Pendant longtemps, les différents acteurs de la santé travaillaient chacun dans leur espace, sans parfois tenir compte réellement des interventions des autres professionnels de santé. Passe encore, quand il s’agissait d’une pathologie légère. Un exemple, soigner des migraines passagères n’a pas souvent exigé un collège plus élargi que celui formé par le couple médecin/patient. La donne change profondément dès lors que le patient souffre d’une pathologie lourde nécessitant l’intervention de plusieurs experts, y compris hors de l’hôpital. Naguère, hors de ce dernier, point de salut pour des maladies complexes et de longue durée que sont le diabète, l’hypertension, l’insuffisance rénale, etc. Des maladies qui se généralisent avec la montée en puissance du vieillissement de la population. Tout comme elles, le sida est venu confirmer la nécessité d’une prise en charge coordonnée. C’est dans ce contexte que sont nés les réseaux de soins, dans les années quatre-vingt. À cette époque, l’on avait constaté et compris l’inadaptation du système de santé existant à ces grandes maladies, notamment du fait d’un fort cloisonnement entre les sphères sociale et sanitaire. Le manque de continuité entre les prises en charge en ville et à l’hôpital a également poussé à la mise en place de réseaux de soins. Leur objectif est précis : faciliter la prise en main des malades globale et pluridisciplinaire en promouvant les échanges entre les professionnels de santé et les structures. Plus de deux décennies après, où en sont ces maillages qui ont souvent recours aux nouvelles technologies pour structurer leurs coopérations en créant du lien et du sens ?
Des réseaux de soins et aussi de santé
Un bref regard dans le paysage de la santé permet de constater que les réseaux de soins ont désormais pignon sur rue. Longtemps informels, ils ont acquis leurs lettres de noblesse avec les ordonnances Juppé de 1996. Du coup, ils ont obtenu un statut légal, une véritable reconnaissance de leur bien-fondé. De soins, ils sont devenus des réseaux de santé, le législateur voulant leur reconnaître un territoire d’intervention plus large (prévention, soins, insertion).
Dans la continuité de la réglementation Juppé, la loi du 4 mars 2002 précise les attributions des réseaux de santé : « Ils favorisent l’accès aux soins, la coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de l’éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins. Ils peuvent participer à des actions de santé publique. Ils procèdent à des actions d’évaluation afin de garantir la qualité de leurs services et prestations. »
Prise en charge du cancer
Organisés sur la base du volontariat, les réseaux de santé se concentrent sur la prise en charge d’une pathologie particulière. Reconnue cause nationale par Jacques Chirac, alors président de la République, le cancer bénéficie évidemment d’un ensemble de réseaux sur le territoire national. En Île-de-France, Onconord a pour mission de contribuer à l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients atteints de cancer et/ou nécessitant des soins palliatifs, en améliorant les pratiques professionnelles. Son action soutient les professionnels et la prise en charge pluridisciplinaire des patients. Tout particulièrement, Onconord a vocation à garantir la continuité des soins, entre la ville et l’hôpital tout le long du parcours du malade. À cette fin, il s’appuie sur la pluridisciplinarité de ses membres et les échanges entre les divers professionnels : ville/hôpital, médecin/paramédicaux, secteur sanitaire et social, etc. En fait, cette structure regroupe des établissements de soins privés et publics autour de la prise en charge du cancer. Elle aide à la mise en application du plan cancer à travers une fonction de coordination dans les établissements de soins et entre eux. Elle s’assure que les décisions de traitement sont prises en concertation entre les professionnels de santé. Pour mener à bien ces différentes missions, le réseau propose un dossier patient à ses membres qui utilisent des outils et protocoles communs.
Soins palliatifs
Par ailleurs, Onconord dispose d’une équipe mobile dédiée aux soins palliatifs. Elle se déplace dans les établissements privés et au domicile de patients en compagnie des soignants et intervient dans les relations ville-hôpital. L’autre point significatif de son action est l’apport de l’expertise dans le cadre de staff qu’il organise. Enfin, la téléphonie constitue l’une des technologies qu’il utilise pour les échanges coordonnés entre membres, sachant qu’il dispose notamment d’un système d’astreinte téléphonique avec les réseaux du Val d’Oise.
En Aquitaine, le réseau de cancérologie d’aquitaine (RCA) a été créé en 2000. Historiquement groupement d’intérêt public, il est devenu un GCS depuis le 1er janvier 2009. Il compte 66 membres adhérents (établissements de soins publics et privés, structures privées de radiothérapie, association de soins à domicile, l’Union régionale des médecins libéraux (URML), et comités départementaux de la Ligue nationale contre le cancer).
Les missions du RCA (cancer)
L’acte fondateur du RCA prévoit plusieurs missions. Outre la promotion et l’amélioration de la qualité en cancérologie, il joue un rôle très important dans la gestion de l’information liée à la cancérologie : recueil des données relatives à l’activité de l’oncologie et évaluation des pratiques en relation avec les 3C (centre de coordination en cancérologie) ; il promeut des outils de communication, parmi lesquels le dossier communiquant de cancérologie, véritable dossier patient de spécialité. Par ailleurs, il informe les professionnels de santé, les patients et leurs proches et aide à la formation continue de plus de 1 000 professionnels de santé participant à ses activités.
Dans l’optique de faciliter les échanges entre ses membres et contribuer à une meilleure prise en charge des patients, le RCA explore toutes les technologies susceptibles de l’aider dans ses missions. C’est le sens du projet de visioconférence qu’il a initié pour faciliter la transmission des données électroniques dans le cadre des réunions de concertation pluridisciplinaires. Un état des lieux des établissements équipés de cette technologie a été dressé en 2007. Il montre que l’utilisation de la visioconférence est en passe de se généraliser dans le cadre du RCA.
Réseau Hépatite C
Autre pathologie autour de laquelle se sont formés des réseaux de santé, l’Hépatite C. Le réseau Hépatite C Haute-Normandie a ainsi été déployé à la fin de l’année 1995. Consciente des apports de la technologie dans l’efficacité des réseaux de santé, cette structure a mis en place un dossier commun électronique.
Dans le sillage des réseaux de santé, se sont multipliés des réseaux ville-hôpital. Comme leur nom l’indique, ils visent à maintenir et promouvoir le lien entre les établissements hospitaliers et les structures de soins de la ville.
Réseau diabète
L’organisme Dialogs (DIAbète région Lyonnaise Organisation Globale des Soins entre professionnels de santé) s’active dans ce sens. Il s’agit d’un réseau ville-hôpital destiné à la prise en charge et au suivi du diabète de type 2. Parmi ses missions, l’éducation de patients diabétiques dans le domaine sportif, tabagique et nutritionnel. Pour mener à bien ses missions, cette structure s’appuie sur Peps, dossier électronique pluridisciplinaire. Tout comme le réseau de prise en charge de la douleur chronique en Rhône-Alpes, qui utilise cette plate-forme dans une logique partagée. Cette association est composée de différentes entités : Réseau voironnais de la douleur, Réseau Algo 38, Clinique mutualiste des Eaux-Claires (38), Hôpital rhumatologique d’Uriage (38).
Peps, dossier électronique pluridisciplinaire
Plus généralement, Peps* est un des outils technologiques actuellement utilisés par les réseaux de soins, les filières et les réseaux ville-hôpital. Il s’agit d’une batterie de solutions développée par une équipe du CHU de Grenoble et bâtie à partir de technologies Internet. Cette plate-forme facilite la constitution de tels maillages qui peuvent s’y appuyer afin d’accélérer leur développement. Outre les quelques exemples suscités, Peps est utilisé pour d’autres besoins. Le Réseau Aurore (Association des utilisateurs du réseau obstétrical régional), qui regroupe un ensemble d’établissements publics et privés, maternités, services de prématurés, ainsi que des professionnels de santé en vue d’apporter des soins de qualité aux femmes enceintes et aux nouveau-nés, utilise Peps comme dossier médical de suivi de prématurés. Au Cpdpn (Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal) du CHU de Grenoble, il est exploité comme dossier de concertation pluridisciplinaire transmis sur Peps aux praticiens demandeurs. Ce réseau de santé a pour rôle de donner des avis et conseils exploitables à des fins de diagnostic, thérapeutiques et de pronostic. Il est au service des patients et des praticiens de l’agglomération grenobloise.
Clairement, les réseaux de santé sont désormais inscrits dans le paysage médical français. Ils apportent leur pièce à l’édification du système de santé national. Cependant, les technologies qu’ils utilisent restent encore embryonnaires.
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