LA RÉMUNÉRATION à la performance des médecins verra-t-elle le jour en France comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis ? Le gouvernement en a introduit le concept dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2008. L'assurance-maladie a commencé à négocier avec les syndicats de médecins libéraux sur des contrats individuels rémunérés à la performance. Le principe en est simple. Les médecins qui rempliraient certains objectifs (prescription, dépistage de certaines pathologies, suivi de patients en ALD...) recevraient un complément d'honoraires. Cette initiative intervient-elle trop tôt ? Dans le rapport qu'ils ont remis en juin à Roselyne Bachelot et dont « le Quotidien » s'est procuré une copie, Pierre-Louis Bras et le Dr Gilles Duhamel, de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), émettent de nombreuses réserves sur la transposition des modèles anglo-saxons dans l'Hexagone. «L'analyse du paiement à la performance montre que les conditions sont loin d'être réunies en France pour l'introduction d'un dispositif de ce type», indiquent-ils. à cela plusieurs raisons. «Une rémunération en fonction de l'efficience suscite immanquablement, à tort ou à raison, des questionnements éthiques: le médecin n'est-il pas “acheté” pour réduire les soins? Ces questionnements éthiques rejaillissent sur la légitimité du dispositif.» L'IGAS juge donc préférable d'exclure les indicateurs d'efficience d'un éventuel dispositif de paiement à la performance. «Le paiement à la performance ne doit pas être conçu comme une simple “récompense” pour inciter le médecin à adopter de meilleures pratiques», soulignent les auteurs du rapport. Ces derniers jugent plus «pertinent de considérer que le paiement à la performance agit comme une incitation à investir adressée aux médecins». Selon l'IGAS, «les indicateurs qui servent de base au paiement à la performance doivent être fondés sur des preuves, faire consensus au sein du corps médical, caractériser des résultats qui peuvent être imputés au médecin généraliste, être hiérarchisés en fonction de l'intérêt sanitaire des résultats qu'ils retracent».
Une expérimentation dans les maisons de santé ?
Selon les rapporteurs, la rémunération à la performance doit représenter une part minimale (environ 10 %) de la rémunération globale des médecins pour avoir un impact. La France n'étant pas l'Angleterre ni les États-Unis, les rapporteurs de l'IGAS soulignent que certaines conditions devront être remplies pour uniformiser une rémunération à la performance. Outre «un consensus sur le fait qu'il est nécessaire d'améliorer la qualité des soins en ville», il sera indispensable, assurent-ils, «d'aboutir à un accord des organisations syndicales de médecins pour consacrer à ce mode de rémunération les marges de manoeuvre financières aujourd'hui consacrées aux hausses de tarifs». «Il faudra certainement,ajoutent les rapporteurs, accepter de rémunérer dans un premier temps les médecins, non en fonction de leurs performances, mais pour qu'ils mettent en oeuvre les outils informatiques nécessaires tant pour collecter les données nécessaires pour le dispositif que pour gérer activement les performances sur lesquelles ils sont rémunérés.» Les maisons de santé pluridisciplinaires, si elles se développaient, pourraient être «des lieux d'expérimentation du paiement à la performance», concluent les auteurs de l'étude.
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