«C’EST UN CRI d’alarme que nous lançons, car nous avons le sentiment que les choix politiques français en matière de médicament ne vont pas dans la bonne direction, et qu’ils auront un impact négatif sur le financement du progrès thérapeutique. Les effets secondaires de cette politique se feront sentir d’ici à trois-cinq ans.» En commençant d’une manière aussi alarmiste sa présentation des propositions du LIR (Laboratoires internationaux de recherche, une association qui regroupe 15 filiales françaises de laboratoires internationaux) en matière de financement du progrès thérapeutique, sans doute Christophe Weber, président de GlaxoSmith Kline France et président du LIR, avait-il à l’esprit les rumeurs de nouvelles économies que l’Etat pourrait imposer aux laboratoires pharmaceutiques ?
Toujours est-il que, soucieux d’apparaître comme un partenaire responsable, le LIR a planché sur la récurrente question du financement du progrès thérapeutique, et livré ses conclusions.
Ondam et TFR.
Premier constat du LIR : avec un Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance-maladie) qui fixe la hausse des dépenses de médicaments à seulement + 1 % pour 2006, on est loin du compte. Car, pour Christophe Weber, «le développement du progrès thérapeutique nécessite de préserver une croissance minimale du marché pharmaceutique autour de 3 à 5%». Sombre constat aussi pour le TFR (tarif forfaitaire de responsabilité, qui consiste, dans une classe de médicaments donnée, à calculer le tarif de remboursement de l’ensemble de cette classe, princeps et génériques confondus, à partir du prix du médicament le moins cher). Pour Robert Dahan, P-DG d’Astrazeneca, «le TFR a des effets négatifs en tant que façon déguisée de remettre en cause les brevets. Le TFR a des conséquences désastreuses sur la connaissance scientifique car il dissuade la recherche dans des pathologies pour lesquelles existent déjà des médicaments soumis au TFR». Quant aux propositions du LIR proprement dites, les responsables de l’association ont insisté sur le fait qu’elles formaient un ensemble cohérent, et que chacune avait besoin des autres pour donner sa pleine mesure. Premier point évoqué : le bon usage du médicament. Selon Robert Dahan, il y va de l’intérêt de tout le monde, patients et laboratoires, tant il est vrai que «aucune entreprise ne peut espérer un progrès durable fondé sur un mésusage de ses produits». Le LIR assure à ce sujet que la stricte application des recommandations de bonnes pratiques cliniques améliorera la prise en charge des patients ainsi que «l’efficacité médico-économique du système».
Allonger les brevets.
Il convient ensuite de raccourcir les délais d’accès au marché des médicaments remboursables. Des délais que le LIR juge «trop longs en France par rapport aux objectifs fixés par l’Union européenne». Il s’agit tout à la fois de permettre aux patients d’accéder plus rapidement à l’innovation, et, pour les laboratoires, de disposer d’une protection plus longue du brevet.
Viennent ensuite les génériques, grâce auxquels, selon Christophe Weber, il est possible de réaliser 700 millions d’euros d’économies supplémentaires. Comment ? En incitant le patient à les choisir. Il rappelle que les prix des génériques français sont élevés, par rapport à ceux de certains pays européens. Le LIR prône donc une politique de «libéralisation des prix des produits du répertoire à l’expiration des brevets, afin de faire baisser les prix et générer des économies pour la collectivité».
L’automédication : «Nous sommes dans ce domaine un des marchés les plus faibles», regrette Christophe Weber, pour qui il ne suffit pas de mettre certains médicaments en vente libre. Encore faut-il permettre au patient de les choisir lui-même sur les linéaires. Le LIR milite donc pour que les médicaments sans ordonnance se retrouvent en amont du comptoir du pharmacien. Mais il faut également étendre le champ des médicaments accessibles à l’automédication au sein de l’officine, et renforcer le rôle du pharmacien dans le conseil, la délivrance et le contrôle.
Dernier point abordé par le LIR : les circuits de distribution, «parmi les plus chers d’Europe», juge Christophe Weber, qui précise que le coût de la distribution représente environ 30 % du coût total du médicament. Le LIR rappelle au passage que, si les pratiques de marges arrière font les affaires des pharmaciens d’officine, elles constituent autant d’économies en moins pour l’assurance-maladie.
Sans donner le détail de ses calculs, le LIR estime que l’ensemble des mesures qu’il préconise pourrait créer «des économies supplémentaires d’un montant comparable à celles du plan Médicament pour 2005-2007», censé permettre entre 2,1 et 2,5 milliards d’euros d’économies.
Christophe Weber compte présenter rapidement au ministre de la Santé cette plate-forme de propositions, d’autant, ajoute-t-il, «qu’il y a environ dix plans sociaux actuellement en préparation dans l’industrie. Les choix en jeu aujourd’hui ne sont pas anodins et pourront avoir des conséquences sur l’accès aux soins».
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