MISE À L’ÉCART de la loi Bachelot, régulièrement vilipendée sur la question des dépassements d’honoraires, mal connue et mal comprise, la médecine spécialisée libérale ne veut pas être la grande oubliée de la campagne présidentielle. À moins de 50 jours du premier tour de l’élection, alors que les débats se focalisent sur l’accès aux soins généralistes ou sur la défense de l’hôpital public, l’Union nationale des médecins spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF) a rédigé une plateforme à l’attention des candidats. Elle en présentera les grandes lignes aujourd’hui, lors d’un colloque à Paris qui réunira Jean-Marie Le Guen (PS), le Pr Philippe Juvin (UMP) et les conseillers santé des Verts et du MoDem.
Le syndicat y défend les atouts des 55 000 praticiens libéraux de 35 spécialités médicales, indispensables maillons du système de santé tricolore. Ces acteurs de la recherche et de l’innovation médicale, souvent aussi chefs d’entreprise et employeurs, marquent aujourd’hui leur territoire. Confrontés à la diminution programmée de leurs effectifs, à une évolution limitée de leurs revenus, les spécialistes de proximité attendent une « implication forte des futurs responsables politiques du pays ». Tour d’horizon.
• Favoriser les maisons de spécialistes
Conséquence de la diminution du numerus clausus dans les années 1980-1990 et du désintérêt des jeunes pour l’exercice libéral, le nombre de médecins spécialistes va diminuer dans les prochaines années. Comme la médecine générale, la médecine spécialisée (dans de nombreuses disciplines) est confrontée à une démographie déclinante. Si 46 % des spécialistes inscrits à l’Ordre étaient installés en ville en 2010, les nouveaux inscrits sont moins de 10 % à faire ce choix quand 70 % s’orientent vers la médecine salariée et 20 % vers le remplacement. Pire, aucune nouvelle installation en libéral n’a été enregistrée en 2010 sur le territoire dans quatorze spécialités (endocrinologie, la neurochirurgie, plusieurs spécialités chirurgicales…). Par ailleurs, l’hyperspécialisation entraîne une concentration de professionnels dans les pôles de population les plus importants. « Cela devient un problème pour l’accès aux soins dans les villes moyennes », souligne le syndicat. L’UMESPE, qui a fait sa mue, milite pour l’émergence de nouveaux modes d’exercice regroupé tel que les maisons de spécialistes. Pour sensibiliser les jeunes, l’UMESPE préconise également d’ouvrir des stages d’internat dans des cabinets de ville et en cliniques pour compléter la formation hospitalière. « Si rien n’est fait, plusieurs spécialités risquent de disparaître de l’offre de soins libérale de proximité », met en garde le syndicat.
• Valoriser les « cliniciens » en hiérarchisant les consultations
Le revenu moyen annuel d’un médecin spécialiste libéral est de 97 000 euros (tous secteurs confondus).
C’est à peu près autant qu’un préfet mais deux fois moins qu’un notaire (voir tableau). Selon les chiffres de la CARMF, les médecins spécialistes ont connu une diminution de 1 % de leurs bénéfices non commerciaux en euros constants entre 2009 et 2010. « La reprise de l’inflation, la hausse des charges des cabinets, conjuguées au gel des honoraires et à certaines baisses de tarifs (biologie, radiologie…) ont accentué la dynamique de baisse des revenus », explique l’UMESPE. Surtout, de très fortes disparités existent. Le recul est plus fort pour les spécialités cliniques (-3,2 % en 2010). Dix-sept disciplines avaient vu leur revenu imposable diminuer en 2009 parmi lesquelles l’anatomocytopathologie (-8 %), la médecine nucléaire (-7,3 %). « Pour beaucoup de spécialistes exerçant en secteur 1, l’exercice hospitalier est plus confortable et rémunérateur », résume l’UMESPE.
Hormis quelques disciplines techniques emblématiques (chirurgiens, anesthésistes, radiologues…), la majorité des spécialités médicales ont une rémunération moindre qu’un praticien hospitalier (75 000 euros de salaire moyen). L’UMESPE plaide pour une valorisation prioritaire des cliniciens (activité majoritaire en CS) en concrétisant la CCAM clinique, promise depuis des années. Amorcée dans la convention, une hiérarchisation progressive des consultations, en fonction de leur contenu, de leur durée et de leur niveau de difficulté, constitue un des leviers susceptibles d’améliorer la condition des spécialistes.
• Horaires : accompagner les initiatives locales d’organisation
Selon une récente de l’INSEE, les médecins libéraux travaillent en moyenne 9 heures par jour, 10 à 12 heures par jour dans certaines spécialités. Ainsi, le temps de travail moyen des médecins spécialistes libéraux est de 60 heures par semaine (hors gardes et astreintes). Si l’ophtalmologie et la psychiatrie rencontrent des difficultés pour garantir des rendez-vous rapides, la plupart des médecins spécialistes ont déjà adapté leurs horaires pour répondre à la demande. Une étude de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) d’Ile-de-France a montré que 84 % des spécialistes proposent des rendez-vous après 19 heures et 34 % après 20 heures tandis que 6 spécialistes sur 10 ouvrent leur cabinet le samedi matin. « Cette organisation flexible et réactive permet la prise en charge rapide des patients en cas d’épisode aigu », souligne l’UMESPE. Le syndicat appelle les agences régionales de santé (ARS) à soutenir les initiatives locales des spécialistes libéraux pour améliorer l’organisation et la permanence des soins.
• Appliquer le secteur optionnel...sans fermer brutalement le secteur II
Alors que le débat est récurrent sur l’ampleur des dépassements d’honoraires - qui pèsent 2 milliards d’euros par an -, le syndicat juge qu’une « fermeture sèche » du secteur II conduirait à la disparition de l’offre conventionnée dans certaines spécialités. Depuis plusieurs mois, l’UMESPE demande l’application d’un secteur optionnel sur la base des accords conventionnels. Ce nouveau secteur tarifaire, réservé dans un premier temps à la chirurgie, la gynécologie-obstétrique et l’anesthésie, engagerait les praticiens volontaires à réaliser 30 % de leurs actes aux tarifs opposables et à limiter leurs dépassements d’honoraires à 50 % sur le reste de leur activité. Après une expérimentation, l’UMESPE souhaiterait étendre le secteur optionnel à d’autres disciplines. « Les médecins spécialistes sont prêts à s’engager dans ce dispositif reposant sur la solvabilisation de dépassements maîtrisés qui réunira, à terme, tous les médecins généralistes et spécialistes dans un seul secteur », affirme le syndicat.
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