GROS ENJEU pour la direction de l'hôpital d'Ajaccio : ces jours-ci, les instances locales (conseil exécutif, CME, conseil d'administration) examinent un plan quinquennal de retour à l'équilibre financier. La survie de l'établissement, dit-on, est en jeu, mais l'issue du vote est incertaine.
Ubuesque, la situation ne ressemble à nulle autre. Un déficit de 20 millions d'euros pour 80 millions d'euros de recettes en 2007, un taux d'absentéisme singulièrement élevé (entre 12 % et 14 %, contre une moyenne nationale de 8 %), doublé d'un sureffectif incontestable (les dépenses de personnel atteignent 90 %), font tanguer le navire hospitalier ajaccien. Son naufrage serait proche.
Deux conseillers généraux des établissements de santé, dépêchés sur place, ont établi un diagnostic sévère. «Sévère mais juste, rectifie la directrice de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Corse, Martine Riffard-Voilqué. C'est un établissement qui est en train de couler si des mesures certes strictes, mais nécessaires, ne sont pas prises. S'il ne se redresse pas très vite, l'hôpital ne pourra plus verser les salaires. Peut-être ne pourra-t-il pas passer l'année.»
L'hôpital dessert un bassin de 130 000 habitants, et l'on imagine mal le sud de la Corse privé de son unique centre hospitalier public. Réelle ou exagérée, la menace inquiète. Le maire appelle chacun, soignants, syndicats et médecins, à des efforts : «La réforme est nécessaire. Sinon le risque, à terme, est que l'on perde l'égalité dans l'accès aux soins», avance Simon Renucci, ancien médecin. Alléchées, les deux cliniques du coin se verraient bien, dit-on, récupérer quelque activité. «Nous craignons que certains services notamment chirurgicaux basculent dans le privé», confesse le président de la CME de l'hôpital, le Dr Yves Fanton.
Comment expliquer ce marasme financier ? Les causes seraient «historiques». Des contractuels auraient été recrutés en masse il y a des années sur des emplois non qualifiés, puis titularisés sans autre raison que la volonté de réduire le chômage local. La direction de l'hôpital, renouvelée récemment, nous explique qu'il y aurait aujourd'hui «200 ou 250agents en trop» sur un total de 1 500. Puisque c'est le noeud du problème, le plan de retour à l'équilibre cible l'emploi.
Le non-remplacement ou le redéploiement de 320 personnes est proposé, ainsi qu'une gestion rigoureuse des congés maladie.
Des besoins non couverts.
Les syndicats, solidement implantés, fourbissent leurs armes. Côté médecins, l'heure est au pessimisme. «La situation étant catastrophique, les marges de manoeuvre sont très faibles. On nous met devant le fait accompli», déplore le Dr Fanton. La CME n'a pas encore arrêté sa position. Une chose est sûre, la question des embauches sera déterminante : le besoin en médecins est criant dans certains services, or les recrutements sont gelés depuis des mois. A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, se défend la direction de l'hôpital.
Le Dr Jean-François Abino, chef du service infectiologie et soins palliatifs, balaie l'argument : «Le mi-temps médical accordé par l'ARH pour mon service n'a jamais été recruté, alors que le poste a été publié au “JO” et que nous avons un candidat. La direction s'y oppose pour raison financière. Ce poste est pourtant indispensable pour maintenir une prise en charge correcte du sida. Economiquement aussi, c'est justifié, car nous souhaitons créer deux lits potentiellement rémunérateurs, ainsi qu'une équipe mobile d'infectiologie, source d'économie considérable pour l'hôpital qui consomme trop d'antibiotiques. S'attaquer à des postes médicaux producteurs de nouvelles recettes, ce n'est pas logique», conclut le Dr Abino.
Le plan de retour à l'équilibre table sur une économie d'un million d'euros sur les personnels médicaux si l'hôpital cesse de recourir aux remplacements – le mercenariat médical, en vogue sur l'île de Beauté, coûte très cher. En revanche, nulle allusion, dans le plan, à d'éventuels recrutements... Le corps médical est-il en position de force pour les exiger ? Songeur quant à ses capacités de négociation, le président de la CME s'attend à des pressions. «Sans l'écrire noir sur blanc, on peut nous dire que des départs à la retraite ne seront pas remplacés. Or, avec un médecin en moins, tout un service peut fermer. Tout cela est la conséquence d'une mauvaise gestion passée. Nous en payons les frais», conclut, non sans une certaine amertume, le Dr Fanton.
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