LA SECURITE des aliments est, dans les pays industrialisés, un thème prioritaire en raison de ses conséquences sanitaires et économiques. Des moyens importants sont mis en œuvre pour la surveillance, la prévention et le contrôle des infections d'origine alimentaire.
Ces systèmes de surveillance permettent, certes, de suivre les tendances évolutives des maladies et de détecter les épidémies, mais ne sont pas faits pour connaître le nombre total de personnes malades. Le poids réel de ces maladies était donc inconnu.
Pourtant, on estime à plus de 200 les maladies infectieuses, bactériennes, virales, parasitaires ou toxiques qui sont transmises par l'alimentation. Le plus souvent, elles se manifestent par une simple symptomatologie digestive, mais peuvent être à l'origine de syndromes sévères, parfois mortels, tels que la méningo-encéphalite à Listeria monocytogènes ou le syndrome hémolytique et urémique consécutif à une infection à Escherichia coli producteur de shigatoxine.
Des infections évitables.
La plupart de ces infections sont évitables. D'où l'importance d'une estimation de la morbidité et de la mortalité, et d'une évaluation de leur poids respectif qui permettraient de mieux orienter les mesures de prévention et de contrôle.
C'est l'objectif visé par l'étude menée conjointement par l'Agence de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire. Elle doit comprendre deux volets, l'un toxicologique, mis en œuvre par l'Afssa, et l'autre infectieux, confié à l'InVS. Les résultats publiés concernent uniquement le volet infectieux et tiennent compte de vingt-trois agents pathogènes (13 bactéries, 2 virus et 8 parasites). Ils sont à l'origine de plus de 700 000 (entre 735 590 et 769 615) cas annuels de toxi-infections, dont 58 0002 d'origine bactérienne, 509 494 d'origine virale et plus de 16 000 d'origine parasitaire. Parmi elles, plus de 200 000 sont d'origine alimentaire. Le nombre moyen annuel de personnes atteintes de maladies d'origine alimentaire, présenté sous la forme d'une « fourchette plausible », oscille entre 238 836 et 269 085, pour la France métropolitaine, dans les années 1990. De 51 269 à 81 927 d'entre elles sont atteintes par une bactérie, 70 600 par un virus et 116 517-116 558 par des parasites.
Les salmonelles sont la cause la plus fréquente des infections bactériennes et sont responsables de 30 598 à 41 139 cas annuels (confirmés par l'isolement de la bactérie), suivies par Campylobacter (12 796 à 17 322 cas annuels). « Ces deux bactéries sont responsables à elles seules de 71 à 85 % des infections bactériennes d'origine alimentaire », note le rapport.
Les infections parasitaires ou virales apparaissent comme très fréquentes, mais moins graves. Les premières sont dans leur grande majorité dues à Toxoplasma gondii (51 655 cas symptomatiques) et Taenia saginata (64 495 cas traités), soit, à elles deux, « plus de 99 % des infections parasitaires étudiées. » Les infections à norovirus (70 194 cas ayant entraîné une consultation en médecine générale) sont les principales infections alimentaires d'origine virale.
Plus de 10 000 hospitalisations.
Le nombre total annuel de cas hospitalisés pour toxi-infection alimentaire est de 10 188-17 771. Les salmonelles en sont la première cause (entre 5 691 et 10 202 cas par an), suivies par Campylobacter (entr 2 598 et 3 516 cas par an). A noter le nombre relativement important des hospitalisations annuelles dues à la listériose (304 cas), malgré un faible nombre de cas.
La maladie représente également la deuxième cause de décès : 78 décès, sur un total de 228 à 691 par an. Les infections d'origine bactérienne sont d'ailleurs la première cause de décès (de 191 à 652, soit 84 à 94 %), essentiellement du fait des salmonelloses (de 92 à 535). « La part annuelle de décès dus aux infections d'origine alimentaire reste limitée et est faible par rapport à la mortalité liée à d'autres étiologies, notamment la consommation excessive d'alcool qui est estimée être à l'origine de 23 000 décès en 1998 en France. »
Toutefois, leurs conséquences (consommation médicale, pertes de jour de travail, hospitalisations et décès) ne sont pas négligeables et, surtout, elles sont « en grande partie évitables », conclut le rapport.
Parmi les recommandations, les auteurs suggèrent la mise en place d'un système de surveillance des infections à Campylobacter spp. et la réalisation d'études susceptibles de déterminer les facteurs de risque des infections à Campylobacter spp. et à Brucella spp. Ces recommandations ont déjà été suivies en 2002, rappellent-ils. L'étude a permis d'identifier des carences dans la connaissance de certaines infections. L'estimation de l'importance réelle de la brucellose souffre, par exemple, d'une trop grande fréquence de faux positifs lors du diagnostic biologique. Les données manquent sur la fréquence des yersinioses, de même qu'une évaluation de la valeur prédictive de l'isolement de Yersinia spp. lors d'un examen des selles. Enfin, le programme de dépistage sérologique de la toxoplasmose congénitale devrait être évalué.
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