ALORS QUE LA TENDANCE est au contrôle des dépenses de santé, les histoires de gros sous vont-elles avoir la peau des unités de soins palliatifs (USP) ? Les deux précédents plans, 1999-2001 et 2002-2005, avaient permis, sous la houlette de Bernard Kouchner, le développement nécessaire des unités mobiles puis des réseaux à l’origine de l’hospitalisation à domicile (HAD). Laissées en berne, les USP sont aujourd’hui les parents pauvres d’un système où la fin de vie n’est ni retardée ni hâtée.
Malgré des besoins bien supérieurs, leur budget ne dépasse que de 10 % celui des lits identifiés, mettant à mal la complémentarité des diverses structures de soins palliatifs – les USP, les équipes mobiles et les réseaux. «Nous dépendons de la dotation globale de l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation), insiste Joseph Lafont, président de la Maison médicale Jeanne-Garnier (Paris), la plus grande USP française. On nous alloue des finances sur la base de ce que nous avons dépensé l’année précédente. Le problème, c’est que la dotation globale a baissé de 4% cette année, alors que nos besoins sont croissants. La différence, c’est l’association des bénévoles de Jeanne-Garnier qui la paie de sa poche. Ça ne peut pas durer.»
On est loin des cinq lits pour 100 000 habitants.
Un constat auquel il faut ajouter la répartition inégale des soins palliatifs dans l’Hexagone. Six régions ne sont pas encore dotées de ces structures : Limousin, Centre, Languedoc-Roussillon, Haute-Normandie, Basse-Normandie, Guyane et Réunion. En somme, des zones rurales avec une population vieillissante, donc concernée au premier chef. «Aujourd’hui, seulement une douzaine de CHU ont une unité de soins palliatifs. L’objectif était pourtant de les doter tous!», remarque Daniel d’Hérouville, chef de service à Jeanne-Garnier. Chiffres à l’appui, le médecin démontre l’extension au ralenti des soins palliatifs sans se départir de son calme. «En 2002, on dénombrait 834lits en USP. On n’en comptait plus que 783 en 2004.» Une baisse due à la remise aux normes des unités. Selon le rapport Decisier (Conseil économique et social)*, il faut cinq lits pour 100 000 habitants pour qu’il y ait USP. «Des centaines d’unités n’en avaient que deux», indique D. d’Hérouville.
Pourtant, on est encore loin de l’harmonisation souhaitée. Comme les USP sont considérées comme des gouffres financiers, on leur préfère les lits identifiés, des «solutions alternatives» moins coûteuses. «Faire un amalgame entre les deux est dangereux», estime le Dr d’Hérouville. Les lits identifiés ne sont pas des créations dans les services hospitaliers mais des lits déjà existants. De plus, «certains d’entre eux ne bénéficient pas d’un encadrement rigoureux. Des contraintes ne sont pas respectées. En soins palliatifs, on exige une moyenne de sept infirmières pour dix lits alors que des équipes tournent avec moins de cinq infirmières», continue le médecin. Pour ce faire, des normes doivent être clairement définies dans des cahiers des charges, obligeant chaque structure, chaque région ou chaque équipe à leur respect. Après vingt ans d’attente, la démarche semble entamée par le ministère.
Malgré tout, l’inquiétude des acteurs des soins palliatifs n’a jamais été aussi vive. «La valorisation économique est inadéquate, voire dangereuse. Que va-t-il se passer? Va-t-on être obligé de sélectionner les patients alors qu’il existe déjà une liste d’attente pour entrer dans nos établissements? Que se passe-t-il pour les cas nécessitant des soins palliatifs chroniques ou ceux qui se stabilisent?», questionne D. d’Hérouville. Autant d’interrogations pour construire «la politique de santé publique de demain».
www.jeanne-garnier.org.
* « Le Quotidien » du 24 février 1999.
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