Les trois caisses d'assurance-maladie de Nantes, dont la caisse primaire dirigée par Claude Frémont, ont finalement mis un terme au déconventionnement du Dr Yann Hamard, effectif depuis le 1er mai en raison de ses dépassements d'honoraires. En deux mois, la sanction de cet ophtalmologiste de Châteaubriand a soulevé un tollé, provoqué une manifestation à Nantes, puis un mouvement de déconventionnement dans l'Ouest de la France.
Dans l'accord conclu entre les caisses et le Dr Hamard, le praticien échappe au remboursement de ses dépassements d'honoraires, mais s'engage à appliquer le DE dans les limites fixées par les textes en vigueur et accepte la suspension de la participation des caisses au financement de ses cotisations sociales du 1er juillet au 1er octobre. L'ophtalmologiste renonce à poursuivre les caisses en justice, tandis qu'elles s'engagent à « rectifier » les erreurs apparues sur ses pratiques dans la presse.
Rompant le silence qu'il a observé jusqu'à présent, le Dr Hamard se dit « complètement soulagé à titre personnel, parce que la situation était quand même difficile psychologiquement ».
La CSMF et le SML, les deux premières centrales syndicales de médecins libéraux, en avaient appelé au ministre de la Santé pour venir en aide au Dr Hamard, qu'elles considèrent comme « un bouc émissaire », victime d'une sanction « totalement disproportionnée par rapport aux faits ». La CSMF et le SML accueillent donc aujourd'hui la transaction de Nantes comme une victoire de la mobilisation syndicale et de la solidarité du corps médical. La CSMF « espère que le dénouement de cette regrettable affaire servira d'exemple dans d'autres départements (...) ». Néanmoins, la confédération « rappelle que l'origine du malaise, notamment le blocage des honoraires spécialisés depuis huit ans, n'est pas pour autant réglé », d'où la nécessité d' « en tenir compte dans le règlement conventionnel minimal » que le gouvernement doit élaborer depuis la rupture des négociations avec les caisses. « Cette action et cette victoire démontrent à la fois la légalité et la légitimité des dépassements d'honoraires », souligne pour sa part le SML.
Quant au Dr Jean-Claude Régi, président de la Fédération des médecins de France (FMF), il estime que le règlement de l'affaire nantaise ne remet pas en cause « le mouvement actuel en faveur d'une liberté tarifaire ». La FMF, qui compte dans ses rangs de nombreux médecins coordonnés, se propose toujours d' « accompagner le mouvement de déconventionnement par bassins de vie, en fonction de contextes locaux particuliers ».
Rien n'est réglé
Sur le terrain, l'annonce du reconventionnement immédiat du Dr Hamard semble surtout avoir apaisé les esprits dans son propre département. Quelques heures seulement après la transaction, les ophtalmologistes de la Loire-Atlantique ont arrêté la grève des soins non urgents qu'ils suivaient depuis le 1er mai et levé le mot d'ordre de déconventionnement individuel. Certes, 29 lettres de déconventionnement (représentant les trois quarts des ophtalmos de secteur I du département) avaient été déjà déposées à la caisse de Nantes, il y a huit jours. Selon le Dr Patrick Gasser, secrétaire général de la CSMF 44, elles seront « reprises et consignées par un huissier et ne prendront potentiellement effet que dans un délai de deux mois, en fonction de l'évolution des rapports entre les médecins spécialistes et le gouvernement ».
De son côté, le Syndicat national des ophtalmologistes (SNOF) des Pays de la Loire demande aux confrères des autres départements de l'Ouest « de ne pas déclencher de grève des soins ».
Pourtant, tout le monde n'est pas prêt à rentrer dans le rang. Lundi matin, 33 des 38 ophtalmologistes de secteur I du Morbihan (soit 86 % d'entre eux) ont remis à leur tour leurs lettres de déconventionnements. L'affaire Hamard fut « un excellent déclenchement », mais son règlement « ne règle pas le fond du problème », explique le Dr Tanneguy Raffray, porte-parole des ophtalmologistes coordonnés du Morbihan.
Après s'être concerté dimanche soir, lors d'une conférence téléphonique entre 22 représentants de coordinations départementales, les médecins du Grand Ouest font savoir qu'ils subordonnent leur retour au système conventionnel à « l'établissement d'une convention médicale juste et honnête, respectueuse des parties signataires, et qui passe par le libre choix de chaque praticien à une adhésion conventionnelle ». Bien qu'elle soit improbable après la rupture des négociations conventionnelles le 16 avril, cette « convention » doit inclure, selon eux, cinq principes-clés, « seuls garants demain d'une médecine libérale et des soins de qualité ». Ils revendiquent tout d'abord, comme la FMF, « la mise en place d'un secteur tarifaire unique, libre (avec tact et modération) et modulable », mais aussi une permanence des soins « hors du champ conventionnel, déléguée au corps médical, basée sur le volontariat et suffisamment incitative ». Ils veulent « une télétransmission OPTIONNELLE de feuilles de soins électroniques et de documents médico-administratifs (...) ». Enfin, les médecins coordonnés de l'Ouest de la France rejettent toute prise en charge des primes d'assurance (RCP) par les caisses, et réclament « une formation médicale continue indépendante, non conventionnelle, non obligatoire, mais largement incitative ».
RCM : Matignon arbitrera
Le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a déclaré que le règlement conventionnel minimal (RCM) fera l'objet d'une procédure d'arbitrage de Matignon entre les ministères des Finances et de la Santé.
« Je ne peux pas vous dire ce que sera le règlement conventionnel minimal qui s'appliquera aux spécialistes, car il fera l'objet d'une procédure d'arbitrage entre les ministères des Finances et de la Santé, qui sera rendue par le Premier ministre », a indiqué le ministre lors d'une visite du centre hospitalier d'Orléans, en ajoutant qu'une solution serait trouvée « d ans les semaines qui viennent ».
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