Les mœurs si particulières des salles de garde sont-elles anachroniques ? Faut-il renoncer aux fresques lubriques qui ornent leurs murs ? La question a brusquement surgi cette semaine après l’affaire de la fresque de la salle de garde du CHU de Clermont-Ferrand.
On y voit Wonder Woman subissant les assauts sexuels de quatre superhéros et plusieurs bulles de texte visant le projet de loi de santé : « Tiens la loi santé !!! », « Tu devrais t'informer un peu ! », « Prends la bien profond !! ». Faut-il y voir un viol collectif de la ministre de la Santé, Marisol Touraine ? C’est ce qu’affirme l’association Osez le féminisme! qui a promptement dénoncé une apologie du viol. Tollé de la part des politiques, emballement médiatique… Même l’Ordre des médecins, pourtant bien informé des mœurs des salles de garde, condamne le dessin.
Pris dans la tourmente, les étudiants de Clermont-Ferrand se justifient : « Le message qui était d’inciter les internes à s’informer sur la loi de santé, a été complètement détourné. On nous a fait passer pour des gens faisant l’apologie du viol collectif. C’est pitoyable, et même carrément humiliant pour nous » racontent deux étudiantes à « La montagne ».
Brutalité ou exutoire ?
Au delà de cette affaire, c’est aussi une critique des salles de garde qui a pris forme au fil des jours. Le sexisme supposé de ces lieux de défoulement (strictement réservés aux soignants) est violement dénoncé par Martin Winckler dans une chronique publiée en ligne. Pour l’écrivain (ex médecin), émigré au Québec, « une fresque qui s'impose et contraint tous les usagers d'un lieu à subir des représentations sexistes n'est pas une manifestation de liberté. C'est juste une brutalité (mal) travestie. »
Et les médecins, qu’en pensent-ils ? Sur le site du« Quotidien », les avis sont partagés. Vous êtes nombreux à défendre l’initiative des carabins au nom de la liberté d’expression (en écho au mouvement Je Suis Charlie). Vous invoquez également l’histoire des hôpitaux, les coutumes, la culture médicale… « Le défouloir des salles de gardes a toujours eu un caractère sexuel, exutoire salutaire à un travail très difficile, plus encore dans le temps, dure école, mais école formatrice et solidaire » témoigne ce lecteur.
Sexistes les salles de garde ? De nombreuses femmes médecins évoquent leurs bons souvenirs de carabins. Cette lectrice se souvient : « Pendant mon internat, j'ai été assise dans un évier plein d'eau froide, roulée dans la neige, traînée dans l'herbe... […] C'était la façon de mes collègues masculins pour me signifier que j'étais leur soeur, leur princesse, leur héroïne, j'en suis fière, et quand ils avaient fini, nous les filles on les balançait dans les vieilles baignoires (remplies), et ils n'opposaient pas beaucoup de résistance. Tout ça avec la bénédiction des patrons. Je suppose qu'on se ferait virer maintenant ? ».
Les salles de garde tels que cette lectrice les a connues sont en voie de disparition. Nombre d’entre elles ne survivent pas à la rationalisation au sein des hôpitaux.
Faut-il sauver les salles de garde ? À vous de débattre…
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