Si la population jouit d'un bon état de santé et si la prévention fondamentale, avec la surveillance des grands risques du milieu (eau, air), la vaccination et l'accès aux soins préventifs de base est d' « un très bon niveau », « certaines spécificités françaises en termes de morbidité et de mortalité doivent alerter ».
Par exemple, la surmortalité masculine prématurée, pour une large part évitable, ou les inégalités de santé, sociales et géographiques. Pour l'inspection générale des Affaires sociales (IGAS), qui consacre son rapport annuel 2003 à l'instauration d'une « politique de prévention durable » au nom de la santé, il faut donc « repenser la prévention ».
En 2001, l'effort de prévention, assuré par les services de médecine préventive (du travail, scolaire, de protection maternelle et infantile), l'assurance-maladie, grâce au Fonds de prévention, d'éducation et d'information pour la santé et du Fonds de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, les centres d'examens de santé et des actions programmées par l'Etat, les départements et les communes, a représenté quelque 3,5 milliards d'euros. Sans compter la participation des médecins libéraux, qui lui consacrent de 15 à 20 % de leur activité.
« La prévention n'est pas une spécialité, avertit l'IGAS, c'est bien plus une manière de travailler » impliquant différents professionnels, « qui s'attache à la promotion de la santé, comme un état de bien-être ne se limitant pas à la seule absence de maladie ». Dès lors, elle suggère de l'intégrer dans « les politiques éducatives, environnementales, de sécurité du travail et d'offre médicale », en surmontant la crise de la médecine préventive, caractérisée par une vision « très individuelle » de sa mission.
Réformer la médecine scolaire et du travail
La majeure partie de l'activité des praticiens concernés est accaparée par des visites médicales systématiques, « au détriment de la surveillance des risques collectifs ». « Trop souvent, ajoute l'IGAS, ces bilans sont redondants, insuffisamment orientés vers les individus à risque, détectés en fonction de leur exposition à un danger ou de signaux d'appel ». Elle suggère donc de « réformer profondément le fonctionnement » de la médecine scolaire et du travail et des centres d'examens de santé. Car, pour l'heure, « le médecin du travail, isolé au sein de l'entreprise, ne peut confronter ses pratiques médicales à celles de confrères ». Et la remise en cause du principe de la visite médicale systématique est d'autant plus nécessaire que la médecine du travail « pâtit d'une pénurie de praticiens alarmante ».
Dans le domaine scolaire, le ministre délégué, Xavier Darcos, a annoncé en février le recours en 2004 à 600 étudiants en médecine. Il a souligné la nécessité de « fonder une politique nationale sur une réflexion scientifique pluridisciplinaire ».
Pour les centres d'examens de santé, l'IGAS fait sienne une recommandation de la CNAMTS (2000) selon laquelle « il serait judicieux (qu'ils) se transforment en un lieu où des programmes de santé innovants pourraient être élaborés puis diffusés à l'ensemble des structures concernées. Ils joueraient un rôle de "laboratoire" expérimental destiné à mettre au point des outils et des méthodes de santé publique ».
En amont, l'IGAS signale les faiblesses de la recherche et insiste sur les insuffisances de la surveillance. Le contrôle des infections sexuellement transmissibles est jugé « encore artisanal ». Celui des pollutions reste à construire « d'un point de vue scientifique et pratique ». Les connaissances sur les substances chimiques polluantes sont lacunaires. En Europe, sur 30 000 produits chimiques mis sur le marché avant 1981, et commercialisés à plus d'une tonne par an, l'évaluation de la toxicité n'a été faite que pour une quinzaine de produits.
Jean-François Mattei, qui a pris acte des suggestions de l'IGAS, reconnaît qu'il existe « un déséquilibre très important entre la part de nos ressources qui sont consacrées aux soins individuels et celles qui servent un effort collectif et organisé pour donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l'améliorer ». Le ministre fait remarquer que son projet de loi relatif à la santé publique, adopté en conseil des ministres (« le Quotidien » du 23 mai) répond pour l'essentiel aux attentes de l'inspection générale des Affaires sociales. « Même s'il n'y a pas identité entre santé publique et prévention, il est évident que cette dernière est une des finalités de la politique de santé publique », dit-il. En prévoyant parmi les « plans nationaux qui permettront d'atteindre les principaux objectifs de santé, un plan pour limiter l'impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives, nous entendons développer très fortement nos actions de prévention envers les enfants et les adolescents », relève le ministre. Dans le même esprit, le « plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement », incluant le monde du travail, « répond à ce besoin de mobilisation générale » que propose l'IGAS.
Groupements régionaux
Pour ce qui est de la définition « des sphères de responsabilités cohérentes dans la mise en oeuvre des politiques de prévention au niveau régional en mutualisant les moyens humains et financiers », autre recommandation de l'IGAS, Jean-François Mattei évoque les futurs « groupements régionaux de santé publique (qui) visent justement à remédier à l'éclatement des responsabilités et à la dispersion des initiatives ».
Par ailleurs, la création d'une école des hautes études en santé publique va offrir un statut universitaire, des enseignements pluridisciplinaires et des diplômes aussi bien aux médecins qu'aux professionnels formés en sciences des ingénieurs ou en sciences administratives au niveau bac +3, bac +5 et bac +8. « La question, explique le ministre, n'est pas celle d'une surspécialisation mais celle d'un travail pluridisciplinaire ».
« La prévention, insiste l'IGAS, dont le prochain rapport portera sur la « gestion des âges », nécessite une approche collective, guidée davantage par un intérêt général compris comme l'intérêt des usagersque par une logique de défense de territoire et de corps. C'est au prix d'un tel changement de point de vue que notre système de santé pourra obtenir des résultats à la hauteur du coût consenti par la collectivité, immédiatement et à terme, dans une perspective de prévention durable ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature