La première étape du mouvement de protestation des médecins spécialistes libéraux (qui s'achève le mardi 15 octobre avec les thermalistes, les radiologues et les radiothérapeutes) aura été un mouvement « spécialité par spécialité », avec toute latitude laissée à chacune d'entre elles d'organiser sa journée de revendication comme elle l'entendait (arrêt d'activité, journée de sensibilisation ou encore dépistages gratuits, etc.).
Mais s'agissant de la journée de grève de l'ensemble des spécialistes de mercredi prochain 16 octobre, Jean-François Rey, président de l'Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE), est très clair : « Le 16 octobre, il s'agira d'une journée de fermeture des cabinets pour l'ensemble des spécialistes, même chose en clinique, et pas de vacations hospitalières ; et on va mettre nos répondeurs sur le 15. »
Pour Jean-François Rey, même si le ministre Jean-François Mattei pourrait faciliter les négociations qui s'engagent autour de la nouvelle convention, les raisons du mécontentement des médecins spécialistes libéraux n'ont pas changé, elles se seraient même alourdies depuis juillet dernier. Au nombre des motifs d'insatisfaction des spécialistes : la loi Kouchner sur le droit des malades. Certes, Jean-François Rey n'en discute pas le bien-fondé, mais elle serait « détournée » par les patients qui voudraient « tout, tout de suite », qu'il s'agisse de la communication du dossier médical ou de la montée en puissance de la judiciarisation des rapports patient-médecin. Jean-François Rey craint à ce sujet qu'on en arrive à deux couples indissociables : « Le malade et son avocat, le médecin et son assureur. »
Mais il y a plus grave, ou presque : pour Jean-François Rey, il est urgent de restaurer l'équilibre économique des cabinets de spécialistes ; car « si on ne procède pas rapidement à une revalorisation des actes médicaux, nous serons en droit de nous demander si on ne veut pas notre disparition ». Le ton est donné, et le président de l'UMESPE égrène ses revendications : à ses yeux, il est vital de rendre une « vraie valeur » aux actes médicaux ; les spécialistes aspirent à retrouver un minimum de confort dans leur exercice professionnel : il faut donc leur donner les moyens de cesser d'allonger leur temps de travail par la « course au volume », qui est parfois leur seul moyen de faire face à la baisse des revenus. Les spécialistes travaillent en moyenne de 55 à 57 heures par semaine, « ils font aussi des gardes », et Jean-François Rey de citer de nombreux jeunes spécialistes qui préfèrent exercer à l'hôpital où ils jouissent de nombreux avantages sociaux. Et c'est bien là que le bât blesse pour Jean-François Rey qui demande un arrêt du déclin de la médecine libérale « ou bien, qu'on nous dise qu'on ne veut plus de la médecine libérale de proximité, et qu'on veut instaurer un système à l'anglaise ! ».
Un AcBus sur les arrêts de travail ?
Mais l'UMESPE se garde bien de donner l'impression de ne produire qu'un catalogue de revendications. Jean-François Rey a aussi des propositions dans sa manche et lance l'idée de la signature d'un accord sur le bon usage des soins (AcBUS) comme il s'en est signé un certain nombre ces derniers mois entre les caisses et les syndicats de médecins : puisqu'il ressortirait des études de la CNAM que 25 % des indemnités journalières payées par les caisses seraient dues à des arrêts de travail signés par des spécialistes, pourquoi ne pas signer un AcBUS à ce sujet, avec engagement de modération de la part de ces mêmes spécialistes ?
Idem pour les transports médicalisés, dont 50 % seraient encore prescrits par les spécialistes, et pour les actes redondants qui leur sont aussi parfois reprochés. « Si on veut faire la chasse au gaspi, on peut y participer », ajoute le patron de l'UMESPE, qui précise que les spécialistes sont prêts à s'engager, pourvu que les caisses « ne confondent pas rationaliser et rationner ».
Pour toutes ces raisons, l'UMESPE attend une forte mobilisation lors de la journée du 16 octobre : « Si un médecin spécialiste sur deux y participe, ce sera un succès », précise Jean-François Rey, qui ajoute que les syndicats font tout pour canaliser le mécontentement afin d'éviter les excès des coordinations. Et, pour bien montrer aux caisses et aux pouvoirs publics qu'il y a front commun des médecins spécialistes, le Dr Rey, de l'UMESPE, et le Dr Cabrera, du SML, donneront le 16 octobre une conférence de presse commune. Ils seront accompagnés du Dr Michel Chassang, président de la CSMF, pour montrer que c'est l'ensemble de la profession médicale qui est concerné par ce mouvement.
Les assureurs dans le collimateur de l'UMESPE
S'exprimant sur le mécontentement des médecins spécialistes libéraux, et plus précisément sur le problème du désengagement des assureurs, Jean-François Rey, président de l'UMESPE, s'en est pris vivement à Denis Kessler, président de la Fédération française des sociétés d'assurance. Estimant que les spécialistes libéraux sont « pris en otage par les assureurs », Jean-François Rey a ajouté : « Une fois de plus, Denis Kessler montre le peu de considération qu'il porte aux médecins libéraux, il nous considère comme une ligne comptable. A travers nous, M. Kessler fait pression sur le gouvernement pour obtenir des aménagements de la loi sur le droit des malades. » Au mois de septembre dernier, sur cette question du désengagement des assureurs de la médecine libérale, Denis Kessler avait annoncé « être en contact » avec les ministères des Finances et de la Santé « pour trouver une solution qui passera par des modifications et des amendements à la loi Kouchner (sur les droits des malades) qui n'a pas été pensée » (« le Quotidien » du 17 septembre 2002). Depuis, le gouvernement a annoncé l'élaboration d'un projet de loi pour tenter de pallier la désaffection des assureurs (« le Quotidien » des 9 et 10 octobre).
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