Comment Sarkozy conduit son action

Les ratés de la machine

Publié le 03/06/2007
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C'EST LA RUPTURE, incontestablement, à la fois dans le style, les personnes et les mesures. Mais c'est aussi la continuité : par exemple, ce n'est pas le nouveau chef de l'Etat qui a fait baisser le chômage en avril. Le fameux état de grâce qu'une opposition, rendue plus hargneuse encore par de sombres perspectives, refuse d'accorder à M. Sarkozy est créé par le climat : une forte popularité, apparemment supérieure à celle qui l'a placé à l'Elysée, l'autorise à progresser au pas de charge et à noyer dans son indifférence les critiques multiples qui lui sont adressées des quatre points cardinaux.

Qu'on le veuille ou non, l'Elysée a réussi à améliorer les relations du pouvoir avec les syndicats de travailleurs qui, tout en exprimant les réserves d'usage, ont silencieusement accepté d'entrer dans son jeu, alors que personne n'aurait été surpris qu'ils fassent barrage.

Sans doute le gouvernement, notamment François Fillon, spécialiste de la réforme, a-t-il fait quelques petites concessions pour mettre ses interlocuteurs à l'aise et entend-il laisser toute sa place à la négociation sociale pour n'intervenir qu'en cas de blocage. Mais nous avons tous remarqué la prudence avec laquelle même la CGT s'exprime sur des sujets qui, naguère, embrasaient les syndicats. Un peu comme si Bernard Thibault comprenait que les temps changent et que le mouvement syndical ne peut pas s'accrocher indéfiniment à des privilèges d'une autre époque.

Il n'y a pas d'optimisme naïf à constater que le dialogue gouvernement-syndicats aurait pu commencer plus mal.

LA MAJORITE UMP A L'ASSEMBLEE NATIONALE POURRAIT ETRE PLUS ELEVEE QUE LA MAJORITE SORTANTE

Arbitrages.

Il est vrai que les arbitrages sur les compétences respectives des ministres ont donné lieu (c'était inévitable) à des frictions entre eux : il est vrai aussi que le florilège des décisions, toutes adoptées à un rythme inégalé par le passé, a créé une confusion dans les déclarations officielles. Mais on voit fort bien que le mouvement est plus fort que les ratés de la machine, que la dynamique aplanit les différends.

D'autres avancées, comme la défiscalisation des intérêts sur l'achat d'un logement, ont été littéralement pourfendues non seulement par la gauche, mais par les experts. Si c'était une aussi mauvaise idée, elle ne serait pas appliquée un peu partout ailleurs et autrefois chez nous ; la gauche dit qu'elle va faire monter les prix : c'est un risque, mais le marché de l'immobilier, qui donne des signes de ralentissement, avait peut-être besoin d'un coup de pouce.

En revanche, la commande de 80 Airbus 350 par le Qatar ressemble à un coup de chance, sauf si c'est le résultat d'un lobbying intense de la France. Ce n'est pas tant la commande qui compte que le destin qu'elle assure à un avion de ligne qui n'existe encore que sur les plans et risquait de ne pas voir le jour. On devine aussi le soulagement qu'une telle commande apporte à Airbus, à Eads, à toute l'aéronautique européenne.

Les pronostics.

En dépit des nombreux avis négatifs qui ont été exprimés sur le mode de gouvernement de Nicolas Sarkozy, il règne sans partage. « Le Figaro » a publié un sondage selon lequel l'UMP et ses alliés pourraient obtenir 42 % des voix au premier tour (contre 27 % à la gauche non communiste) et au moins 410 sièges à l'Assemblée nationale, 55 de plus que pendant la dernière législature. L'opposition peut donc mesurer l'inefficacité de ses attaques. Par rapport au précédent sondage du « Figaro », celui de jeudi dernier faisait état d'une progression de 2 % des voix accordées à l'UMP. Si le gouvernement était aussi mauvais et dangereux qu'on nous le dit, les électeurs ne lui accorderaient pas un nombre plus élevé d'opinions favorables.

Les transfuges se portent bien.

On nous avait promis en outre un éclatement du gouvernement entre droite et transfuges de la gauche. On n'en décèle pas les prémices. Bernard Kouchner a déjà changé le ton de la France. Il est plus sévère que la diplomatie chiraquienne pour le régime militaire birman, il s'efforce de créer un canal de secours pour le Darfour, il réaffirme le soutien de la France au Liban (reprenant cette fois à son compte l'attitude de Jacques Chirac). A six jours des législatives, on annonce que le moral des ménages a fait un bond de neuf points en avril et que le chômage a encore reculé (à 8,2 %). M. Sarkozy pourrait remercier Dominique de Villepin et Jean-Louis Borloo pour leur action au sein du gouvernement précédent. Voilà pour la continuité. Pour la rupture, attendez-vous à d'autres décisions surprenantes.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8177