LE RAPPORT sur la médecine générale de l'Observatoire national de la démographie médicale ne devait être rendu public que courant mars. Mais la tenue des états généraux de l'offre de soins (EGOS) a incité le Pr Yvon Berland, président de l'ONDPS – et pilote de ces EGOS –, à en diffuser une première version, car «il est apparu important de mettre les données recueillies à la disposition de la réflexion qui est menée», indique-t-il en préambule de ce document. La version définitive, enrichie «d'un certain nombre de précisions, voire de corrections», sera publiée dans deux mois.
Malgré ces précautions d'usage, le prérapport tel qu'il se présente aujourd'hui formule des observations qui font mouche. S'il souligne en préambule que «la médecine générale constitue, depuis la loi du 13août 2004, le pivot du parcours de soins», c'est pour constater juste après que «la stagnation du nombre de médecins généralistes libéraux de premier recours traduit une moindre attractivité de cet exercice. Les processus qui alimentent cette situation sont divers», mais «la sortie de cet exercice est structurellement encouragée». Certes, ce diagnostic est fait depuis longtemps par les médecins libéraux et par les étudiants eux-mêmes, par exemple lorsqu'ils ont constaté que plus de 500 postes de médecine générale étaient restés vacants à l'issue des ECN (épreuves classantes nationales) de juin dernier. Mais c'est aujourd'hui le très officiel rapport du très officiel ONDPS qui l'écrit noir sur blanc, à l'heure où se tiennent les EGOS.
Un métier mal défini.
Pour l'Observatoire, l'encouragement structurel à ne pas (ou ne plus) choisir l'exercice libéral de la médecine générale est par exemple illustré par «le grand nombre de formations complémentaires offert aux diplômés de médecine générale». Des diplômes dont le contenu n'est pas homogène d'un lieu de formation à un autre, et dont la complémentarité avec le DES ou les DESC «peut poser problème».
De la même manière, note l'ONDPS, «le métier de médecin généraliste de premier recours n'est pas aussi précisément défini que le métier des autres spécialistes». Et pour les auteurs du rapport, la lisibilité de l'exercice de médecin généraliste est d'autant plus affaiblie que les étudiants en médecine «ne le découvrent que tardivement au cours de leur cursus». Certes, ajoute le rapport, un ensemble de mesures a été mis en place récemment pour revaloriser la médecine générale, mais «les efforts ont davantage porté sur la définition d'un statut que sur celle du métier et des conditions de travail de ceux qui l'exercent». Si bien que ces évolutions n'apparaissent pas de nature à rendre l'exercice de premier recours lisible, «ni pour les étudiants en médecine ni pour les autres spécialistes avec lesquels les médecins traitants sont appelés aujourd'hui à coordonner les soins».
Pour l'ONDPS, un autre sujet d'inquiétude est lié au fait que, selon ses chiffres, si le nombre de médecins en activité titulaires d'un diplôme de médecine générale a augmenté de 10,8 % entre 1995 et 2005, un grand nombre d'entre eux se sont orientés au cours de la même période vers un autre exercice que celui du premier recours : le nombre d'omnipraticiens à exercice libéral et mixte n'a en effet crû que de 0,1 % (l'ONDPS parle à ce sujet de «quasi-stagnation»), alors que dans le même temps les omnipraticiens à exercice salarié (hospitaliers et non hospitaliers) ont vu leurs effectifs croître respectivement de 29 et 19,6 % (voir tableau). Pour l'Observatoire, «l'attrait pour le salariat est une tendance déjà bien installée».
Statistiques plombées.
Mais il y a plus car, selon l'ONDPS, le nombre de médecins à exercice particulier (MEP) plomberait encore les statistiques. Dans certains départements, en effet, leur proportion dépasserait les 15 %, diminuant d'autant le nombre de médecins généralistes libéraux de premier recours.
Enfin, le rapport note avec regret que le cadre libéral dans lequel s'exerce la médecine générale de premier recours n'est pas enseigné aux étudiants en médecine avant leur choix de spécialité. Un stage de sensibilisation de 2e cycle a bien été mis en place, mais un an après l'arrêté de novembre 2006 qui en dessinait les contours, «moins de 10% des étudiants de quatrième et cinquième année ont pu suivre ce stage». Ce qui fait conclure à l'Observatoire : «L'exercice libéral est une modalité d'exercice peu connue des jeunes médecins, et leur formation ne les y prépare pas.»
Plus le généraliste est âgé, moins il a de patients
Selon les chiffres de l'Observatoire de la démographie, «le nombre de patients a tendance à décroître avec l'âge du praticien, quel que soit le secteur conventionnel ou la compétence de l'omnipraticien». Entre 25 et 30 ans, un généraliste de secteur I aura ainsi en moyenne 1 505 patients, un nombre qui augmentera jusqu'aux 40 ans du praticien, avec en moyenne 1 673 patients. A partir de cette date, son nombre moyen de patients va décroître lentement, pour atteindre 1 343 patients à l'horizon de ses 65 ans.
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