EN COUVERTURE, Christian Le Dorze porte une veste sombre, une blouse blanche posée sur l’épaule. Ces 200 pages, publiées en pleine campagne avec l’espoir d’éveiller l’intérêt des candidats pour la santé, sont « le récit [d’un] voyage personnel depuis plus de trente ans dans les méandres de notre système de santé », lit-on en préambule. À la fois manager et médecin, le Dr Le Dorze livre sa recette pour sauver un système « au bord du collapsus ».
Né à Phnom-Penh il y a 61 ans, Christian Le Dorze est cancérologue. Il débute sa carrière en Bourgogne, tantôt à l’hôpital, tantôt en libéral, et préside notamment le syndicat national des oncologues et des radiothérapeutes. En 1993, c’est le tournant. Christian Le Dorze se lance dans la création de la filière cancérologie à la Générale de santé, et devient PDG de 15 centres de cancérologie-radiothérapie. Puis il aide à la mise en place de partenariats entre le premier groupe de cliniques et différents hôpitaux publics. En 2006, il fonde Vitalia, aujourd’hui 2e groupe hospitalier privé en France.
Durant toutes ces années, le médecin devenu chef d’établissement observe le creusement des inégalités dans l’accès aux soins. Un jour, un pépin de santé l’amène aux urgences. Compétence et hyperréactivité des équipes, soulagement d’être bien pris en charge. En aurait-il été de même avec Monsieur tout le monde, s’enquiert son épouse. « J’ose espérer que oui », lui a-t-il répondu, pas totalement convaincu. Autre anecdote : Christian Le Dorze a dirigé la très chic clinique Hartmann, à Neuilly-sur-Seine. Il y a vu défiler certains ministres de gauche, s’y faisant soigner « presque en cachette » avant de « dénigrer et taper sur le privé » au sein de l’hémicycle.
Tyrannie du dogme et des lobbies.
Pour limiter les dérives d’une médecine à deux vitesses, le cancérologue préconise une remise à plat complète du système. Et rappelle que Vitalia, très implanté en Auvergne et dans le Centre, a apporté sa pierre à l’édifice pour lutter contre les déserts : le contrat d’engagement de service privé a permis le recrutement d’une vingtaine de médecins au sein du groupe. « On peut être une entreprise de santé privée et mener des actions d’intérêt général, écrit-il. À bon entendeur... ».
Le PDG de Vitalia déroule son argumentaire en faveur de la concurrence public-privé. Il cite en exemple le lancement difficile du pôle de santé de Paray-le-Monial, en Saône-et-Loire, où la clinique et l’hôpital ont mis des années à coopérer. En cause, « la tyrannie du dogme, le joug de l’idéologie, l’omnipotence du corporatisme ».
Une embolie conduit le Dr Le Dorze à fréquenter l’hôpital européen Georges Pompidou dans le cadre d’un essai clinique. Désordre et confusion, cloisonnement, rigidité des statuts : cette expérience de l’AP-HP en tant que patient renforce les convictions du patron de groupe privé. Le Dr Le Dorze appelle les politiques à leurs responsabilités. « Inachevée », la réforme HPST [Hôpital, patients, santé et territoires] n’a pas su doper la productivité de l’hôpital. « Les cliniques privées réalisent 104,5 actes par salle d’opération, contre 67,3 dans les CHU, et 48,12 dans les centres hospitaliers », fustige Christian Le Dorze, passant sous silence les différences de cas traités.
Plaidoyer en faveur de la convergence tarifaire public privé, l’ouvrage appelle les politiques à « dégraisser le mammouth » (entendez l’AP-HP), et à limiter les dépassements. « Je préconise que, lorsqu’un spécialiste est en situation de monopole sur un bassin de population, il lui soit imposé de réserver 20 % à 30 % de son activité, suivant sa spécialité, au tarif opposable ». Un objectif manqué par la loi Bachelot car « une fois de plus, écrit Christian Le Dorze, le politique a plié devant les lobbyings ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature