C'est l'aboutissement d'un âpre et long combat. A partir d'aujourd'hui, les spécialistes de secteur I consultés hors du parcours de soins ont le droit de pratiquer des dépassements plafonnés individuellement à 17,5 % par acte clinique ou technique (arrondi à l'euro supérieur) sur la base des tarifs coordonnés dans la limite de 30 % de leur activité globale.
En pratique, hors exceptions et dérogations prévues (urgence, éloignement occasionnel du patient, disciplines en accès spécifique pour certains actes), un spécialiste de secteur I pourra désormais facturer une consultation de 32 euros au maximum au patient qui le voit en accès libre, c'est-à-dire hors des itinéraires fléchés par le médecin traitant (avis ponctuel, protocoles, soins itératifs). Il cotera alors CS + MPC + DA (pour dépassement autorisé). La convention précise que le spécialiste doit informer son malade du montant du dépassement autorisé non remboursé par l'assurance-maladie et lui en expliquer le motif. La caisse demande également aux spécialistes qui ont pris des rendez-vous avant le 1er juillet, donnant lieu à une consultation après cette date, de ne pas pratiquer de dépassements dans ce cas.
Compromis.
Il aura donc fallu un clash conventionnel au printemps 2003, un usage parfois sauvage du dépassement pour exigence particulière du patient (DE) et un rapport de force permanent imposé aux caisses primaires pour que les spécialistes obtiennent dans la loi Douste-Blazy ce que la Cnam leur avait toujours refusé. Un arbitrage politique qui a trouvé sa place dans l'article 8 de la réforme. « Les médecins relevant de certaines spécialités sont autorisés à pratiquer (...) des dépassements d'honoraires sur le tarif des actes et des consultations pour les patients qui les consultent sans prescription préalable de leur médecin traitant et qui ne relèvent pas d'un protocole de soins (...). » La nouvelle convention, on le sait, a ensuite mis en musique cette disposition légale en trouvant un compromis entre les exigences des représentants des spécialistes et la volonté de la Cnam de ne pas compromettre l'égalité dans l'accès aux soins.
D'où l'instauration d'un double garde-fou sur ces fameux dépassements : le plafonnement par acte et la limitation en volume puisque dans tous les cas le spécialiste de secteur I devra réaliser au moins 70 % de son activité en tarifs opposables. Parallèlement, le secteur II a été maintenu, de même que le droit permanent à dépassement (DP) pour les quelques centaines de médecins qui en bénéficient.
A gauche, dans le monde mutualiste, du côté des associations d'usagers, beaucoup ont dénoncé un système qui permet au spécialiste d'être rémunéré davantage (grâce aux dépassements) lorsque le patient ne respecte pas la règle vertueuse des parcours de soins. « La bonne idée des parcours de soins a été complètement pervertie, dénaturée », analyse Claude Pigement, délégué national du PS à la santé. Le risque d'une médecine à deux vitesses, d'une double file d'attente chez le spécialiste, a été avancé. Des conciliateurs ont été mis en place dans les caisses locales pour régler les litiges.
Quant aux spécialistes, ils pressentent que cette autorisation de dépassement est la contrepartie d'une baisse d'activité dans les prochains mois, souvent souhaitée d'ailleurs. « Quand le secteur II a été créé, on a constaté assez rapidement une diminution de 20 % du nombre d'actes », rappelle aussi le Dr Dino Cabrera, président du SML. Le Dr Jean-François Rey, président des spécialistes de la Csmf (Umespe), insiste sur le chemin parcouru. « C'est la concrétisation de quatre ans de bagarre et surtout une réponse pragmatique après l'échec de la réouverture du secteur II refusée aussi bien politiquement que juridiquement ». Liberté (tarifaire) chérie...
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