LES RELATIONS entre les forces de l'ordre et les moins de 18 ans, « qu'ils soient seuls ou en groupe, se sont trop ritualisées sur le mode de la défiance réciproque, de l'affrontement de type "bande contre bande", faisant fi de la dimension institutionnelle de la police », dit Claire Brisset dans son rapport annuel rédigé avant l'éruption des violences en banlieue, remis à Jacques Chirac le 17 novembre (« le Quotidien » du 15).
La défenseure des enfants s'interroge « sur la fonction réelle des contrôles d'identité répétés plusieurs fois par jour, plusieurs jours de suite, par les mêmes policiers auprès des mêmes personnes, avec souvent la même rudesse et le même regard suspicieux ». « De telles pratiques contribuent à dégrader l'image de la police auprès des mineurs, de leur famille et des travailleurs sociaux. » D'autre part, « le menottage ne présente guère ce "caractère d'exception" que lui prévoit la loi : il est employé, parfois, même en dehors du flagrant délit, et lorsque le jeune ne risque pas de s'échapper », par exemple au cours d'interpellations dans des établissements d'enseignement. A ce propos, il est relevé que les interventions à l'école « sont en constante augmentation », souvent pour « des faits réels ou allégués qui n'ont rien à voir avec l'univers scolaire ».
Sur l'ensemble des actes de délinquance avec violences, 20 % sont commis par des 10-18 ans, qui représentent 10 % de la population. Pour expliquer cette surreprésentation, le rapport constate que « l'accent mis sur la lutte contre la délinquance de voie publique contribue à cibler les jeunes, qui commettent plus de vols de téléphones portables que d'abus de biens sociaux ».
En 2004, sur 166 000 affaires dans lesquelles un mineur était en cause, 19 % ont été classées sans suite. En outre, « peu de jeunes s'ancrent dans la délinquance : pour 75 % de ceux qui sont présentés à un juge, cette situation ne se reproduira pas », tandis que 15 % reviendront deux à dix fois devant un magistrat et 10 % plus de dix fois. Dans tous les cas, la défenseure, dont le mandat s'achève en mai 2006 (voir encadré), juge « essentiel de ne pas banaliser le recours à la justice à l'égard des enfants en difficulté », estimant aussi que « la privation de liberté doit demeurer une ultime mesure ». Elle s'inquiète, enfin, du « flou » entourant l'inscription des mineurs au casier judiciaire national, ou à d'autres fichiers comme ceux des empreintes génétiques ou encore des infractions sexuelles.
Six ans au service des enfants
Nommée par le chef de l'Etat, le 3 mai 2000, Claire Brisset aura marqué de sa sensibilité l'institution du défenseur des enfants (loi du 6 mars 2000). Elle est intervenue en faveur de 11 000 enfants, apportant une réponse positive dans près d'un cas sur deux. Parmi les avancées que l'institution lui doit, il y a l'accès sous conditions aux origines des enfants nés sous X, la réforme de l'adoption, la lutte contre les mariages forcés ou encore le maintien des liens entre enfant et parent détenu. Dans le domaine de la santé, elle a défendu le respect du secret médical pour certains adolescents à l'égard de leurs parents, les soins jusqu'à 18 ans dans les services de pédiatrie, le développement des médicaments pédiatriques, les conditions de protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales et l'instauration d'un bilan de santé en classe de cinquième.
Deux mots auront inspiré l'action de Claire : l'amour et la loi.
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