps que celui de l'adulte.
Evaluer la vision de façon ludique
Il doit évaluer la vision, à la fois sous un aspect ludique et dans des conditions optimales. Ainsi, il est essentiel que cet examen, réalisé dans un premier temps sans dilatation, soit repris secondairement sous collyre cycloplégique, éventuellement lors d'une seconde consultation, de façon à obtenir une mesure objective de la réfraction. Les tests plus sophistiqués, par exemple de bébé vision, seront réservés à des cas particuliers, comme dans certains bilans préchirurgicaux.
La prématurité, qui concerne aujourd'hui 5 % des naissances en France (soit 38 500 enfants sur les 770 000 naissances annuelles), provoque des anomalies ophtalmologiques. La rétinopathie des prématurés est à rechercher systématiquement chez ces enfants afin qu'un traitement puisse être mis en place rapidement. En outre, les strabismes sont dix fois plus fréquents chez les prématurés que dans la population générale.
La supériorité des interventions chirurgicales précoces (dès l'âge de 3 mois) reste encore à démontrer. Une correction optique adaptée et une rééducation de l'amblyopie permettent souvent de temporiser. L'éventuelle intervention chirurgicale est ainsi effectuée et calculée selon l'angle de strabisme réel, permettant une meilleure évolution à long terme. Dans les cas les plus sévères, les injections de toxine botulique constituent une bonne alternative avant le traitement chirurgical définitif.
Anomalies ophtalmologiques malformatives : signes d'appel de la génétique
Bien que de nombreux gènes du développement oculaire soient identifiés, les recherches génétiques restent largement ouvertes. Sur le plan pratique, les luxations du cristallin doivent faire rechercher systématiquement une maladie de Marfan et, dans certains cas, une homocystinurie. Devant une aniridie, il y a lieu de pratiquer un caryotype et de rechercher une tumeur rénale en cas d'anomalie. Nombreuses sont les formes ophtalmologiques malformatives appelant une exploration multidisciplinaire.
La prévalence de la cataracte congénitale est relativement faible, mais représente néanmoins entre 10 et 20 % des cécités de l'enfance. Elle nécessite une prise en charge spécialisée pour le traitement chirurgical et la rééducation de l'amblyopie. Cette dernière, souvent très lourde, fait appel à une forte implication parents-médecin. Le bilan général pédiatrique doit être réalisé pour rechercher d'autres atteintes malformatives et/ou génétiques.
* Maître de conférences des universités, praticien hospitalier, ophtalmologie pédiatrique, hôpital Robert-Debré, Paris.
Créer des réseaux spécialisés
Les spécificités de cette surspécialisation et le nombre de sujets concernés (38 500 amblyopies et 30 000 strabismes par classes d'âges, dont 4 000 à 8 000 chez des prématurés) sont à l'origine dans notre pays d'un véritable problème de santé publique, dont la solution réside dans la reconnaissance et le développement des centres spécialisés en ophtalmologie pédiatrique dans les hôpitaux d'enfants. Il serait aussi utile de renforcer les structures de PMI dans le dépistage ophtalmologique et de créer des réseaux d'ophtalmo-pédiatres, de pédiatres et d'orthoptistes spécialisés.
L'augmentation du nombre de postes formateurs en ophtalmologie pédiatrique apparaît comme une nécessité pour une prise en charge précoce des pathologies afin d'éviter le risque majeur de handicap visuel de l'adulte.
La L-dopa, un traitement innovant pour les amblyopes
Un traitement par lévodopa/carbidopa combiné à la rééducation orthoptique améliorerait la récupération de l'acuité visuelle des amblyopes dans le strabisme et l'anisométropie. D'autres molécules sont à l'essai. Ces traitements adjuvants sont en cours d'évaluation avec des résultats controversés.
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