Bénéficier d'un accès aux soins de qualité est le souci de chacun. A l'approche des présidentielles, la médecine se retrouve au cœur de tous les débats politiques.
Le Sénat n'échappe pas à la règle. A l'initiative de son groupe de prospective, qui réunit 140 sénateurs de tous bords, industriels, médecins et chercheurs ont tenté de discerner les mutations médicales les plus porteuses d'avenir. Le but d'une telle réflexion ? « Le groupe de prospective souhaite être capable de sensibiliser les décideurs et les acteurs économiques et d'identifier les leviers de changement », explique René Trégouët (sénateur RPR du Rhône). Nous voulons contribuer à situer les choix d'aujourd'hui dans la perspective des futurs possibles. »
Parmi les « futurs possibles » envisagés figure le développement de la télémédecine. Cette médecine virtuelle comprend tout acte médical de prévention, de diagnostic ou de traitement pratiqué à distance, et pas nécessairement par un médecin.
A vrai dire, la télémédecine n'est pas nouvelle en soi : elle existe depuis la création du téléphone. L'innovation repose sur la mise à contribution de nouvelles technologies, telles que les systèmes spatiaux. Antonio Guell, responsable du programme sciences et vie au Centre national d'études spatiales (CNES), souligne l'importance du rôle à jouer par les satellites dans la médecine de demain. En aidant, par exemple, à la télécommunication médicale. « Dans les sites isolés, suite à une catastrophe naturelle, ou bien sur un bateau, ou encore lors de migrations de populations en guerre, les satellites demeurent le seul moyen de transmettre des informations médicales en urgence. » Ainsi, les 1 200 blessés annuels à bord d'un avion pourraient enfin être soignés en vol, même en l'absence de médecin.
Autre perspective intéressante offerte par les satellites, la possibilité de définir les régions du globe à risques pour des maladies émergentes vectorisées par de petits animaux. Place donc à la télé-épidémiologie. « Vues du ciel, les modifications de facteurs environnementaux tels que l'hydrologie ou la climatologie sont identifiées précisément, explique Antonio Guell. Les moustiques peuvent alors migrer. Une épidémie de paludisme peut donc être prévue dans un secteur précis. »
Ensuite, à la médecine de s'adapter en fonction de ces données, en instaurant rapidement une campagne de vaccination ou en mobilisant les équipes de soins. La télé-épidémiologie a déjà fait ses preuves l'année dernière, car elle a permis l'explication des cas camarguais de la fièvre de la vallée du Rift, habituellement localisée au Sénégal. C'est une inversion des vents alizés qui a permis une remontée jusqu'en France des sables sénégalais contenant les œufs de l'animal vecteur.
Autre projet mené par le CNES, la création d'une valise de télémédecine destinée au diagnostic, à la prévention et au traitement. Son contenu est sophistiqué : un ordinateur, du matériel médical et un système de transmission des images par satellite. La valise, mobile par définition, permettrait au médecin d'avoir accès à des patients situés dans des zones très reculées. Son efficacité est actuellement testée à Cayenne, en Guyane. Si l'impact socio-économique attendu se révèle concluant, le ministère de la Santé tentera d'implanter ce système plus largement.
Un nouveau médicament en deux ans !
Les biotechnologies constituent l'autre révolution médicale majeure du XXIe siècle. A la différence près que celles-ci, contrairement à la télémédecine, n'ont plus à prouver leur efficacité ; c'est chose faite depuis longtemps. « Ces cinq dernières années, l'industrie biotech a su créer pas moins de 20 % des nouveaux médicaments ayant obtenu une AMM », rappelle Frédéric Revah, directeur scientifique de la CEREP. Et dans un délai record. Jusqu'à présent, la mise au point d'un nouveau médicament coûtait environ 600 millions d'euros et s'étalait sur dix ans. Le passage de la recherche in vivo à l'approche in silico, c'est-à-dire virtuelle, fait gagner du temps et de l'argent. Désormais, plus besoin de synthétiser des milliers de molécules, puis de les tester en réel. Un simple modèle mathématique est capable de prédire les mécanismes d'action d'une molécule grâce à sa structure spatiale. L'objectif ultime des biotechnologistes : « Parvenir à créer un nouveau médicament en seulement deux petites années », déclare Frédéric Revah. Par ailleurs, les biotechnologies ont ouvert de nouveaux champs d'applications thérapeutiques : la synthèse réussie d'insuline, d'érythropoïétine ou d'anticorps monoclonaux en témoigne. C'est également aux biotechnologies que l'on doit la possibilité d'adapter la posologie de certains traitements en fonction du patrimoine génétique du patient. En bref, on ne peut que souhaiter la poursuite de l'essor des biotechnologies. Pour une médecine toujours plus performante.
Dix euros pour échapper à la cécité
Toujours plus performante, certes, mais malheureusement pas pour tous. « Rappelons que dans certains pays sous-développés, dix euros suffisent à échapper à la cécité, tandis que chez nous, nombreux sont ceux qui dépensent plusieurs milliers de francs pour gagner deux ou trois dixièmes d'acuité, par simple souci de confort et d'esthétique, dénonce René Trégouët. Tous ces progrès doivent donc être impérativement replacés dans un contexte international. »
C'est également l'avis du Pr Marc Gentilini, président de la Croix-Rouge française. « Prenons l'exemple du SIDA. C'est seulement en juin dernier qu'une prise de conscience internationale a eu lieu, pour faciliter l'accès aux antirétroviraux des pays pauvres. Dix milliards de dollars ont alors été proposés subitement par Kofi Annan. Mais depuis, l'ONU n'a versé aucun euro. » Le président de l'Organisation panafricaine de lutte contre le SIDA (OPALS) dénonce le clivage Nord-Sud, responsable d'une médecine à deux vitesses. Sur ce sujet, René Tregouët a eu le mot de la fin. « Faire de la prospective, en cette période de révolution médicale, c'est absolument nécessaire. Toutefois, la réflexion ne peut avoir lieu sans penser au reste du monde. C'est d'ailleurs dans ce but que les prochaines rencontres de prospective du Sénat, qui se tiendront le 5 décembre, auront pour thème "l'humanité entre fractures et cohésion : réflexion prospective sur l'avenir de la planète". »
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