« C'est un texte très habile, mais il faut en faire une deuxième lecture, en creux. » Ainsi est décortiquée et lue « en creux » chaque phrase du communiqué ministériel (« le Quotidien » du 16 juin) par Sylvie Laberibe, membre de la Coordination des sages-femmes. « C'est clair : tout ce qui n'est pas écrit nous est interdit », traduit-elle.
Dans sa déclaration, le ministre de la Santé déclare « réaffirme(r) le rôle fondamental des sages-femmes, de la préparation à la naissance, aux suites de couches (...) ». Interprétation a contrario de Sylvie Laberibe : « Les sages-femmes sont donc écartées du suivi de grossesse. Le ministre veut le sous-traiter aux obstétriciens et aux généralistes. » Or, précise-t-elle, « le taux de morbidité périnatal augmente lorsqu'il n'y a pas une juste répartition des tâches entre spécialistes de la pathologie et spécialistes de la physiologie ».
L'autonomie professionnelle passe par l'autonomie de l'enseignement
Le ministre déclare que la formation des sages-femmes ne pourra être raccourcie. Pour autant, il n'entérine pas, insiste Sylvie Laberibe, la décision en avril 2002, des précédents ministres de la Santé et de l'Education nationale, respectivement Bernard Kouchner et Jack Lang. Il était question en effet de prévoir pour les sages-femmes une formation universitaire, de cinq ans, avec la création d'un département sages-femmes, au sein de l'UFR médecine.
Le Pr Alain Grimfeld, conseiller de Jean-François Mattei, qui a participé à l'assemblée générale de l'Ordre national des sages-femmes, n'a pas confirmé, semble-t-il, cette évolution. « Le gouvernement a osé nous dire : on ne peut pas tout vouloir tout de suite, nous ne voulons pas risquer la levée de boucliers des gynécologues-obstétriciens », dit Sylvie Laberibe. « Il est très regrettable de voir le gouvernement faire passer des corporatismes avant l'intérêt général. »
Sylvie Laberibe souligne, par ailleurs, une exception française : les sages-femmes des autres pays européens ne sont pas « sous la tutelle des gynécologues », explique-t-elle. « Or, on ne peut espérer obtenir une autonomie professionnelle sans autonomie de l'enseignement. »
Le Pr Grimfeld aurait confirmé, lors de cette réunion, qu'aucune discussion n'est engagée sur la formation des sages-femmes, sauf entre le ministère et... les gynécologues.
Mais le gouvernement s'est prononcé pour la création de « pôles d'accouchements physiologiques », ce qui pourrait satisfaire un certain nombre de sages-femmes. Rien à voir, rétorque d'emblée Sylvie Laberibe, avec « les maisons de naissance dont l'idée est de personnaliser le suivi des grossesses sans risques évidents. Ces pôles devraient être aménagés au sein des hôpitaux. Mais à aucun moment, le ministre dit vouloir concentrer les gynécologues surtout sur les grossesses pathologiques. Il se contente finalement de réaffirmer des textes qui existent déjà ».
Le ministère souligne qu'il comprend « le malaise (des sages-femmes) face au décalage croissant entre leurs responsabilités effectives et les compétences qui leurs sont reconnues par des textes souvent obsolètes ». Mais pour l'instant, ces propos n'ont pas vraiment rassuré les sages-femmes qui demandent des actes plus concrets.
A noter aussi que l'Organisation nationale des syndicats de sages-femmes (ONSSF) a demandé la mise en place d'un tarif unique pour l'accouchement, qu'il soit effectué par un médecin ou pour une sage-femme, ainsi qu'une « nouvelle politique de la périnatalité ».
« Notre rôle fondamental ne commence pas avec la préparation de la naissance mais dès la déclaration de grossesse et la surveillance de celle-ci », explique cette organisation.
« La revalorisation de l'acte d'accouchement dans les mêmes proportions que celle des gynécologues-obstétriciens annoncée par le gouvernement n'est pas équitable et nous demandons l'application simple du principe à travail égal, salaire égal, et que l'accouchement normal effectué par un médecin ou une sage-femme soit au même tarif », a ajouté l'ONSSF.
Cette organisation demande enfin une nouvelle politique de la périnatalité (...) avec les sages-femmes au centre du dispositif. « Nous dénonçons, avec les gynécologues-obstétriciens et les pédiatres, la systématisation de grands plateaux techniques sur lesquels les femmes accoucheront avant de migrer vers les maternités de proximité », précise enfin le syndicat.
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