PRATIQUE
Gestion de l'angoisse
La sédation (photo 2) permet de gérer l'angoisse du patient, qui est bien souvent la première cause d'opposition. Pour les personnes handicapées, les effets d'une prescription de benzodiazépines restent hautement aléatoires, du fait de leur effet dépressif du système nerveux central, de leur mode d'élimination hépatique dont la cinétique varie beaucoup d'un individu à l'autre, et de leur interaction avec la pharmacologie liée aux troubles neurologiques et systémiques que présentent ces patients et qui comporte fréquemment ce type de substance. Par contre, la sédation consciente par inhalation d'un mélange d'oxygène et de protoxyde d'azote constitue une excellente alternative. Sa mise en uvre permet à la fois de couvrir le risque algique de l'anesthésie locale, et d'obtenir une anxiolyse. Dans ces conditions, les soins conservateurs et les actes prothétiques deviennent possibles. En particulier lors des situations de traumatismes bucco-dentaires, très fréquents, chez les personnes handicapées, la sédation permet le traitement de ces urgences dentaires même en l'absence de séances d'éducation au soin préalables.
L'efficacité du mélange oxygène/protoxyde d'azote a été démontrée dans de très nombreuses études portant sur un grand nombre de patients. La majorité des études décrivent l'efficacité du mélange à améliorer l'acceptabilité des soins chez les patients anxieux ou opposants, et en quarante cinq ans d'utilisation du mélange en art dentaire, aucune mortalité ou morbidité sérieuse n'a été rapportée. La mise en place de cette procédure a permis d'une part d'augmenter l'accès aux soins pour de nombreux patients handicapés initialement opposants et, d'autre part, de réduire les coûts de santé en limitant les indications de soins sous anesthésie générale.
Pour les patients handicapés, les traitements dentaires sous sédation consciente représentent une alternative à l'anesthésie générale. La sédation consciente par inhalation est compatible avec les soins conservateurs, et peut être répétée à des courts intervalles, selon les besoins en soins des patients.
Manford et Roberts (1980) ont rapporté que parmi 50 patients handicapés de 5 à 22 ans, 17/19 patients préalablement soignés sous anesthésie générale et 27/31 qui étaient en attente de soins ont accepté les soins sous sédation consciente. Plus particulièrement pour les ventilateurs buccaux que sont fréquemment les personnes handicapées, l'utilisation des masques naso-buccaux a permis d'augmenter spécifiquement les indications de la sédation par inhalation à ces personnes, adultes et enfants.
En France, les indications d'administration de sédation par inhalation d'un mélange oxygène/protoxyde d'azote dans une structure hospitalière ont été analysés pour une période de huit mois (261 indications, 134 patients). Parmi les patients de plus de 5 ans, 58 % relevaient d'une structure d'éducation, de travail ou de vie spécialisée (âge moyen : 21,5 ans ± SD :11,1). Certains groupes sont particulièrement représentés : autistes (35 %), porteurs de trisomie 21 (26 %), insuffisants moteurs cérébraux et polyhandicapés (26 %), déficients mentaux et syndromes rares associant une déficience mentale (14 %). Parmi les enfants de moins de 5 ans, 24 % sont handicapés (trisomie 21 et psychotiques).
Divers actes réalisés
La répartition des actes réalisés sous sédation par inhalation dans ces indications est la suivante : soins conservateurs (42 %), avulsions (35 %), examens cliniques et radiologiques (9,5 %), détartrage et soins d'hygiène (6 %), prises d'empreintes (3 %), petite chirurgie (2,4 %), anesthésie locale seule (1,2 %) et séances d'apprentissage (1,2 %). Une prémédication a été associée à l'inhalation de MEOPA pour 8 % des indications. Des effets indésirables non graves sont apparus sous la forme de vomissements dans 3 % des cas, et aucun effet indésirable grave n'est survenu. Enfin, les indications d'anesthésie générale posées au cours de cette période ont significativement diminué si l'on se réfère à une période antérieure à l'introduction de la technique dans ce service.
Extractions
En France, les patients les plus opposants sont généralement plus facilement réorientés et la déficience mentale marque très fortement la population reçue dans les services hospitaliers. Dans un service du sud de la France, parmi 100 personnes handicapées hospitalisées pour des extractions sous anesthésie générale (Cf. photo 3), on dénombre 15 % de patients psychotiques, 13 % de patients handicapés moteurs, 43 % de patients déficients mentaux, 21 % de patients déficients mentaux sévères et 8 % de patients polyhandicapés.
Bien que ce mode d'intervention soit le plus utilisé en France pour les personnes handicapées, l'anesthésie générale reste techniquement peu compatible avec les soins dentaires conservateurs. La durée limitée d'intervention, la nécessité de limiter les réitérations et les difficultés techniques liées à l'accès opératoire expliquent le fort taux d'extractions réalisés sous anesthésie générale. Dans la plupart des cas, les extractions multiples réalisées dans ces conditions traitent les problèmes infectieux et douloureux mais contribuent à la disparition de la fonction masticatrice et aggravent le déficit esthétique de ces patients.
Les conséquences sociales de ces deux paramètres sont toujours très importantes. En effet, la perte de la mastication, lorsque celle-ci est préexistante, implique que les aliments soient mixés et aggrave la dépendance. Par ailleurs, lorsque ces patients sont partiellement édentés, des dyskinésies induites par l'absence de stabilisation mandibulaire peuvent apparaître, sous la forme de propulsions en va et vient de la mandibule, de latéralisations excessives, uni- ou bilatérales. Ces dyskinésies, associées aux édentements antérieurs, renvoient à la société une image majorée de la différence et aggravent la marginalisation.
L'intérêt de normalisation des conditions de soins et le coût de l'hospitalisation doivent toujours orienter préférentiellement vers une prise en charge des patients à l'état vigile ou sous sédation.
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