Un nouvel outil pour prédire la survie

Les signatures du lymphome folliculaire

Publié le 17/11/2004
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LE LYMPHOME folliculaire est la seconde forme la plus fréquente de lymphome non hodgkinien (22 % des cas). Il affecte l'adulte, surtout après 50 ans, et se manifeste par des adénopathies souvent disséminées et une atteinte médullaire fréquente d'emblée. Son évolution est très variable. Pour beaucoup (75 %), la maladie est indolente et progresse lentement, avec une survie moyenne de plus dix ans, certains survivant parfois plus de vingt ans. Pour d'autres, la maladie progresse rapidement, entraînant une issue fatale en une à quelques années. On ignore les raisons de cette hétérogénéité. La tumeur naît d'une cellule B du centre germinal qui, dans la majorité des cas, a acquis une translocation t (14 ; 18) qui dérégule le gène BCL12, un gène contribuant à la régulation de la mort cellulaire. Certaines tumeurs accumulent parfois d'autres anomalies oncogéniques, mais il n'est pas sûr qu'elles soient responsables de l'hétérogénéité clinique.
Le meilleur traitement reste incertain, entre l'abstention surveillée, la chimiothérapie, la greffe de cellules souches hématopoïétiques ou les thérapies immunologiques (anticorps contre les cellules B ou vaccins idiotypes). Et, si plusieurs facteurs cliniques de valeur pronostique ont été identifiés, les modèles pronostiques fondés sur ces facteurs sont imparfaits et n'ont pas permis de déterminer le meilleur traitement initial.
Dans ce contexte, une équipe internationale dirigée par le Dr Louis Staudt du National Cancer Institute (Bethesda) a étudié une grande série de tumeurs de patients afin de déterminer si la longueur de survie peut être prédite par les profils d'expression génique des tumeurs au moment du diagnostic.
L'étude porte sur 191 échantillons biopsiques (frais congelés) de patients présentant un lymphome folliculaire non encore traité. Ces patients (âge moyen, 51 ans), diagnostiqués entre 1974 et 2001 dans 7 hôpitaux américains ou européens, ont reçu, après biopsie, des traitements standards et ont été suivis pendant sept ans en moyenne (de un à vingt-huit ans).
On a analysé le profil d'expression génique, à l'échelle génomique, dans ces échantillons. La moitié des échantillons a été utilisée pour développer un modèle de survie fondé sur l'expression génique (« groupe d'entraînement »). L'autre groupe (« groupe test ») a servi à valider le modèle.
Dans le premier groupe, les chercheurs ont identifié les gènes dont les profils d'expression sont associés à la survie (ceux liés à un pronostic favorable, ceux liés à un pronostic défavorable). Avec un algorithme de groupement hiérarchique, ils ont identifié des signatures de survie dans le groupe des gènes de bon pronostic, et dans celui des gènes de mauvais pronostic (en tout 10 signatures).
En examinant les différentes combinaisons des 10 signatures moyennes, une puissante synergie prédictive est apparue entre une signature de bon pronostic et une signature de mauvais pronostic ; lesquelles ont été appelées réponse immune 1 et réponse immune 2, en raison de la fonction de la majorité des gènes au sein de ces signatures. Les deux signatures ont permis de construire un prédicteur de survie. Ce modèle binaire a permis de répartir les patients du « groupe test » en 4 quartiles associés à des durées de survie moyenne différentes (13,6 ans ; 11 ans ; 10,8 ans ; et 3,9 ans).

Utilité clinique.
L'utilité clinique du prédicteur de survie est claire. Il pourrait permettre d'identifier les trois quarts des patients avec forme indolente et survie moyenne supérieure à dix ans, pour lesquels l'abstention avec surveillance est appropriée. Et il pourrait permettre de distinguer l'autre quart de patients dont la survie moyenne se limite à quatre ans et qui pourraient être inclus dans des études cliniques évaluant de nouveaux traitements.
Autre point important : le rôle pronostique majeur des cellules immunes normales qui infiltrent la tumeur. En effet, de façon surprenante, les signatures de survie proviennent non pas des cellules malignes, mais des cellules immunes du microenvironnement tumoral. La signature de réponse immune 1 (bon pronostic) comprend des gènes de cellules T, mais également de macrophages. La signature de réponse immune 2 (mauvais pronostic) inclut plutôt des gènes exprimés dans les macrophages et/ou les cellules dendritiques. La nature des cellules immunes du microenvironnement tumoral constitue donc la principale caractéristique qui prédit la durée de survie.
Une meilleure compréhension de la façon dont les cellules immunes peuvent favoriser ou antagoniser la prolifération ou la survie du clone malin pourrait offrir de nouvelles cibles thérapeutiques.

« New England Journal of Medicine » », 18 novembre 2004, pp. 2159, 2152.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7634