PRESQUE QUINZE ANS après la loi Evin, la jurisprudence a imposé cet été aux entreprises une obligation, non plus de moyens, mais de résultats, sur la protection des employés face au tabagisme passif. Dans ce cadre, une enquête Ipsos pour Pfizer a porté sur la perception par les employés du tabac dans l'entreprise.
Plus on gagne, plus on y gagne.
Cinq cent vingt-huit salariés de 18 à 65 ans ont été interrogés par téléphone en juillet 2005 sur les modalités d'application de la loi Evin dans leur entreprise. Parmi eux, 93 % estiment que « le fait de travailler dans un environnement avec de la fumée de tabac » représente un risque « très important » ou « plutôt important », signe que les campagnes de santé publique commencent à porter leurs fruits. Pourtant, en termes d'application des textes, 21 % des sondés « affirment qu'il n'est pas interdit de fumer sur leur lieu de travail », en violation de la loi Evin. La ventilation des réponses montre que le non-respect de la législation touche surtout les hommes, les plus jeunes, les professions ouvrières (31 % contre 11 % pour les cadres) et de manière générale les professions les moins rémunérées et les moins qualifiées. La plupart des personnes interrogées pensent « que les employeurs devraient garantir un environnement de travail sans fumée de cigarette pour tous les employés ».
Le sondage s'intéresse également à la lutte contre le tabagisme passif dans des professions spécifiques (restauration, notamment), qu'il s'agisse des employés soumis à la fumée des clients ou de la protection des clients eux-mêmes. Globalement, il ressort que la plupart des sondés (y compris fumeurs, une nouveauté) sont favorables à une stricte application de la loi Evin, avec une claire conscience des risques du tabagisme passif. Selon le Pr Bertrand Dautzenberg (la Pitié-Salpêtrière), qui s'exprimait en tant que président de l'Office français de prévention du tabagisme (OFT), dans un volume de 60 m3, il faut trois heures pour éliminer les particules émises par une cigarette. Le Pr Dautzenberg a cité une étude irlandaise montrant que l'interdiction de fumer dans les lieux publics a permis de diviser par trois le taux de benzène dans l'air.
Et les médecins ?
Egalement interrogés en juillet 2005, 501 médecins généralistes ont répondu à un sondage téléphonique sur le même sujet. Parmi eux, 55 % estiment « que les médecins du travail devraient accompagner les fumeurs souhaitant s'arrêter et avoir la possibilité de prescrire des médicaments d'aide au sevrage tabagique », sans que l'on puisse discriminer ceux qui s'intéressent au suivi et ceux qui s'attachent à la prescription. Selon le Pr Dautzenberg, convaincre le service médical d'une entreprise n'est pas un problème. La difficulté consiste surtout à impliquer le Chsct (comité d'hygiène et de sécurité), la DRH (direction des ressources humaines) et la direction. Quoi qu'il en soit, le président de l'OFT estime que « l'infirmière est le meilleur interlocuteur en entreprise » ; le médecin du travail est trop peu présent ou n'a pas le temps de s'impliquer dans une démarche antitabac. De plus, ajoute-t-il, la part de la médecine du travail dans l'arrêt de fumer « est complètement ridicule, la plupart des gens s'arrêtent sans médecin ».
En revanche, le discours préventif est essentiel. L'OFT mène des actions dans les entreprises en réalisant des expositions et des animations de sensibilisation, puis en proposant aux employés qui le désirent de bénéficier de l'aide d'un tabacologue pour s'arrêter. Dans ce cadre, « il y a une synergie entre tout le monde » et le « taux de rechute est inférieur à celui qu'on observe en consultation hospitalière ». Un principe qui fonctionne, bien sûr, sur le volontariat, « sinon, ça ne marche pas », conclut le Pr Dautzenberg.
Une charte « Entreprise sans tabac »
Quatre entreprises ont signé le 19 septembre pour la première fois la charte proposée par l'OFT, qui leur donne un label « Entreprise sans tabac ». Il s'agit de Hachette Filipacchi, des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (Nmpp), de Pfizer et de l'Unesco.
Ces entreprises s'engagent dans une démarche de lutte contre le tabac, notamment en se donnant les moyens d'appliquer la réglementation en vigueur, en proposant des aides à l'arrêt du tabac et en se soumettant à des évaluations régulières.
Les cafés-restaurants veulent faire respecter la loi
L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) lance une campagne auprès de 200 000 cafés-restaurants, hôtels et discothèques pour « exhorter les professionnels à respecter à la lettre » la législation Evin, qualifiée de « loi d'équilibre ». Cette opération, la deuxième du genre, intervient à un moment où le député UMP Yves Bur annonce son intention de déposer devant l'Assemblée nationale un texte interdisant totalement le tabac dans les lieux publics (« le Quotidien » du 15 septembre).
La loi Evin de 1991 oblige les lieux publics à créer des espaces non-fumeurs, jusqu'à présent pas ou peu respectés, reconnaît l'Umih.
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