C’est désormais à un conflit « global » de la médecine libérale que le gouvernement se prépare à la fin de l’année, en riposte à la loi de santé de Marisol Touraine.
Les syndicats de généralistes ont sonné la charge les premiers, en programmant une grève des gardes et la fermeture des cabinets à compter du 23 décembre (encadré). La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a embrayé avec un appel à un mouvement illimité d’arrêt d’activité à compter du 5 janvier, relayé par les spécialités de plateaux techniques lourds réunies au sein du syndicat Le Bloc.
Modèle anglo-saxon ?
Depuis quelques jours, plusieurs disciplines cliniques ou médico-techniques expriment leur ras-le-bol et appellent à fermer le rideau à la même période. Dimanche 7 décembre, l’UMESPE (CSMF), qui fournit les gros bataillons de spécialistes, réunira des états généraux de la médecine spécialisée libérale. Toutes les « verticalités » représentées devraient afficher leur rejet massif de la loi de santé, préciser aussi leurs doléances tarifaires et examiner les modalités de mobilisation de la médecine spécialisée (secteur qui compte 61 000 praticiens libéraux ou mixtes dont 35 000 spécialistes médicaux). « Le gouvernement rêve d’un modèle anglo-saxon où les spécialistes seraient cantonnés dans les hôpitaux, explique le Dr Patrick Gasser, président de l’UMESPE. La loi de santé, c’est le "business plan" de l’hôpital public. Ça suffit. Le conflit qui se prépare sera un mouvement de toute la médecine libérale ».
Les radiologues (FNMR) appellent déjà à ne pas assurer la permanence des soins pendant la période du 24 au 31 décembre. Les ORL (SNORL) fermeront leurs cabinets et s’associeront aux manifestations sur le territoire. Les anesthésistes (SNARF) s’opposent à une loi qui « démantèle la médecine libérale » mais se mobiliseront aussi pour défendre leur liberté tarifaire. Des syndicats de gastro-entérologues mais aussi de pédiatres, inquiets du projet de médecin traitant de l’enfant, ont précisé qu’ils s’associaient au mouvement d’arrêt d’activité. Les dermatologues (SNDV) se préparent à une grève de la télétransmission illimitée. Et la branche AOC de la CSMF (anesthésie, obstétrique, chirurgie) prévoit un « mouvement dur d’arrêt de toutes les activités » fin décembre. Les incertitudes sur le secteur II entretiennent la grogne.
Vers des réquisitions
Cette exaspération qui monte devient un sujet politique. Les agences régionales de santé (ARS) vont devoir apprécier la situation locale de l’offre médicale disponible pendant les fêtes (permanence des soins, lignes de garde), au risque d’aboutir à de fortes tensions aux urgences. Impossible pour la puissance publique de laisser des secteurs sans praticiens. « On devra apprécier sérieusement les découverts de service, nous confie un directeur général d’ARS. Notre seul recours, c’est la réquisition. Si on peut s’en passer, on le fera. C’est pourquoi on dialogue avec les associations de libéraux...».
Sur le terrain, le malaise s’exprime lors des soirées d’information organisées par les syndicats. « Nous étions une centaine de praticiens la semaine dernière à Châteaudun et à Rennes, explique le Dr Benoît Feger, ORL à Brest et président de la branche spécialiste de la FMF. Ce mouvement fédère l’ensemble des libéraux généralistes, spécialistes et plateaux techniques, qui estiment que l’on remet en cause leur indépendance professionnelle. »
Appel aux élus
La colère n’est pas localisée. L’Union française pour une médecine libre (UFML) a entamé un tour de France (Cannes, Toulouse, Nantes, Bordeaux, Lyon, Paris et Metz) pour « alerter sur les graves dangers » du projet de loi. L’organisation des ex-médecins pigeons a écrit une lettre ouverte aux élus (députés, sénateurs, maires...) pour leur demander de se positionner sur la réforme Touraine.
Pour les spécialistes aussi, le tiers payant fait office de repoussoir. « Il est considéré comme une mise sous tutelle de la profession, explique le Dr Feger, source de conflits, de perte de temps et de complications administratives. » Les dernières promesses verbales de Marisol Touraine n’ont en rien convaincu. « Cette loi est une tentative d’étatisation de la médecine spécialisée et veut nous transformer en officiers de santé, poursuit le Dr Feger. Elle doit être retirée, point barre. »
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