«QUAND ON évoque l’impact des recommandations professionnelles sur les pratiques, la réponse la plus honnête est de dire que, au moins dans le contexte français, on sait peu de choses. En pratique, il y a très peu d’études en France. Nous nous reposons sur des travaux réalisés dans d’autres pays, essentiellement anglo-saxons, et il n’y pas lieu de penser qu’il existe une spécificité française», explique Patrice Dosquet, responsable du service des recommandations professionnelles de l’Anaes (Agence nationale pour l’accréditation et l’évaluation en santé, intégrée dans la Haute Autorité de santé). Les études, indispensables pour fournir le niveau de preuves suffisant après la divulgation de recommandations, arrivent difficilement à un niveau de rigueur méthodologique suffisant.
Quand un organisme s’en donne le moyens, ses recommandations peuvent influer sur les pratiques professionnelles. C’est-à-dire les modifier sans hausser uniquement le niveau des connaissances. «Souvent, les professionnels de santé connaissent le contenu des recommandations, ils ne les mettent pas en application pour autant», poursuit-il.
Même en s’en donnant les moyens.
Lors de la mesure d’impact d’une recommandation, deux éléments quasi indissociables sont jugés : l’effet du contenu sur les pratiques ; l’évaluation du moyen mis en oeuvre pour la faire appliquer. Les techniques de diffusion suivies des meilleurs effets sont connues. «Pourtant, certaines études ont montré que, même en s’en donnant les moyens, des recommandations ont peu influé sur les pratiques.»
Globalement, lorsqu’un promoteur se contente de publier des recommandations (Internet, presse...), même avec quelques effets d’annonce, il rencontre peu ou pas d’écho. Mais ces moyens simples demeurent indispensables. Ils peuvent contribuer à une petite amélioration des connaissances, mais sans retentir sur les pratiques.
«Il faut donc, en quelque sorte, pousser les professionnels à utiliser les recommandations.» Les données internationales fournissent quelques pistes. Le moyen le plus efficace, à court terme, est l’utilisation des « reminders », en français pense-bêtes. Cela peut aller de la fiche papier qu’on laisse sur son bureau ou qu’on punaise au mur à des outils informatiques sophistiqués qui apparaissent au moment opportun à l’écran. Leur champ va du rappel de la recommandation à l’aide à la décision.
La visite par les pairs. «Ces reminders , au moment de la prescription, quelle que soit leur forme, modifient les pratiques. Ils ont un effet instantané, avec un faible niveau d’apprentissage.» A peine moins efficace est la visite par les pairs. Il s’agit de la promotion d’une recommandation par des professionnels au cours de séances de discussion, de présentation, d’évaluation de dossiers. Cette technique pédagogique, très lourde à mettre en place, se montre efficace mais elle est onéreuse. «Tout ce qui est formation médicale dynamique, interactive, a un impact. Alors que le cours magistral améliore les connaissances, sans être forcément suivi d’effets.»
Une recommandation est un ensemble volumineux. L’évaluation ne porte que sur quelques-uns de ses éléments. Pour juger de la validité de l’évolution, plusieurs mesures avant et après sont nécessaires. Souvent, les études montrent plus une tendance qu’un impact.
Une question demeure en suspens : pourquoi cette absence de répercussion ? Patrice Dosquet évoque plusieurs possibilités : peut-être le message est-il trop complexe et, dans ce cas, il faut communiquer sur les messages clés. Il peut y avoir aussi des réticences à appliquer des recommandations qui ne reposent pas sur un niveau de preuve suffisant. Il existe, enfin, une remise en cause de certains promoteurs (les professionnels sont mieux ressentis que les institutionnels). «Ces facteurs de résistance devront être identifiés. Cela fait partie des thèmes de recherche.»
Deux études françaises
Une étude faite par la Cnam sur le suivi du diabète par l’HbA1C a montré un bon passage de la recommandation auprès des professionnels. La diffusion a duré plusieurs mois avec tous les outils de presse, de formation... Les pratiques ont évolué : davantage prescrite et plus régulièrement, HbA1C est devenue l’outil de suivi du diabétique. Il ne s’agissait toutefois que d’un élément de la recommandation.A l’inverse, la recommandation sur l’évaluation de la douleur a eu peu d’impact. Peut-être parce que les professionnels jugent l’outil de mesure (échelle visuelle) peu pertinent en ville, ou par manque d’impact de la recommandation.
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