On a beau savoir depuis plus de trente ans que les seins hyperdenses sont à risque accru de cancer du sein (cf encadré), cela ne résout pas la question du suivi de ces patientes ni a fortiori celle du diagnostic. La densité mammaire est une entité radiologique appréciant la quantité des structures radio-opaques ou denses (tissu fibro-glandulaire) par rapport au tissu radio-transparent (tissus graisseux) et, selon la classification BI-RADS de l’ACR (American College of Radiology) on parle de sein dense à partir d’un rapport supérieur à 50% (sein dense/sein total). « Toutes les études ayant évalué le lien entre densité mammaire et cancer du sein vont dans le même sens, explique le Dr Anne Tardivon (Service de radiologie-Institut Curie, Paris) : la forte densité mammaire est un facteur de risque et la forte densité est responsable d’un taux plus important de cancers de l’intervalle de faux positif ». Une étude canadienne récente (Boyd et col, NEJM 2007; 356 :227-36) montrait que ce risque accru persistait dans le temps et les auteurs soulignait qu’il s’agit là d’un risque pas du tout anecdotique : « Le calcul du risque attribuable montre que la densité mammographique compte pour une part substantielle des cas de cancer du sein, en particulier chez les femmes jeunes, pour qui 26% de tous les cancers du sein et la moitié de ceux qui étaient détectés moins de douze moins après un dépistage négatif, avaient une densité supérieure à 50%. » Comme si, la densité mammaire avait contribué à masquer un cancer du sein existant. Toutefois, il est impossible d’être certain qu’il s’agissait de cancers masqués ou de cancers ayant une croissance rapide, même si les auteurs canadiens penchent pour la première hypothèse. Une distinction importante car dans le premier cas (cancer masqué), cela ne plaide pas, pour ces seins denses, en faveur d’un examen annuel pour augmenter le taux de détection. En revanche, cela amène de l’eau au moulin des partisans de la mammographie numérique, de l’échographie ou de l’IRM.
La mammographie numérique, pour qui ?
Car l’inconvénient des études qui se basent sur la mammographie et donc de l’imagerie2D d’un volume comprimé est de ne pas prendre en compte certains paramètres : répartition du tissu dense dans le volume, épaisseur du sein comprimé, positionnement du sein, période du cycle, traitements… ». Il est intéressant de noter, glisse le Dr Tardivon, que dans l’analyse de sous-groupe de l’essai DMIST ayant comparé numérique versus analogique, il n’y a pas de différence en nombre de cancers dans la tranche d’âge 50-64 ans entre les femmes avec des seins denses versus non dense. » Dans l’étude DMIST (Pisano et col. Radiology 2008; 246 : 376-83), les femmes de moins de 50 ans en pré- ou péri-ménopause ayant des seins denses étaient les seules pour qui la mammographie numérique affichait une supériorité. D’où la proposition du Dr Tardivon : « Lorsque le dépistage débute à 40 ans, situation actuelle la plus fréquente, la technique numérique doit être privilégiée et on s’accorde à un rythme inférieur à deux ans non pas du fait d’une densité plus souvent élevée chez ces femmes jeunes mais du fait de la fréquence accrue de cancers indifférenciés d’évolution rapide ». L’échographie pouvant d’ailleurs jouer un rôle complémentaire en cas de fort densité (y compris après 50 ans où c’est le cas d’un quart des femmes). « Après 50 ans, et en l’absence d’autres facteurs de risque, conclut Anne Tardivon, il n’y a pas lieu de modifier le rythme de surveillance ». Pour l’IRM dans le dépistage du cancer du sein, on en reste aux recommandations de l’American Cancer Society : « ni pour ni contre ».
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