LA MORT inattendue du nourrisson reste trop souvent inexplorée, et donc inexpliquée, à cause d'une prise en charge insuffisante et non homogène. Elle constitue pourtant, avec 500 décès par an, dont 300 classés comme « mort subite du nourrisson (MSN) », la première circonstance de mortalité postnatale.
En baisse régulière depuis vingt ans, la mortalité de la première année de vie reste plus élevée que dans toutes les autres tranches d'âge. Elle est passé de 8 000 cas environ en 1980 à 3 300 en 2000. Et cette année-là, le taux de mortalité s'est élevé à 451 décès pour 100 000 chez les moins de 1 an, contre 25,1 chez les 1-4 ans, 12,5 chez les 5-9 ans et 16 chez les 10-14 ans.
La survenue d'un décès chez un nourrisson exempt de toute pathologie ou malformation connue est source de nombreuses incertitudes diagnostiques. Les mauvais traitements qui aboutissent à un décès sont fréquents : le taux d'homicide est de 2,5 pour 100 000 versus 0,7, 0,5 et 0,4 respectivement pour les autres tranches d'âge.
Au regard de ces chiffres, l'analyse des données de mortalité du CépiDc* est troublante : le nombre annuel d'homicides répertoriés comme tels est peu élevé, ce qui est peu réaliste, compte tenu des données de la police et de la gendarmerie nationales ; le pourcentage de décès « de cause inconnue ou non déclarée » est important ; le taux de décès dits accidentels est très élevé, particulièrement pour ce qui concerne les morts par accident de la circulation «à un âge où l'enfant n'a que peu de capacités d'être acteur de son accident (9,5 pour 100000 en 2000), alors que le taux n'est plus que de 5,2 chez les enfants de 1 à 4ans, “âge de tous les dangers”, notamment face au risque d'accident domestique», notent les experts de la HAS.
Prise en charge des familles.
Ces observations confirmées par l'étude menée par l'Inserm dans le cadre du plan national Violence et Santé (« le Quotidien » du 13 octobre 2005) ont conduit la HAS à proposer une harmonisation de la prise en charge des cas de mort inattendue du nourrisson. Le protocole vise à organiser de manière homogène sur l'ensemble du territoire les investigations afin de mieux distinguer les décès liés à une mort subite inexpliquée ou à une cause accidentelle et ceux liés à une maltraitance. Un des objectifs est aussi d'améliorer la prise en charge psychologique de la famille et des personnes présentes au moment du décès. Enfin, la mise à disposition de statistiques de mortalité fiables va permettre de comprendre les causes de mort inattendue et de mieux les prévenir.
Les recommandations s'adressent à tous les professionnels de santé, plus particulièrement les généralistes, les urgentistes, les pédiatres libéraux et hospitaliers, les médecins légistes, les anatomopathologistes, les psychiatres et les psychologues, les professionnels de PMI, les travailleurs sociaux du secteur sanitaire et les équipes des centres de référence. Mais aussi, en dehors du monde de la santé, à tout professionnel susceptible d'être impliqué, à un moment ou à un autre (pompiers, police, justice, opérateurs funéraires, associations d'aide au deuil, représentants de l'administration de l'état civil).
La mort inattendue y est définie comme tout «cas de décès survenant brutalement chez un nourrisson alors que rien dans ses antécédents connus ne pouvait le laisser prévoir». La limite d'âge a été fixée à 2 ans. «Toutefois, les recommandations devront être appliquées avec souplesse afin que les rares cas de décès inattendus survenant au cours de l'enfance au-delà de 2ans puissent être accueillis et explorés de la même manière que ceux touchant des nourrissons.»
Centre de référence.
Un des points clés des recommandations est que «tous les cas de mort inattendue doivent être pris en charge au sein d'un centre de référence (service hospitalier pédiatrique spécialisé) ». A cette fin, le centre 15 doit être alerté systématiquement. Il établit le contact avec le centre de référence où le corps de l'enfant est transporté. Les explorations médicales à visée diagnostique devront être réalisées le plus rapidement possible ; un accompagnement, un soutien psychologique et un suivi doivent être proposés aux parents endeuillés. «Il est essentiel de procéder à une autopsie médicale», une fois que les parents ont été informés sur l'intérêt de l'examen et que leur accord signé a été obtenu. L'autorité judiciaire peut être alertée à tout moment de la procédure s'il apparaît un doute quant à une éventuelle maltraitance. A l'issue des explorations diagnostiques, un certificat médical de décès, complémentaire de celui qui est établi lors de la constatation de la mort, doit être transmis au CépiDc. Dans les centres de référence, des comités multidisciplinaires de revue de cas de décès seront chargés d'analyser les éléments du dossier et de faire une synthèse diagnostique. Des comités de revue des cas de décès, eux aussi multidisciplinaires, pourront être mis en place afin d'évaluer les pratiques et de mettre en oeuvre des actions de prévention.
* Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (Inserm).
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