De notre envoyée spéciale
à La Nouvelle-Orléans
L'AGE PHYSIOLOGIQUE et l'âge chronologique sont diversement corrélés selon les patients, la présence d'une ou plusieurs comorbidités accentuant encore la disparité de l'état de santé entre les individus du même âge. Toutefois, le nombre de comorbidités augmente avec l'âge : 13 % des sujets de 55 et 65 ans ont cinq pathologies et c'est le cas de 39 % des plus de 75 ans. « Ces éléments doivent être pris en compte pour décider de la stratégie thérapeutique face à un cancer », a estimé William B. Ershler (Washington DC), lors d'un symposium consacré à la prise en charge du cancer chez le sujet âgé dans le cadre de la 40e session de l'Asco.
Le National Cancer Center Network (Nccn) a émis des recommandations concernant la prise en charge des patients âgés atteints de cancer. Il demande que soit faite une évaluation gériatrique à partir de 70 ans. Le bilan inclut notamment une évaluation des fonctions cognitives, des activités quotidiennes, de la qualité de vie et la recherche d'une dépression. Les comorbidités doivent être dépistées. Des tests de laboratoires permettent d'apprécier les biomarqueurs de vieillissement (élévation des cytokines pro-inflammatoires par exemple) et les paramètres physiologiques sensibles à l'âge (fonction immunitaire, statut nutritionnel...).
Bien évidemment, les critères liés au cancer sont également pris en compte : malignité de la tumeur, efficacité des traitements disponibles, effets secondaires attendus de ces derniers. L'espérance de vie en dehors du cancer doit être mise en parallèle avec le pronostic de la néoplasie. Par exemple, un patient âgé, atteint d'un cancer du sein, présentant trois comorbidités, a vingt fois plus de risque de mourir du fait de l'une des comorbidités que de la néoplasie. La capacité du malade à supporter le traitement et le retentissement de celui-ci sur la qualité de vie doivent être évalués. Enfin, le désir du patient, son environnement social et familial interviennent dans la décision finale.
Corriger l'anémie.
Le Nccn recommande d'ajuster les doses des médicaments sur la fonction rénale à partir de 65 ans ; ce, d'autant que la fréquente modification de la composition corporelle altère elle aussi le volume de distribution du médicament. Cet ajustement et la correction de l'anémie permettent de réduire le risque d'effets indésirables.
En effet, la myélotoxicité est un des effets indésirables les plus fréquents et les plus sévères chez les sujets âgés. Outre l'intense fatigue qu'elle entraîne, l'anémie diminue d'espérance de vie, accélère la dépendance, la survenue de pathologies cardio-vasculaires, de mort cardiaque et de démence. Aussi, le Nccn demande-t-il de veiller à ce que le taux d'hémoglobine ne descende pas en dessous de 12 g/dl. « La correction de l'anémie est essentielle, pas seulement parce qu'elle permet d'administrer les traitements anticancéreux à doses efficaces, mais aussi parce qu'elle prévient la dépendance », a estimé Lodovico Balducci (Tampa Floride). Or, l'époétine alfa (Eprex), dont le structure est identique à celle de l'érythropoïétine endogène, a montré son efficacité pour corriger l'anémie du patient cancéreux (remontée du taux d'hémoglobine, diminution du nombre de transfusions, amélioration de la qualité de vie). De plus, une étude de Straus et coll. (« Blood », 2003 : 102, 497a, abstract 1811) a souligné l'intérêt de traiter précocement les patients : l'instauration d'un traitement par Eprex chez les patients avec un taux d'Hb compris entre 10 et 12 g/dl, comparé à un traitement plus tardif (Hb < 9 g/dl), était suivi d'une meilleure réponse hématologique, d'une amélioration de la qualité de vie, d'un moindre taux de transfusions et d'un moindre nombre de jours passés au lit. Dans ce contexte, le Nccn demande de veiller à ce que le taux d'hémoglobine ne descende pas en dessous de 12 g/dl.
De même, le risque de neutropénie lié aux traitements est important à prendre en compte. Le bénéfice des facteurs de croissance est discuté, mais différents travaux montrent leur intérêt chez les sujets âgés soumis à des traitements agressifs (moindre taux de neutropénie, moindre taux d'infections). Ainsi, le Nccn recommande l'administration prophylactique de filgrastim ou de peg-filgrastim chez les patients de plus de 65 ans traités par Chop ou chimiothérapie analogue.
Choisir les drogues les mieux tolérées.
Autres organes vulnérables à la toxicité des traitements anticancéreux, les muqueuses, le cœur et le système nerveux central ou périphérique. La mucite peut être évitée en substituant la capecitabine au fluorinate de pyrimidine intraveineux et en utilisant une préparation topique de lysine. La forme pégylée de doxorubicine diminue la cardiotoxicité et est globalement mieux tolérée que la forme non pégylée. D'une façon générale, le Nccn recommande de choisir prioritairement des drogues peu toxiques comme la doxorubicine liposomale pégylée, la capecitabine, la gemcitabine, la vinorelbine et des taxanes hebdomadaires.
Au total, l'âge n'est pas une contre-indication à l'utilisation des chimiothérapies curatrices ou palliatives. Les recommandations du Nccn sont faites pour assurer le meilleur rapport bénéfice/risque de ces traitements chez les sujets âgés.
Symposium organisé par Ortho Biotech (Janssen-Cilag) à la 40e session annuelle de l'Asco (American Society of Clinical Oncology).
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