Mais où sont passés les cours magistraux à Bichat – comme les étudiants continuent d’appeler l’UFR de médecine Paris VII Diderot, près de dix ans après la fusion de Bichat avec Beaujon ? En 4ème et 5ème années, ils ont déjà disparu des emplois du temps. En attendant de se volatiliser en 2ème et 3ème années.
Place aux « classes inversées » : « dans la foulée de la mise en place des ECNi, pour se mettre en conformité avec les nouvelles évaluations sous forme de QRM (questions à réponses multiples) sur tablette, explique Abdellatif Tazi, vice-doyen en charge de la pédagogie, les enseignants, aidés par les ingénieurs pédagogiques de MediTICE* et leurs workshops, ont rédigé des dossiers progressifs (DP) de cas cliniques avec des outils numériques plus en phase avec la pratique de la médecine. »
« Plus personne ne venait aux cours magistraux, souligne le vice-doyen étudiant, Yves Gallien. Nous n’avons pas besoin qu’un prof nous dise ce que nous devons apprendre. Nous travaillons sur les contenus des plateformes e-learning avant de passer aux auto-évaluations mis en ligne sur des cas cliniques et de participer aux séminaires d’approfondissement avec les enseignants. » « Les étudiants deviennent plus responsables, ils viennent chercher des aides au raisonnement qui répondent à leurs propres analyses des données et à leurs réflexions personnelles, commente Jocelyne Gervais, la responsable de Meditice, c’est un changement de paradigme pour l’enseignement de la médecine, une vraie révolution. »
Réunions au ministère et à l'Élysée
Le Pr Philippe Ruszniewski le confirme : « Nous sommes en train de révolutionner la relation étudiants-enseignants avec les nouvelles technologies. Le doyen de Paris VII-Diderot, multiplie les réunions pour dessiner les plans de la fac de demain, rencontrant les représentants étudiants sur les deux sites actuels de son UFR, à Bichat et à Villemin, ainsi que les responsables, au ministère et à l’Élysée, où le dossier est suivi par le conseiller médecine du président, le Pr Olivier Lyon-Caen. L’hôpital universitaire Paris-Nord verra le jour en 2025, si le calendrier est tenu, à Saint-Ouen, adossé à un impressionnant campus universitaire : un bâtiment pédagogique sur 4 700 m² et un bâtiment recherche de 3 000 m². « Sur proposition des étudiants, détaille le doyen, le campus mettra à disposition une bibliothèque multimédia, un espace numérique personnalisé et des salles de réunion accessibles sur carte informatisée 23 heures sur 24, sept jours sur sept. Le site sera multi-professionnel, intégrant les IFSI (instituts de formation de soins infirmiers) comme le permet déjà la plateforme de simulation, et ouvert aux professionnels de santé, avec un centre de congrès. »
L’opportunité de cet énorme chantier a sans doute boosté le passage aux nouvelles technologies pédagogiques. Le 23 septembre, le MOOC (massive open online course) « Stratégies Diagnostiques des cancers »* a donné le coup d’envoi d’un enseignement pluridisciplinaire et convivial, destiné tout à la fois au grand public, beaucoup de nos futurs patients, note le doyen, (sans pré-requis) et aux étudiants, une première en langue française.
Pour la recherche aussi une page est en train de se tourner : de 17, le nombre des unités a été ramené à 5, afin d’obtenir de meilleures masses critiques et de faire place à des partenariats entre cliniciens, chercheurs de l’INSERM et du CNRS, en pratiquant l’interdisciplinarité autour des grandes thématiques (maladies de l’appareil digestif, cardiovasculaires, broncho-respiratoires, inflammation et maladies infectieuses), tout en se tenant au plus près des malades. « Il nous faut trouver de l’argent et assumer une démarche entrepreneuriale », confie le Pr Ruszniewski, qui cite en exemple le projet de recherche translationnelle iVASC (Innovation in VASCular Science), mené par le Pr Philippe Gabriel Steg, avec un consortium de chercheurs, cliniciens et industriels. « Pour modifier la prise en charge de l’athérothrombose, première cause de décès au monde, en partenariat avec de nombreuses start-up et l’unité INSERM U-698, nous réalisons un registre multicentrique continu de l’infarctus du myocarde », explique le Pr Steg. « Nous sommes détenteurs de biobanques qui permettent d’associer recherche fondamentale et recherche clinique », souligne le Pr Ruszniewski. Cette démarche a décroché en juin dernier un financement de 8,5 millions d’euros, dans le cadre de l’appel à projets « Recherche Hospitalo-Universitaire en santé », un programme d’investissement d’avenir lancé par l’Agence nationale de la Recherche.
160 terrains de stages
À terme, l’ensemble des unités de recherches de Paris VII devrait intégrer le Campus Nord. Mais la dynamique de l’UFR restera polycentrique, autour des huit hôpitaux, parisiens et périphériques, qui fournissent à chacune des promotions de 400 carabins pas moins de 160 terrains de stage. « Pour les étudiants, une telle offre, aussi diversifiée, c’est génial, se félicite Yves Galien, avec le système de rotation qui permet à chacun de faire son choix, selon les spécialités offertes, à Beaujon plutôt pour le digestif, à Saint- Louis pour l’hématologie, à Bichat, pour la cardio et dans les établissements périphériques, plutôt pour les services généraux. » Des services très demandés dans une fac orientée vers la médecine G (générale).
Entre stages pratiques, MOOCs, ingéniérie numérique et nouvelles technologies pédagogiques, ainsi se fait jour peu à peu la fac de médecine de demain, sans attendre d’être installée dans ses murs high-tech. Pour cette rentrée, Paris VII compte 2 262 PACES, la plupart issus du Nord de la région parisienne, avec des scores au bac comparables à ceux des inscrits des six autres UFR franciliennes. Bichat attire avec un bon score de réussite au concours (25 % l’an dernier), des passerelles plus accessibles pour les filières hors-médecine et une place plus importante faite aux sciences humaines, (anthropologie, psychologie, bio-informatique). « La révolution numérique s’y prépare dans la convivialité, insiste le doyen. Avec une médecine de plus en plus technologique, l’irruption des objets connectés, le séquençage et ses applications, notre UFR est d’autant plus attentive à la relation médecin-patient, au développement des compétences humaines et psychologiques, à l’éthique de la prise en charge du malade. À ceux qui prophétisent l’avènement d’une médecine sans médecin, nous opposons le rôle humain de plus en plus crucial du médecin. »
En dépit, ou à cause de l’énormité des structures, cette attention humaniste, « c’est l’esprit Bichat, insiste Yves Gallien. On le cultive dans la vie associative intense de l’UFR : l’association de vie des carabins, le bureau des arts et ses sorties culturelles, le bureau des sports et sa dizaine de disciplines universitaires, l’engagement humanitaire avec EBISOL (étudiants de Bichat solidaires), qui organise des goûters solidaires tous les mois avec les personnes à la rue, dans le quartier des Halles. »
Sans oublier TSP7, l’association tutorat santé, qui accompagne les PACES depuis 2010. « Polys, TD, concours blancs, soutien méthodologique nous ont permis de décrocher l’agrément or de l’ANEMF, note le président du tutorat, Kévin Sonigo, soulignant aussi « le facteur humain, avec le parrain, L2 ou L3, qui accompagne le P1 comme un grand frère qui est passé par là. » « L’esprit Diderot », encore.
* Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement
Place aux « classes inversées » : « dans la foulée de la mise en place des ECNi, pour se mettre en conformité avec les nouvelles évaluations sous forme de QRM (questions à réponses multiples) sur tablette, explique Abdellatif Tazi, vice-doyen en charge de la pédagogie, les enseignants, aidés par les ingénieurs pédagogiques de MediTICE* et leurs workshops, ont rédigé des dossiers progressifs (DP) de cas cliniques avec des outils numériques plus en phase avec la pratique de la médecine. »
« Plus personne ne venait aux cours magistraux, souligne le vice-doyen étudiant, Yves Gallien. Nous n’avons pas besoin qu’un prof nous dise ce que nous devons apprendre. Nous travaillons sur les contenus des plateformes e-learning avant de passer aux auto-évaluations mis en ligne sur des cas cliniques et de participer aux séminaires d’approfondissement avec les enseignants. » « Les étudiants deviennent plus responsables, ils viennent chercher des aides au raisonnement qui répondent à leurs propres analyses des données et à leurs réflexions personnelles, commente Jocelyne Gervais, la responsable de Meditice, c’est un changement de paradigme pour l’enseignement de la médecine, une vraie révolution. »
Réunions au ministère et à l'Élysée
Le Pr Philippe Ruszniewski le confirme : « Nous sommes en train de révolutionner la relation étudiants-enseignants avec les nouvelles technologies. Le doyen de Paris VII-Diderot, multiplie les réunions pour dessiner les plans de la fac de demain, rencontrant les représentants étudiants sur les deux sites actuels de son UFR, à Bichat et à Villemin, ainsi que les responsables, au ministère et à l’Élysée, où le dossier est suivi par le conseiller médecine du président, le Pr Olivier Lyon-Caen. L’hôpital universitaire Paris-Nord verra le jour en 2025, si le calendrier est tenu, à Saint-Ouen, adossé à un impressionnant campus universitaire : un bâtiment pédagogique sur 4 700 m² et un bâtiment recherche de 3 000 m². « Sur proposition des étudiants, détaille le doyen, le campus mettra à disposition une bibliothèque multimédia, un espace numérique personnalisé et des salles de réunion accessibles sur carte informatisée 23 heures sur 24, sept jours sur sept. Le site sera multi-professionnel, intégrant les IFSI (instituts de formation de soins infirmiers) comme le permet déjà la plateforme de simulation, et ouvert aux professionnels de santé, avec un centre de congrès. »
L’opportunité de cet énorme chantier a sans doute boosté le passage aux nouvelles technologies pédagogiques. Le 23 septembre, le MOOC (massive open online course) « Stratégies Diagnostiques des cancers »* a donné le coup d’envoi d’un enseignement pluridisciplinaire et convivial, destiné tout à la fois au grand public, beaucoup de nos futurs patients, note le doyen, (sans pré-requis) et aux étudiants, une première en langue française.
Pour la recherche aussi une page est en train de se tourner : de 17, le nombre des unités a été ramené à 5, afin d’obtenir de meilleures masses critiques et de faire place à des partenariats entre cliniciens, chercheurs de l’INSERM et du CNRS, en pratiquant l’interdisciplinarité autour des grandes thématiques (maladies de l’appareil digestif, cardiovasculaires, broncho-respiratoires, inflammation et maladies infectieuses), tout en se tenant au plus près des malades. « Il nous faut trouver de l’argent et assumer une démarche entrepreneuriale », confie le Pr Ruszniewski, qui cite en exemple le projet de recherche translationnelle iVASC (Innovation in VASCular Science), mené par le Pr Philippe Gabriel Steg, avec un consortium de chercheurs, cliniciens et industriels. « Pour modifier la prise en charge de l’athérothrombose, première cause de décès au monde, en partenariat avec de nombreuses start-up et l’unité INSERM U-698, nous réalisons un registre multicentrique continu de l’infarctus du myocarde », explique le Pr Steg. « Nous sommes détenteurs de biobanques qui permettent d’associer recherche fondamentale et recherche clinique », souligne le Pr Ruszniewski. Cette démarche a décroché en juin dernier un financement de 8,5 millions d’euros, dans le cadre de l’appel à projets « Recherche Hospitalo-Universitaire en santé », un programme d’investissement d’avenir lancé par l’Agence nationale de la Recherche.
160 terrains de stages
À terme, l’ensemble des unités de recherches de Paris VII devrait intégrer le Campus Nord. Mais la dynamique de l’UFR restera polycentrique, autour des huit hôpitaux, parisiens et périphériques, qui fournissent à chacune des promotions de 400 carabins pas moins de 160 terrains de stage. « Pour les étudiants, une telle offre, aussi diversifiée, c’est génial, se félicite Yves Galien, avec le système de rotation qui permet à chacun de faire son choix, selon les spécialités offertes, à Beaujon plutôt pour le digestif, à Saint- Louis pour l’hématologie, à Bichat, pour la cardio et dans les établissements périphériques, plutôt pour les services généraux. » Des services très demandés dans une fac orientée vers la médecine G (générale).
Entre stages pratiques, MOOCs, ingéniérie numérique et nouvelles technologies pédagogiques, ainsi se fait jour peu à peu la fac de médecine de demain, sans attendre d’être installée dans ses murs high-tech. Pour cette rentrée, Paris VII compte 2 262 PACES, la plupart issus du Nord de la région parisienne, avec des scores au bac comparables à ceux des inscrits des six autres UFR franciliennes. Bichat attire avec un bon score de réussite au concours (25 % l’an dernier), des passerelles plus accessibles pour les filières hors-médecine et une place plus importante faite aux sciences humaines, (anthropologie, psychologie, bio-informatique). « La révolution numérique s’y prépare dans la convivialité, insiste le doyen. Avec une médecine de plus en plus technologique, l’irruption des objets connectés, le séquençage et ses applications, notre UFR est d’autant plus attentive à la relation médecin-patient, au développement des compétences humaines et psychologiques, à l’éthique de la prise en charge du malade. À ceux qui prophétisent l’avènement d’une médecine sans médecin, nous opposons le rôle humain de plus en plus crucial du médecin. »
En dépit, ou à cause de l’énormité des structures, cette attention humaniste, « c’est l’esprit Bichat, insiste Yves Gallien. On le cultive dans la vie associative intense de l’UFR : l’association de vie des carabins, le bureau des arts et ses sorties culturelles, le bureau des sports et sa dizaine de disciplines universitaires, l’engagement humanitaire avec EBISOL (étudiants de Bichat solidaires), qui organise des goûters solidaires tous les mois avec les personnes à la rue, dans le quartier des Halles. »
Sans oublier TSP7, l’association tutorat santé, qui accompagne les PACES depuis 2010. « Polys, TD, concours blancs, soutien méthodologique nous ont permis de décrocher l’agrément or de l’ANEMF, note le président du tutorat, Kévin Sonigo, soulignant aussi « le facteur humain, avec le parrain, L2 ou L3, qui accompagne le P1 comme un grand frère qui est passé par là. » « L’esprit Diderot », encore.
* Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement
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