LA VACCINATION contre l'hépatite B mise en place en France à la suite de la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1991 fait l'objet en France d'une surveillance régulière depuis le signalement de troubles neurologiques évoquant des poussées de sclérose en plaques (SEP). Depuis la mise en place en juin 1994 de l'enquête nationale de pharmacovigilance, les données ainsi que les résultats des études épidémiologiques menées sur la cohorte française KIDSEP sont régulièrement réévalués. Lors de leur dernière réunion, en janvier 2008, les membres de la Commission nationale de pharmacovigilance proposaient même, «à l'unanimité, de mettre un terme à la surveillance renforcée nationale des effets indésirables observés après vaccination contre l'hépatiteB et de revenir à un suivi de pharmacovigilance classique». Toutes les données de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie, évaluées depuis plus de treize ans tant chez l'enfant que chez l'adulte, n'ont pas remis en cause les recommandations en vigueur. Toutefois, une étude, à paraître le 8 octobre dans « Neurology » et mise en ligne la semaine dernière, a conduit les autorités à mettre en place une nouvelle expertise.
Une étude à Bicêtre.
L'étude a été réalisée à partir des données de la cohorte nationale neuropédiatrique KIDSEP. Le Pr Tardieu (service de neuropédiatrie, hôpital Bicêtre) a, avant toute publication, informé les autorités sanitaires d'un élément nouveau par rapport aux précédentes études. «Il y a une quinzaine de jours, le PrTardieu nous a informés qu'une nouvelle étude allait bientôt être publiée dans la revue “Neurology” qui confirme les résultats précédents. Cependant, dans un des sous-groupes, il semble qu'il existe un surrisque possible à distance de la vaccination, et cela pour un vaccin, le vaccin Engerix des Laboratoires GSK», a expliqué au « Quotidien » le Pr Didier Houssin, directeur général de la Santé.
Une nouvelle expertise.
«Comptetenu de la sensibilité du sujet, il nous est apparu important de réagir très rapidement, avant même la publication de l'étude, et de mettre en place une expertise approfondie afin de juger de la réelle portée de cet article», a-t-il souligné. Le ministère, qui travaille depuis quelques mois avec les experts à un nouveau plan Hépatites visant notamment à améliorer la couverture vaccinale, particulièrement faible en France (elle n'a jamais atteint les 30 %), a donc dès la semaine dernière réuni un premier groupe d'épidémiologistes et de statisticiens chargé d'examiner la méthodologie de l'étude. Le Comité national de pharmacovigilance doit se réunir au début de cette semaine tandis que l'InVS (Institut de veille sanitaire) devrait réexaminer le rapport bénéfice/risque de la vaccination. «Le comité technique des vaccinations doit se réunir le 2octobre avant l'avis formel du Haut Conseil de la santé publique. Dès la fin de la semaine prochaine, nous aurons une idée plus précise de la question», indique le DGS.
Recommandations inchangées.
Pour l'heure, les recommandations sont maintenues : «Compte tenu de la circulation du virus en France et des conséquences graves de l'infection, les recommandations vaccinales sont inchangées», insiste le Pr Houssin. La vaccination n'est obligatoire que pour les professionnels de santé : elle vise à protéger le personnel mais aussi les patients vis-à-vis de la transmission du virus par un soignant. Elle est recommandée chez les nourrissons avec un rattrapage des enfants, en priorité des adolescents non vaccinés, et les personnes à risque. Elle est recommandée dès l'âge de deux mois avec un schéma préférentiel comportant trois injections avec un intervalle d'au moins un mois entre la première et la deuxième injection et de cinq à douze mois entre la deuxième et la troisième injection.
Vers un maintien définitif.
D'après le Pr Daniel Floret, président du comité technique des vaccinations, qui doit rendre un avis jeudi prochain, le résultat de l'étude en cours ne devrait pas conduire à une modifications de ces recommandations. «Je pense qu'on s'achemine vers un maintien des recommandations. Les premiers experts qui vont s'exprimer d'une manière officielle mardi prochain sont très critiques quant à la méthodologie», a-t-il indiqué. L'étude conclut d'ailleurs que «la vaccination par le vaccin contre l'hépatiteB n'augmente pas le risque global de survenue d'une SEP». Toutefois, en tentant de limiter les biais de l'étude, les chercheurs ont observé une augmentation du risque : les enfants atteints de SEP avaient 1,74 fois plus de risque d'avoir reçu le vaccin Engerix B, le risque n'apparaissant pas pour les autres vaccins. Les auteurs précisent qu'une telle association ne conduit pas à conclure que la survenue de SEP soit imputable au vaccin, «d'autres études sont nécessaires».
Un vaccin largement diffusé.
De son côté, les Laboratoires GlaxoSmithKline précisent que «plus de 800millions de doses de vaccin EngerixB ont été distribuées à ce jour. L'analyse minutieuse des données de pharmacovigilance signalées au laboratoire et communiquées aux différentes autorités ne suggère pas de relation entre la vaccination contre l'hépatiteB et les maladies démyélinisantes, ni en France ni dans les 150pays qui recommandent cette vaccination».
Bien que la France soit un pays de faible prévalence, 300 000 personnes sont porteuses de l'antigène HBS, l'incidence est estimée à un cas pour 100 000 dont la moitié aurait pu être évitée. Les spécialistes craignent que l'inquiétude et les hésitations des médecins vaccinateurs et des personnes à vacciner ne s'aggravent une nouvelle fois. «Ce serait dramatique», conclut le Pr Floret.
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