DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
LA PREMIÈRE RÉUNION internationale sur les maladies émergentes (Imed) s'est ouverte le 23 février 2007 à Vienne, en Autriche, en présence d'environ 600 participants venus d'environ 50 pays. L'auditoire était composé, environ, de 50 % de médecins et de 50 % de vétérinaires.
J.-P. Gonzales de l'IRD (Institut de recherche pour le développement) a présenté le rôle des chauves-souris comme réservoir et disséminateur de pathogènes.
Apparues il y a environ 50 millions d'années, elles possèdent des caractéristiques qui expliquent leur rôle soupçonné ou certain. Elles sont les seuls mammifères volants, ce qui peut favoriser la dissémination de leurs pathogènes et implique une dépense importante d'énergie qu'elles trouvent dans une alimentation conséquente. Il existe des chauves-souris frugivores qui mâchent les fruits et les recrachent, des chauves-souris hématophages, exposées aux pathogènes des animaux sur lesquels elles se nourrissent, et des chauves-souris se nourrissant de nectar, d'insectes ou de poisson. Elles vivent en colonies, ce qui favorise la transmission horizontale des pathogènes.
On a identifié chez les chauves-souris des bactéries appartenant à 23 genres dont 8 sont communs avec l'homme, 19 espèces de trypanosomes et plus de 70 types de virus, appartenant à 10 familles.
Leur responsabilité dans la transmission de paramyxovirus, les virus Nipah et Hendra responsables de zoonoses et, chez l'homme, d'encéphalite et d'atteinte respiratoire, est certaine, de même que pour les lyssavirus responsables de la rage. Elles sont probablement impliquées dans la transmission du coronarovirus responsable du sras.
Les arguments s'accumulent au sujet de leur responsabilité dans la transmission des filovirus responsables des fièvres hémorragiques Ebola et Marburg.
Le virus Ebola a été retrouvé chez 16 chauves-souris parmi les 3 724 qui ont été testées. Au Gabon, une PCR spécifique a été positive chez 13 spécimens sur 410. De plus, l'infection expérimentale de la chauve-souris est possible. Les foyers d'épidémie d'Ebola se trouvent à l'intérieur des zones d'habitat des chauves-souris, ces épidémies surviennent plus fréquemment à la fin de la saison sèche, en période de disette, lorsqu'il existe des concentrations d'animaux autour des points où de la nourriture est disponible.
Fruits sucés et recrachés.
La chaîne de contamination partirait donc d'une chauve-souris chroniquement infectée. Le contact avec les singes se ferait par le biais des fruits que les chauves-souris rejettent après en avoir absorbé le jus. L'homme chasseur se contamine auprès des singes qu'il abat. La transmission se fait ensuite dans la famille, puis le virus se répand de façon nosocomiale lorsque les malades sont hospitalisés.
R. Swanepoel de l'Institut national des maladies contagieuses de l'Afrique du Sud est également revenu sur ce lien entre filovirus et chauves-souris. Il a rappelé, en ce qui concerne la fièvre Ebola, que, lors de la première épidémie connue, celle du Sud-Soudan de 1976, les 6 premiers cas avaient séjourné dans la même pièce, qui abritait des chauves-souris. Il a indiqué qu'un lien avec des chauves-souris avait été établi lors de toutes les épidémies suivantes.
En ce qui concerne la fièvre hémorragique de Marburg, bien moins répandue, les chauves-souris cavernicoles seraient en cause. Lors de l'épidémie de Kikwit, en République démocratique du Congo, un lien a été établi avec une mine. Les cas primaires survenaient principalement chez des hommes jeunes travaillant dans cette mine par opposition à ceux travaillant dans une mine à ciel ouvert. Les cas primaires étaient suivis de cas secondaires surtout familiaux et atteignant occasionnellement des travailleurs de santé. Un total de 154 cas avec un taux de létalité de 83 % se sont produits. La fin de l'épidémie a coïncidé avec l'inondation de la mine. Au sein de la faune identifiée dans cette mine, il n'existait un lien avec le virus que pour les chauves-souris. La PCR a été positive chez 12 d'entre elles et la sérologie était positive chez 13 % des chauves-souris testées.
International Meeting on Emerging Diseases and Surveillance, Vienne, Autriche.
La fièvre jaune, un risque permanent pour l'Asie
J. P. Woodall, de l'université fédérale de Rio de Janeiro, au Brésil, est revenu sur l'épidémiologie de la fièvre jaune, épidémiologie qui fait intervenir un moustique – Aedes aegypti habituellement ; c'est le réservoir de la maladie, d'autant qu'il existe une transmission verticale transovarienne du virus – et les singes. L'homme s'intercale dans ce cycle lorsqu'il est piqué par le moustique.
J. P. Woodall a insisté sur le risque permanent d'une épidémie de fièvre jaune en Asie. En effet, tout y est réuni : le moustique, l'omniprésence des singes, y compris dans les villes, et une population non immunisée. Si l'obligation de la vaccination contre la fièvre jaune pour les voyageurs en provenance de zone d'endémie de fièvre jaune a participé à l'absence d'introduction du virus responsable en Asie, il est toujours possible qu'un patient virémique l'introduise. La situation serait d'autant plus dramatique que le stock de vaccins serait très insuffisant pour pouvoir faire face à une telle épidémie.
Le portage de Sarm par les animaux domestiques
D. H. Lloyd, du Collège royal vétérinaire de North Mymms, au Royaume-Uni, a rapporté les résultats de plusieurs enquêtes sur le portage de staphylocoques dorés résistant à la méthicilline (Sarm) chez les animaux domestiques, les vétérinaires et les propriétaires d'animaux. Dans une de ces enquêtes, 4 % de 45 chiens et 14 % de 78 personnes impliquées dans leurs soins étaient porteurs de Sarm. Dans une autre, 17 % parmi 114 vétérinaires et 11 % de 54 propriétaires d'animaux étaient porteurs. Il s'agit bien (pour l'instant ?) de portage sans maladie.
CNN ou CDC ?
Dans son intervention, J. M. Hughes (université Emory à Atlanta) a mis l'accent sur la nécessité de la coopération internationale. L'exemple du sras a montré qu'une surveillance et une réponse inadéquates dans un seul pays peuvent avoir des conséquences majeures au niveau international.
Les mots-clés dans le domaine de la surveillance sont devenus partage de l'information et rapidité de réaction. Ce sont ces éléments qui sont repris dans le règlement sanitaire international avec de plus un soutien aux laboratoires.
En ce qui concerne la rapidité de réaction, il est devenu évident que l'échelle de temps doit changer. Pour la grippe saisonnière, la surveillance est actuellement hebdomadaire, ce qui ne permettrait pas une réponse assez rapide dans la perspective d'une pandémie grippale. Au Royaume-Uni, la surveillance de la grippe est devenue quotidienne avec une couverture de 18 millions de personnes, soit 30 % de la population. Le modèle, en ce qui concerne la réactivité, semble être la chaîne de télévision CNN qui peut annoncer 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 et plus rapidement que le CDC, la survenue d'une épidémie. En bref, une révolution de la surveillance est en marche et conduira à une mondialisation de la surveillance et de la gestion des alertes sanitaires.
J. M. Hughes a tenté ensuite de faire de la médecine-fiction en prédisant que parmi les risques sanitaires majeurs figurent, outre une pandémie grippale, des épidémies dues à des bactéries multirésistantes, des épidémies dues à des pathogènes transmis par l'alimentation de type E.coli, des épidémies de fièvre jaune urbaine en Amérique du Sud et en Asie et, bien entendu, un phénomène imprévisible.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature