La chimioprévention du cancer consiste à utiliser des agents chimiques pour prévenir ou inhiber le développement du processus de carcinogenèse, quel que soit son stade.
Des études rétrospectives avaient déjà suggéré l'effet protecteur de l'aspirine sur le risque de développement du cancer et des adénomes coliques. Pour la première fois, un vaste essai prospectif randomisé de phase 3 vient de démontrer que l'aspirine diminue la récurrence des polypes et des adénomes dans une population à risque élevé de récidive. Cette étude APACC menée en double aveugle a impliqué 49 centres français pour comparer l'effet de l'acétylsalicylate de lysine 160 et 300 mg/j (Aspegic = Asp) à celui d'un placebo sur la récurrence des polyadénomes coliques à 1 et 4 ans. Les patients âgés de 18 à 75 ans ont bénéficié d'une coloscopie initiale complète ayant permis la résection d'au moins un adénome et laissant le côlon libre de tout polype. Au total, 181 patients ayant un adénome de plus de 10 mm de diamètre et 91 plus de 3 adénomes ont été inclus (190 hommes et 82 femmes âgés en moyenne de 58 ans) et randomisés entre placebo, Asp 160 mg/j et Asp 300 mg/j.
Après un an de traitement, 242 patients (89 % des inclus) ont été évalués par une nouvelle coloscopie. Des polypes et des adénomes étaient retrouvés chez respectivement 53 et 35 % des patients. Le traitement par Asp 160 et 300 mg/j était associé à une moindre récurrence des polypes.
« Cet essai français multicentrique* a pu être mené grâce à la collaboration d'équipes hospitalières et libérales sur la base d'un bénévolat scientifique, explique le Dr Robert Benamouzig . Ces résultats sont intéressants en tant que tels et démontrent l'intérêt de ce type de collaboration qu'il faudrait poursuivre pendant plusieurs années, notamment pour déterminer les sujets susceptibles de bénéficier de cette prophylaxie : patients à risque, patients présentant déjà des polypes en prophylaxie secondaire partielle, etc. La dose recommandée se situerait probablement autour de 300 mg/j. »
D'après un entretien avec le Dr Robert Benamouzig, service de gastro-entérologie, hôpital Avicenne, Bobigny
* Cet essai coordonné par les équipes de gastro-entérologie de l'hôpital Avicenne et de l'hôpital Cochin a été mené avec le soutien de l'ARC, du Programme hospitalier de recherche clinique, de la SNFGE, de la Délégation à la recherche clinique de l'AP-HP et des Laboratoires Sanofi-Synthélabo.
L'acide ursodésoxycholique chez des patients atteints de cirrhose biliaire primitive
Toujours dans le domaine de la chimioprévention du cancer colo-rectal, une autre étude, rétrospective cette fois, a cherché à déterminer chez des patients atteints de cirrhose biliaire primitive (CBP) l'effet de l'administration prolongée d'acide ursodésoxycholique (AUDC) sur la prévalence et la récidive des adénomes colo-rectaux, ainsi que sur la prolifération des cellules de la crypte intestinale.
Cent quatorze patients dont 103 femmes âgées en moyenne de 55 ans ayant une CBP ont été inclus dans un programme de dépistage des adénomes : 62 patients ayant eu une première coloscopie avant l'introduction d'AUDC (groupe non traité) et 52 patients ayant eu une première coloscopie après introduction de l'AUDC (groupe traité pendant 45 mois en moyenne). La prévalence des adénomes colo-rectaux lors de la coloscopie initiale était de 13 % dans le groupe traité vs 24 % dans le groupe non traité (p = 0,16). Parmi les patients ayant des adénomes, la présence d'un adénome >5 mm était significativement moins fréquente dans le groupe traité que dans le groupe non traité (14 % vs 67 %, p = 0,02). Enfin, après exérèse d'adénomes colo-rectaux, la probabilité de récidive d'adénomes à trois ans était significativement plus faible chez les patients traités que chez les témoins (7 % vs 28 %, p = 0,04).
Les résultats prometteurs de cet essai de phase 2 menée dans une population spécifique demandent à être confirmés par de plus vastes études.
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