HABITUELLEMENT plus éloignés du « devant de la scène » que leurs confrères « effecteurs », c'est-à-dire de ceux qui vont sur le terrain, les médecins régulateurs libéraux semblent hausser le ton ces derniers temps.
Entre ces deux acteurs de la PDS, des différences sensibles d'organisation et de rémunération existent en effet. Les médecins « effecteurs » perçoivent une indemnité d'astreinte de 50 euros par tranche de 4 heures, auxquels s'ajoutent bien évidemment les honoraires majorés qu'ils perçoivent dans le cadre de la permanence des soins : une consultation est facturée au patient 42,50 euros entre 20 h et minuit et entre 6 h et 8 h ; 51,50 euros entre minuit et 6 h et 26,50 euros un samedi après-midi, un dimanche ou un jour férié. Quant aux visites, elles sont facturées 46 euros entre 20 h et minuit et entre 6 h et 8 h ; 55 euros entre minuit et 6 h, et 30 euros un samedi après-midi, un dimanche ou un jour férié.
De son côté, le médecin régulateur perçoit forfaitairement 3 « C » de l'heure (66 euros), et ce quelle que soit la plage horaire. Si bien que, dans certains cas, la rémunération d'un médecin « effecteur » peut atteindre le double, voire le triple de celle d'un régulateur, pour peu qu'il réalise un nombre important d'actes durant sa période d'astreinte.
Résultat, dans bien des cas, le volontariat en matière de PDS s'oriente vers son volet le plus lucratif, c'est-à-dire l'intervention sur le terrain, auprès des patients.
Désaffection.
En le Maine-et-Loire, la coupe a manifestement débordé et les médecins régulateurs libéraux sont en grève depuis le 1er octobre. Pour le Dr Alain Paul, chef de file départemental des régulateurs libéraux, le travail devient impossible à réaliser, alors que les effectifs de la régulation sont passés de soixante-dix en 2005 à trente-neuf aujourd'hui. La raison de cette désaffection ? «Nous faisons un travail peu attractif et mal rémunéré, indique-t-il au « Quotidien », et certains d'entre nous sont épuisés par cette fonction.» Et le Dr Paul sort sa règle à calcul : «Sur dix appels régulés dans le département, le travail permet à six d'entre eux de ne pas aboutir à un médecin “effecteur”.» Si bien qu'au problème de la moindre rémunération des régulateurs vient s'ajouter le fait que «la charge de travail entre les régulateurs et les “effecteurs” tend à s'inverser au détriment des premiers», continue Alain Paul, qui précise cependant qu' «il n'y a aucune animosité envers les “effecteurs”, même si nous considérons qu'il y a inégalité de traitement entre nos deux fonctions».
Depuis le début de la grève, c'est le Samu-Centre 15 qui gère à la fois les appels de PDS et d'AMU (aide médicale urgente), avec toutes les complications qu'une telle situation peut engendrer. Des négociations sont en cours avec le ministère de la Santé, et il aurait été proposé aux régulateurs du département de les inclure dans l'un des pôles d'expérimentation des futures ARS (agences régionales de santé) dont la création est prévue par la future loi Bachelot. Ces ARS seront en effet notamment chargées de l'organisation de la permanence des soins. Cette solution pourrait permettre d'envisager pour les régulateurs de Maine-et-Loire de percevoir, à titre expérimental, une rémunération supérieure à ce qu'elle est actuellement. «Mais, attention, prévient Alain Paul, on ne se contentera pas de promesses», si bien que la grève devrait au moins durer jusqu'au prochain rendez-vous avec l'ARH (agence régionale de l'hospitalisation), qui devrait se tenir cette semaine ou peut-être la semaine suivante. «Mon mandat est d'engager des négociations et d'obtenir du concret, conclut Alain Paul, je m'y tiendrai.»
Lassitude.
Autres lieux, mêmes soucis. Dans le Morbihan, si les régulateurs n'en sont pas au point de se mettre en grève, l'énervement commence malgré tout à se faire sentir. Pour Philippe Le Rouzo, responsable du pôle PDS à l'union régionale des médecins libéraux (URML) de Bretagne, «les médecins régulateurs libéraux en ont ras le bol de prendre des risques tout en étant payés 3“C” de l'heure alors que leurs confrères (“effecteurs”) ont des tarifs bien plus avantageux». Selon lui, les grands gagnants de la PDS sont les « effecteurs », alors que les régulateurs «sont burn-outés et mal payés. Grâce aux régulateurs, les médecins de garde travaillent correctement dans la journée et sont protégés la nuit. L'amélioration du système doit être globale, et profitable tant aux régulateurs qu'aux effecteurs».
Certes, le Dr Le Rouzo précise que ce coup de gueule est surtout destiné à inciter les « effecteurs » à mieux s'organiser sur le terrain en mettant en place des points de consultation regroupés pour faciliter le travail des régulateurs. «En effet, ajoute-t-il, il est difficile de réguler en fonction des desiderata de médecins isolés dans leur cabinet: certains veulent travailler, d'autres pas, certains ont des horaires de consultation, d'autres pas. Il faut que les “effecteurs” intègrent bien que l'amélioration de leurs conditions de travail est due en grande partie aux confrères régulateurs, dont les conditions de travail seraient améliorées si les secteurs étaient regroupés autour de points fixes de consultation.»
Des propos qui traduisent à tout le moins une grande lassitude des médecins régulateurs.
Pour le Dr Le Rouzo, qui précise que lorsque les médecins libéraux ont le choix entre l'effection et la régulation, «ils choisissent bien souvent l'effection», il est urgent de revaloriser la régulation, surtout pour les plages nocturnes et les jours fériés.
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