Congrès-Hebdo
Si les récepteurs μ pour les opioïdes du système nerveux central sont connus depuis longtemps, la mise en évidence récente de leur présence, quoique moins importante (30 %), dans d'autres sites périphériques et, notamment, dans l'intestin, a fait naître des perspectives thérapeutiques originales. En effet, on sait que ces récepteurs sont activés par la bêta-endorphine physiologique à l'origine d'un effet analgésique et que leur activation est également source d'un effet antidiarrhéique par inhibition de la motricité intestinale. A cela s'ajoutent des arguments in vitro en faveur d'une action anti-inflammatoire. Les affections inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), principalement la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, étant caractérisées par des douleurs abdominales, une inflammation et une diarrhée, disposer d'agonistes des récepteurs μ pour les opioïdes pourrait permettre d'envisager un bénéfice thérapeutique dans ces affections.
Cela a été l'objectif du travail mené par D. Philippe (unité INSERM dirigée par P Desreumaux, Lille) en collaboration avec l'unité INSERM, dirigée par B. Kieffer (Strasbourg) et le laboratoire du CNRS de H. Groux (Nice).
Un effet préventif et curatif de l'inflammation intestinale
Deux agonistes spécifiques des récepteurs μ pour les opioïdes, DALGA et DAMGO, ont été choisis en raison de leur absence d'induction d'une dépendance et d'effets indésirables de type morphinique puisque ces molécules ne traversent pas la barrière hémato-méningée. Injectés par voie sous-cutanée dans un modèle animal de colite induite par le trinitrobenzène sulfate (TNBS) administré en intrarectal, ces produits ont, de fait, prévenu totalement la survenue d'une inflammation intestinale et exercé un effet curatif lorsqu'une inflammation était déjà présente. Afin de s'assurer que ces propriétés anti-inflammatoires étaient bien dues à une action sur les récepteurs μ pour les opioïdes, l'administration intrarectale de TNBS a ensuite été effectuée chez des souris invalidées pour ces récepteurs : les animaux sont tous morts en quarante-huit heures d'une colite nécrosante. Une troisième expérience a été réalisée chez des souris immunodéficientes. Après injection de lymphocytes T produisant de l'interféron gamma et du TNF alpha en grandes quantités, les animaux ont également développé une colite expérimentale. Encore une fois, les deux agonistes des récepteurs μ pour les opioïdes ont alors eu un effet anti-inflammatoire. L'action des pentapeptides DALDA et DAMGO apparaît donc indépendante des modèles animaux employés, et s'exercer par le biais d'une diminution de cytokines pro-inflammatoires telles que l'interféron gamma et le TNF-alpha produites par les lymphocytes T.
Ces résultats extrêmement originaux, d'autant que les agonistes choisis n'ont induit aucun effet indésirable, n'attendent qu'une confirmation chez l'homme. Toutefois, leur manque de stabilité nécessite de s'adresser d'abord à d'autres molécules ne passant pas la barrière intestinale, grâce à un screening orienté. Le Pr P. Desreumaux est quoi qu'il en soit optimiste, espérant la mise en place d'essais chez l'homme dans les cinq prochaines années. Ce nouvel éclairage de la régulation de l'inflammation intestinale permet également d'imaginer d'autres applications thérapeutiques, par exemple dans les colopathies fonctionnelles ou même en d'autres sites, comme la peau, où l'on retrouve aussi des récepteurs μ : des essais thérapeutiques sont déjà en cours dans le psoriasis. De plus, en dehors d'un effet anti-inflammatoire médié par la réduction de cytokines pro-inflammatoires, un autre mécanisme d'action a été avancé, celui d'une inhibition de la prolifération des cellules inflammatoires. Des applications dans les pathologies néoplasiques pourraient ainsi être envisagées.
S'il est toujours hasardeux d'espérer obtenir chez l'homme des résultats identiques à ceux observés chez l'animal, force est de reconnaître le caractère particulièrement novateur et prometteur de cette nouvelle approche dans le traitement des maladies inflammatoires intestinales qui doit d'ailleurs faire l'objet d'une publication prochaine dans le « Journal of Clinical Investigation ».
D'après un entretien avec le Pr P. Desreumaux, CHU de Lille.
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