1° congrès de l'Union Européenne de la Société de médecine gériatrique 29 août - 1er septembre 2001,Paris

Les recommandations pour le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique

Publié le 04/10/2001
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CONGRES HEBDO

Ces quinze dernières années, le traitement de l'insuffisance cardiaque a connu des changements importants. Aujourd'hui, les stratégies thérapeutiques pharmacologiques sont mises en place pour améliorer non seulement la symptomatologie, mais aussi prévenir le plus longtemps possible le passage de la dysfonction cardiaque asymptomatique à l'insuffisance cardiaque symptomatique, cela en modulant son évolutivité et en réduisant ainsi la mortalité.

Harmoniser les pratiques

Des recommandations établies par la Société européenne de cardiologie viennent d'être publiées* afin d'aider à une meilleure prise en charge et « à harmoniser les pratiques au sein de la communauté médicale européenne », a souligné le Pr Komajda. L'enjeu est de taille, puisque la prévalence de l'insuffisance cardiaque est de 3 à 5 % pour les plus de 65 ans, l'incidence double à chaque décennie, pour atteindre 10 % pour les plus de 80 ans ; l'insuffisance cardiaque serait responsable de 5 % des hospitalisations gériatriques et 50 à 65 % des patients décèdent dans les cinq ans. Dans ce contexte, la mise en place de recommandations prend toute son importance, même si, comme le précisait le Pr Komajda, il faut garder à l'esprit que ces « guide-lines » s'appuient sur des essais qui ont inclus une population pas tout à fait représentative des insuffisants cardiaques rencontrés dans la vie courante (notamment par leur âge, les patients randomisés étant plus jeunes), ce qui expliquerait que le bénéfice potentiel de ces changements de prise en charge tarde à se faire sentir parmi les patients très âgés.

La médecine fondée sur les preuves

« Les recommandations thérapeutiques s'appuient sur des niveaux de preuves médicales : A (deux essais randomisés corroborent la recommandation) ; B (un essai randomisé et/ou une métaanalyse appuient la recommandation) ; C (consensus rédigé par des experts fondé sur des essais et l'expérience clinique) », a tenu à préciser le Pr Komajda, qui a résumé l'essentiel des prescriptions pharmacologiques dans l'indication d'une insuffisance cardiaque chronique symptomatique liée à une dysfonction ventriculaire gauche.
1 - Inhibiteurs de l'enzyme de conversion
Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) sont recommandés comme thérapeutique de première ligne chez les patients qui présentent une réduction de la fonction systolique ventriculaire gauche FEVG < 40-45 % (niveau d'évidence A).
Les doses d'IEC administrées doivent atteindre les valeurs de titrations supérieures utilisées dans les larges essais cliniques contrôlés dans l'insuffisance cardiaque, s'ils sont tolérés (niveau A), afin de réduire à longterme la morbidité (ils améliorent le statut fonctionnel) et la mortalité. Fort de ce constat, on ne doit pas se contenter des titrations de base qui améliorent uniquement les symptômes (niveau C).
Chez les patients en rétention hydrique, un traitement diurétique leur est associé (niveau B).
Certains patients ne tolèrent pas les IEC, même après une période de fenêtre thérapeutique, il faut alors leur substituer soit des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine ou, s'ils ne sont pas bien tolérés, une association de dose élevée de dérivés nitrés et d'hydralazine. Des données ne plaident pas en faveur de l'utilisation d'AINS pour supprimer la toux chez des patients dont les symptômes s'aggravent.
Le traitement est débuté par la posologie la plus faible et en l'augmentant progressivement pour atteindre la valeur cible. Une surveillance régulière de la fonction rénale est recommandée : avant l'instauration du traitement, une à deux semaines après chaque palier thérapeutique, à trois mois, puis tous les six mois, et quand le traitement est modifié chez les patients qui présentent des troubles de la fonction rénale.
Les patients qui ont une pression artérielle systolique inférieure à 100 mmHg ou une créatinine sérique au-dessus de 250 μmol/l doivent bénéficier d'une attention particulière lorsqu'ils sont mis sous IEC.
2 - Les diurétiques de l'anse, les thiazidiques
Les diurétiques sont essentiels pour le traitement des patients symptomatiques avec rétention hydrique (niveau d'évidence A), même si, pour l'instant, aucun essai contrôlé, randomisé, n'a démontré un impact sur la survie. L'utilisation des diurétiques s'appuie sur l'amélioration rapide de la dyspnée etsur l'augmentation de la tolérance à l'effort (niveau de preuve B).
Les diurétiques épargneurs de potassium sont prescrits si il persiste une hypokaliémie, en dépit d'IEC, ou en cas d'insuffisance cardiaque sévère, en dépit de l'association IEC et faibles doses de spironolactone (niveau de preuve C).
La supplémentation potassique est moins efficace dans cette situation (niveau de preuve B).

Les classes NYHA II à IV bénéficient de bêtabloquants

3 - Bêtabloquants
Tous les agents bêtabloquants sont recommandés pour traiter les patients avec une insuffisance cardiaque stable, légère, modérée et sévère, secondaire à une cardiomyopathie ischémique ou non ischémique, caractérisée par une fraction d'éjection ventriculaire gauche basse, classe NYHA II à IV, associée au traitement usuel, incluant les diurétiques et les IEC, en l'absence d'une contre-indication (niveau de preuve A).
Chez les patients qui présentent une dysfonction ventriculaire systolique gauche, avec ou sans insuffisance cardiaque symptomatique, secondaire à un infarctus du myocarde, la mise sous bêtabloquants à long terme est clairement recommandée en association avec les IEC afin de réduire la mortalité (niveau de preuve B).
Le traitement doit être débuté prudemment pour atteindre les valeurs cibles définies dans les différents essais cliniques et la dose sera adaptée à la réponse de chaque individu.
4 - Spironolactone, antagoniste des récepteurs de l'aldostérone
Les antagonistes des récepteurs de l'aldostérone sont recommandés dans le traitement de l'insuffisance cardiaque au stade avancé de la maladie (NYHA III-IV), associés aux IEC et aux diurétiques pour améliorer la survie et la morbidité (niveau de preuve B).
Un monitoring de la créatinine et de la kaliémie pendant de quatre à six jours doit être instauré ; un arrêt de la thérapeutique est décidé si la kaliémie est supérieure à 5,5 mmol/l.
5 - Antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II
Ces molécules peuvent être envisagées comme traitement symptomatique pour les patients qui ne tolèrent pas les IEC (niveau de preuve C).
Mais il n'a pas encore été démontré, pour ces molécules, une efficacité équivalente aux IEC dans la réduction de la mortalité (niveau de preuve B).
En association avec les IEC, les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II peuvent améliorer la symptomatologie de l'insuffisance cardiaque et réduire ainsi les hospitalisations itératives liées à l'aggravation de la maladie (niveau de preuve B).
6 - Les glycosides cardiaques
Ils sont indiqués dans la fibrillation auriculaire et à tous les stades de l'insuffisance cardiaque, même si la dysfonction ventriculaire gauche n'en est pas la cause, afin de ralentir le rythme ventriculaire et, par ce biais, améliorer la fonction ventriculaire et les symptômes (niveau B).
L'association entre digoxine et bêtabloquant apparaît d'une efficacité supérieure à celle d'une médication monoproduit (niveau de preuve C).
Les contre-indications des glycosides cardiaques sont la bradycardie, les blocs de branche auriculo-ventriculaire du deuxième et du troisième degré, le Wolff-Parkinson-White, le syndrome du sinus carotidien, la cardiomyopathie hypertrophique obstructive, l'hypokaliémie et l'hypercalcémie.
7 - Les vasodilatateurs dans l'insuffisance cardiaque chronique
Les vasodilatatateurs n'ont pas un intérêt spécifique dans le traitement de l'insuffisance cardiaque (niveau A), bien qu'ils puissent être indiqués pour traiter un angor ou une hypertension concomitante (niveau de preuve C).
En cas d'intolérance aux IEC, les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II sont préférés à l'association hydralazine-nitrates (niveau de preuve A).
8 - Les inotropes positifs
Ces molécules sont généralement utilisées de façon transitoire pour limiter des épisodes sévères d'insuffisance cardiaque ou pour permettre une transplantation cardiaque au dernier stade de la maladie (niveau de preuve C). Toutefois, des complications liées au traitement peuvent survenir et leurs effets sur le pronostic ne sont pas encore connus.
Un traitement répété ou prolongé avec des agents inotropes augmente la mortalité (niveau de preuve A).
En pratique, faute de données suffisantes, les agents dopaminergiques ne sont pas recommandés dans le traitement de l'insuffisance cardiaque.

* « European Heart Journal », 2001, vol. 22, pp. 1527-1560.
D'après un symposium organisé par les Laboratoires MSD.

Dr Sylvie LE GAC

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6982