Après la réaction courageuse de l'Amérique, la solidarité de l'Europe n'a pas fait défaut. Ses gouvernements ont compris que ce que visaient les attentats, ce n'était pas seulement la superpuissance américaine, mais la totalité du mode de vie de l'Occident, sa philosophie, son système politique, ses libertés.
La violence, l'étendue et la machiavélique perversité du crime témoignent des ambitions démesurées des assassins : pratiquement, c'est la société mondiale qu'ils veulent mettre à genoux et, sans doute, islamiser un jour. N'oublions pas que Mouammar Kadhafi a déjà envisagé la conversion des Européens à l'islam. Pour nous, le choc est si rude que les projets issus de la démence de ces hommes nous sembleraient presque crédibles.
Une solution lointaine
D'abord, ils ont incontestablement réussi dans leur entreprise, en déjouant tous les systèmes de protection américains ; ensuite, et c'est un très vaste problème qu'on ne résoudra pas avant longtemps, il est extrêmement difficile de les combattre.
On pouvait penser que, face à une tragédie de cette dimension historique et humaine, la condamnation serait universelle. Elle l'est dans le sens où il n'y pas de gouvernement qui compte, de corps constitué, de groupe religieux, national ou ethnique qui n'ait exprimé sa consternation ou son accablement.
Certes, la bêtise individuelle, qui s'exprime dans ce genre de circonstances, a causé des dommages : des actes d'intolérance ou de brutalité aux Etats-Unis ou au Canada contre des musulmans. Et il est bon que George W. Bush ait souligné que les Américains ne devaient pas se retourner contre leurs compatriotes musulmans, répondant ainsi à l'appel de la communauté arabe et islamique des Etats-Unis.
Les petits débats
On n'accordera pas non plus le moinde crédit à ceux qui, ici ou là, ont montré une joie malsaine ; on ne tiendra pas compte des conversations de comptoir où les solutions apocalyptiques sont envisagées. On ne se fâchera pas de ce que des représentants de l'extrême gauche française, accablés par le coup porté à leur analyse, s'y accrochent quand même par cet artifice du raisonnement qui permet d'attribuer la responsabilité du crime à la victime.
On admet sans difficultés que la solidarité immédiatement accordée aux Américains ne doit pas impliquer qu'il faille s'aligner, dans les semaines qui viennent, sur toutes leurs décisions, car leur souffrance est assez intolérable pour les conduire à des actions mal calculées.
Tout cela, la compassion mêlée d'inquiétude sur un avenir qui s'annonce sombre parce qu'il sera encore fait de violence et de mort, relève de la libre expression, c'est-à-dire de ce que les terroristes croient pouvoir détruire et qu'il faut donc à tout prix sauvegarder.
En revanche, on ne peut avoir aucune indulgence pour ceux dont l'analyse est tellement subtile qu'elle leur fait dire des énormités. On a lu des articles, écrits par des chercheurs, qui équivalent presque à une absolution de la violence la plus monstrueuse. On a vu aussi des comportements où la démagogie et l'hyprocrisie ajoutaient à la douleur des victimes une touche ultime de venin, par exemple quand Yasser Arafat a fait don de son sang et organisé des manifestations en faveur de l'Amérique pour faire oublier le premier réflexe des Palestiniens qui ont applaudi au massacre.
Mais même l'attitude de M. Arafat, soudain tombé dans le piège des violences qu'il a déchaînées, est compréhensible : c'est sa propre vie et sa cause qu'il joue dans l'affaire et il aura beaucoup de mal à faire un rétablissement.
Ce qui nous semble plus grave, c'est qu'il y ait encore des intellectuels pour nous dire que rien ne se serait produit si les Israéliens avaient fait la paix avec les Palestiniens et si les Américains ne les avaient pas soutenus dans leurs choix (ce qui, déjà, n'est pas tout à fait vrai). Ce sont les mêmes qui, depuis des années ou des décennies, désignent deux boucs émissaires, le sionisme et l'impérialisme américain. Ce sont les mêmes qui, par leurs déclarations répétées, ont encouragé ce qu'ils appellent le désespoir des kamikazes en puissance jusqu'au jour où les « fous d'Allah » sont passés aux actes.
Comme ils ne veulent pas porter la moindre responsabilité dans le cataclysme, ils se présentent aujourd'hui comme les prophètes du malheur, ceux qui savaient tout, avaient déjà tout compris, tout prévu et dont on n'a pas écouté les mises en garde.
Une réponse
Alors, il faut bien leur répondre : concernant Israël, l'ambition affichée des mouvements terroristes connus, repertoriés et qui ont pignon sur rue n'a jamais été la libération des territoires, mais la suppression pure et simple de l'« entité sioniste ». L'ambition irrécusable de ceux qui ont attaqué les Etats-Unis n'avait rien à voir avec Israël : ce n'est pas une manifestation périphérique de l'impérialisme américain qu'ils ont attaquée, mais l'Amérique elle-même, son modèle de société, ses libertés, son économie, ses habitants, dont ils jugent qu'aucun n'est innocent dès lors qu'il est américain, le triomphe de ses technologies que, d'ailleurs, ils ont efficacement transformées en armes contre la république qui les avait inventées et dont elle était si fière.
En outre, chaque fois qu'un espoir de paix émergeait au Proche-Orient, il était salué par une très vive recrudescence du terrorisme. Ce n'est donc pas de faire la guerre aux Palestiniens que les terroristes reprochent à Israël, ce sont ses efforts en direction d'une paix qui assurerait la stabilité de la région.
C'est très facile de dire, au vu des violences, que les Israéliens sont d'impénitents colonialistes. Mais lorsque Shimon Peres, colombe d'entre les colombes, s'est présenté contre Benjamin Netanyahou, l'homme de la droite, des attentats à Tel-Aviv et des attaques du Hezbollah au Liban ont assuré sa défaite ; lorsqu'Ehud Barak a fait ses ultimes concessions à Taba, Yasser Arafat les a rejetées, déclenché l'intifada et libéré des leaders palestiniens qui ont organisé des attentats meurtriers contre des civils. Ici même dans ces colonnes, nous critiquons Ariel Sharon parce qu'il n'a pas de plan politique. Mais Peres, Barak en avaient un. A quoi a-t-il servi ?
Et si l'on examine l'histoire des relations entre Israël et les Palestiniens au cours des trente dernières années, on voit que le programme officiel de l'OLP jusqu'en 1993 (et même un peu au-delà) prévoyait la suppression d'Israël. Ce n'est pas parce que les dirigeants palestiniens le disaient qu'ils ne le faisaient pas. Les actes de terrorisme contre Israël sont innombrables depuis trente ans, depuis l'assaut contre les athlètes israéliens aux jeux Olympiques de Munich (1972) jusqu'aux prises d'otages sanglantes dans des écoles, en passant par les avions détournés.
Aussi, quand le roi de Jordanie dit en substance que tout ça, c'est la faute d'Israël, il fait un dangereux raccourci. Les kamikazes de mardi dernier n'étaient pas désespérés à cause du sort réservé aux Palestiniens, c'étaient des hommes heureux de mourir. Ils voulaient éliminer tous les Israéliens (et probablement tous les Juifs) et remporter une victoire sur les Américains. Ce n'est pas la négociation et la paix que recherchent ces brutes, c'est l'élimination de leurs adversaires ; ce n'est pas un accord qu'ils souhaitent, c'est un triomphe militaire.
Bush à l'épreuve
George W. Bush n'est peut-être pas le plus inspiré des leaders, encore que l'épreuve puisse forger son caractère et le pressurer suffisamment pour faire sortir de lui une once de génie. Quand il nous offre un cliché sur la bataille entre le Bien et le Mal, il n'invente pas la Lune. Ce qu'il veut dire, c'est que notre nouvel ennemi ne cherche pas à conquérir des droits mais à nous asservir. Nous avons le choix : nous pouvons continuer nos petites vies et le laisser faire, jusqu'au moment où il finira par nous imposer sa loi ; ou nous dresser contre lui, tout de suite, sans hésitation, comme autrefois, quand il a fallu s'opposer à l'hitlérisme. Avant que ces « salauds », comme les appelle Bernard Kouchner, disent au monde comment il doit vivre et à ces brillants intellectuels auxquels ils inspirent de si belles idées comment ils doivent penser.
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