8 FÉVRIER 1999-8 février 2007. Cela fait aujourd’hui huit ans que Christiana, Valentina, Snejana, Nassia et Valia, les cinq infirmières bulgares, ainsi que le Dr Ashraf Ahmad Jum’a, le médecin palestinien, croupissent dans les geôles du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Accusés d’avoir inoculé en 1998 le virus du sida à 393 enfants de l’hôpital pédiatrique de Benghazi, soumis à des tortures pour avouer leur « crime », condamnés à deux reprises à la peine de mort, en dernier lieu le 19 décembre dernier, les infirmières et le médecin attendent un troisième procès qui, selon Avocats sans Frontières, pourrait avoir lieu devant la cour d’appel de Tripoli courant 2008, voire 2009. Les initiatives de soutien se multiplient pour dénoncer les prolongations d’une procédure scélérate, alors que les preuves scientifiques, aussi abondantes que concordantes, ont été fournies par les plus hautes instances médicales et publiées par les revues internationales, qui établissent l’innocence des condamnés (« le Quotidien » des 13 et 21 décembre 2006).
Les Enfants d’Hippocrate.
Hier, dans la salle des Bustes de l’Académie nationale de médecine, à Paris, c’est la voix du Dr Xavier Emmanuelli, ancien ministre chargé de l’Action humanitaire d’urgence, président du Samu mondial, qui s’est élevée pour lancer un appel à la mobilisation solidaire des professionnels de santé, en présence de nombreuses personnalités du monde de la médecine, parmi lesquelles le représentant du CII (Conseil international des infirmières), Christophe Debout. Rédigé par le Pr Raphaël Pitti (Metz), ce texte, qui exige la libération immédiate des infirmières bulgares et du médecin palestinien, diffusé par le Comité national de soutien Les Enfants d’Hippocrate, constitué à l’initiative d’Amitié médicale France-Bulgarie, a été mis en ligne sur quotimed.com, le site Internet du « Quotidien », où il a déjà recueilli près d’un millier de signatures parmi les professionnels de santé.
Parmi les signataires, on relève les noms des Prs Axel Kahn, Pierre Ambroise-Thomas et Jacques-Louis Binet (respectivement président et secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de médecine), Maurice Tubiana (académies des sciences et de médecine).
Président du Conseil national de l’Ordre des médecins, le Pr Jacques Roland a écrit à l’ambassadeur de Libye à Paris pour demander «un geste humanitaire», exprimant d’autre part au ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, sa «très grave inquiétude pour de malheureux collègues qui n’ont eu qu’un tort: vouloir soulager leurs prochains».
Intervenant à son tour, la présidente d’Amitié médicale France-Bulgarie, le Dr Snejina Bankova-Freche, a proposé aux diverses organisations mobilisées pour la libération des infirmières et du médecin de fusionner au sein d’un même collectif. Pourraient ainsi unir leurs efforts Les Enfants d’Hippocrate, le Groupement d’intérêt professionnel en soins infirmiers (Gipsi), l’Association nationale française des infirmières ou infirmiers diplômés ou étudiants (Anfiide) et le collectif Sibel (Soutien aux infirmières bulgares emprisonnées en Libye), un collectif qui organisait hier soir à Paris un concert de soutien avec des artistes bulgares et français, en présence des anciens ministres Robert Badinter et Elisabeth Guigou.
Ces diverses manifestations s’inscrivent dans un contexte d’intense activité diplomatique et politique. En visite officielle à Sofia, la semaine dernière, Dominique de Villepin a expliqué que l’Europe « continue de se mobiliser pour protester contre le sort des infirmières bulgares et du médecin palestinien». Paris, a poursuivi le Premier ministre, «a toujours tenu un langage très clair aux autorités libyennes et s’est engagé pour proposer des solutions, notamment en accueillant des enfants libyens contaminés».
«Je souhaite la clémence des autorités libyennes, et j’espère que ces infirmières et ce médecin pourront revenir dans leurs pays d’origine très bientôt», déclare de son côté Philippe Douste-Blazy. Le ministre des Affaires étrangères a confirmé qu’il s’était entretenu avec Seif el-Islam Kadhafi, le fils aîné du dirigeant libyen, lequel assure que nous approchons désormais d’ «une solution» et «garantit» que les condamnés ne seront pas exécutés. Le dossier figure, quoi qu’il en soit, à l’ordre du jour de la réunion des ministres des Affaires européennes programmée les 12 et 13 février.
Sur le terrain.
«La diplomatie va son chemin, jour après jour, cependant que la médecine va le sien», explique au « Quotidien » un PU-PH parisien qui, avec d’autres chefs de service hospitaliers, a effectué plusieurs déplacements à l’hôpital pédiatrique de Benghazi, «pour contribuer à la mise à niveau des équipes locales d’infectiologie. La situation étant scrutée à la loupe par les autorités libyennes, la divulgation d’informations risquerait actuellement de compromettre des mois d’efforts et de négociation», poursuit ce chef de service qui s’exprime sous le sceau de l’anonymat et s’apprête à rejoindre la Libye dans les tout prochains jours, dans le cadre d’une nouvelle mission financée par la Commission européenne.
Cette solidarité médicale de terrain, non exempte de risques, conjugue tous ses efforts avec ceux des pétitionnaires et des associations, médicales et autres, et, bien entendu, des responsables diplomatiques et politiques, pour que prenne fin l’interminable calvaire enduré par les cinq soignantes et le médecin.
Pétition en ligne sur : www.quotimed.com. Renseignements : amitiemedicale@orange.fr et 01.42.28.30.66.
Avocats sans frontières donne rendez-vous ce soir à 18 h 45 à proximité de l’ambassade de Libye à Paris, à l’intersection des rues de Bénouville et de la Faisanderie, 75116 Paris.
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