Premier contact
Les signes d’appel ophtalmologiques sont nombreux, et parmi eux certains sont évocateurs ou engagent le pronostic visuel. Comme l’indique le Dr Christine Bulteau (neuropédiatre à la Fondation ophtalmologique Rothschild), l’examen clinique est primordial, et sera au besoin complété par des examens complémentaires, dont les techniques d’imagerie.
Le premier contact avec les parents est essentiel, car à partir de cet instant se construira leur coopération pour la recherche du diagnostic. L’interrogatoire précise les antécédents personnels et familiaux de l’enfant : le déroulement et la surveillance de la grossesse, l’éventualité d’une maladie virale, d’une infection materno-foetale, d’une prise médicamenteuse, d’une prématurité, de convulsions, de fièvre.
Premier signe
Pendant l’interrogatoire, le médecin observera l’enfant, son comportement visuel : quel est le premier signe qui a alerté les parents, la présence d’une malformation évidente, d’une leucocorie remarquée notamment sur des photos, d’un strabisme permanent ou intermittent, d’un nystagmus, d’une anomalie de taille de l’oeil (mégalocornée), de coloration, de dimension ou de forme d’une pupille, d’une anomalie du comportement visuel comme une absence de réaction à la lumière, un signe digito-oculaire ou un signe de l’éventail, d’une photophobie, d’un larmoiement ou de la capacité ou non de suivre ou de saisir un jouet.
Développement moteur
Le développement moteur du tout-petit est aussi apprécié grâce à des repères précis : le sourire-réponse s’installe vers 2 mois, la tenue de la tête vers 3 mois, la préhension volontaire vers 5 mois, la tenue assise entre 7 et 9 mois, la marche entre 10 et 18 mois ; le langage oral est en général bien intelligible vers 3 ans à l’entrée en maternelle.
L’interrogatoire de l’enfant plus grand apporte des renseignements sur le développement moteur, intellectuel, sensoriel (en particulier l’audition), la scolarisation, l’alimentation, le sommeil ainsi que sur son comportement. Tous ces renseignements sont notés sur le carnet de santé.
Examen neurologique
L’examen neurologique est bien codifié ; il apprécie le comportement visuel, le tonus axial et périphérique, le périmètre crânien, les différents signes de focalisation, les signes d’hypertension intracrânienne, les signes d’un syndrome pyramidal, extrapyramidal, cérébelleux, une anomalie neurocutanée ou morphologique. Cet examen, poursuit le Dr Bulteau, précise par ailleurs l’ancienneté et l’évolution des signes ophtalmologiques, les signes qui ont attiré l’attention de l’ophtalmologiste, du pédiatre, ou lors d’examen systématique dans le cadre d’une PMI.
En fonction de cet examen clinique, des examens complémentaires seront éventuellement demandés : imagerie, PL, bilan sanguin.
Nous abordons ci-dessous quelques exemples.
L’oedème papillaire
On distingue l’OP de stase, en rapport avec une hypertension intracrânienne ou une compression du nerf optique, comportant peu de retentissement visuel au début, des neuropathies optiques primitives avec le plus souvent une baisse d’acuité visuelle. L’OP s’installe très rapidement chez l’enfant et disparaît également beaucoup plus vite que chez l’adulte.
Les étiologies de l’OP sont multiples :
– tumorales, avec les tumeurs de la fosse postérieure, notamment les médulloblastomes ;
– toxiques : hypervitaminose A, tétracyclines ;
– infectieuses : thrombophlébites cérébrales après otite ou mastoïdite ;
– endocriniennes ;
– malformation de Chiari ;
– hypertension intracrânienne idiopathique : avant la puberté elle s’observe dans les deux sexes, l’obésité étant beaucoup moins fréquente que chez l’adulte.
Le plus souvent, l’hypertension intracrânienne est bénigne et le pronostic est essentiellement visuel ; une hypertension intracrânienne bénigne se définit par :
– une augmentation de la pression du LCR lors de la PL au lit du malade supérieure à 20 cm d’eau ;
– une composition normale du LCR ;
– une absence de processus expansif à l’IRM qui montre par ailleurs des ventricules de taille normale ou petite.
Les examens complémentaires dans le cadre d’un OP sont donc une PL avec méthode de Quesckenstedt-Stookey, étude du LCR, un bilan sanguin, inflammatoire et infectieux, une IRM cérébrale et de la charnière cervico-occipitale avec étude de flux au niveau du 4e ventricule.
Les syndromes neurocutanés
–Le syndrome de Sturge-Weber.
Ce syndrome associe un angiome facial à un glaucome homolatéral et des crises convulsives s’il existe un angiome pial. Sur le plan oculaire, les manifestations sont variables avec possibilité d’un hémangiome palpébral, d’une anomalie vasculaire conjonctivale et/ou épisclérale ou d’un hémangiome choroïdien. Un traitement préventif est proposé jusqu’à 6-8 mois en attendant de pouvoir pratiquer une IRM avec injection.
–La maladie de Bourneville.
La sclérose tubéreuse de Bourneville associe des taches cutanées colorées en feuilles de chêne, des hamartomes rétiniens (phacomes) et une atteinte cérébrale avec trois types de lésions possibles : un ou plusieurs tubers intraparenchymateux, une dysplasie corticale et des astrocytomes à cellules géantes intraventriculaires. Ces lésions cérébrales (tuber et dysplasie) peuvent entraîner une épilepsie rebelle. Les techniques d’imagerie cérébrale font le diagnostic ; en cas d’astrocytomes proches du 3e ventricule, une IRM cérébrale est préconisée tous les ans car la lésion peut grossir et gêner la circulation du LCR. Les gènes concernés sont sur le chromosome 9 et sur le chromosome 11, mais certaines formes sporadiques ont été décrites.
Epilepsie du lobe occipital
Lorsqu’un bébé présente dès les premiers jours de vie des épisodes de déviation des globes oculaires rythmiques, non systématisés durant quelques secondes et se répétant plusieurs fois par jour, il faut penser à une épilepsie et réaliser en première intention un EEG dont le tracé met en évidence des décharges concomitantes à ces mouvements appelés oculoclonies.
Troubles neuropsychologiques
Ce sont des enfants qui utilisent mal leur regard et dont la cause peut être un trouble cognitif. Une évaluation neuropsychologique standardisée peut mettre en évidence une atteinte des fonctions attentionnelles, perceptives, visuoconstructives ou de mémoire visuelle. Une rééducation spécifique peut parfois être proposée avec succès.
Ainsi, l’examen clinique chez le tout-petit est primordial et certaines manifestations ophtalmologiques justifient un bilan neuropédiatrique car il n’est pas rare d’observer des atteintes neurologiques associées. Le pronostic fonctionnel est variable.
Communication du Dr Christine Bulteau à la journée organisée par le service du Dr Caputo sur « Les examens ophtalmologiques de l’enfant en 2006 » à la Fondation ophtalmologique Rothschild.
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