«LES RÉSULTATS de notre étude pourraient aider à expliquer pourquoi les virus H5N1 entraînent des maladies si sévères, souvent fatales, chez les humains», explique au « Quotidien » le Dr Menno de Jong, chercheur à l’unité de recherche clinique d’Oxford à Hô Chi Minh-Ville (Vietnam), qui a dirigé ce travail. «Nos observations suggèrent que le virus H5N1 se réplique à des niveaux très élevés (supérieurs à ceux du virus de la grippe humaine) dans le pharynx et plus bas dans les voies respiratoires et que ces taux importants de virus déclenchent une réponse inflammatoire extrêmement intense. »
«Des lésions étendues des poumons –et peut-être d’autres organes– sont probablement causées par les effets directs du virus (qui est présent en grande quantité) ainsi que par la réponse inflammatoire intense développée vis-à-vis du virus par l’individu infecté. »
Du virus dans le sang chez les sujets décédés.
«Nous avons trouvé les taux les plus élevés de virus respiratoires, ainsi que de cytokines (des médiateurs immunitaires qui peuvent causer des dégâts à des concentrations élevées), chez les patients qui sont décédés de la grippe aviaire, ce qui laisse supposer que l’issue clinique de l’infection est directement liée à la quantité de réplication virale dans l’organisme et à l’intense réponse immune qui en résulte. »«Nous avons pu détecter également le virus dans le sang de la majorité des patients H5N1, mais uniquement chez ceux qui sont décédés de l’infection. Chez ceux qui ont survécu, le virus n’a pas pu être détecté dans le sang», poursuit le Dr de Jong. «Le virus trouvé dans la circulation sanguine est très probablement capté durant le passage du sang dans les poumons, lieu où survient le maximum de réplication virale (presque tous les patients ont une pneumonie). En d’autres termes, la présence du virus dans la circulation sanguine pourrait être une conséquence directe des taux élevés de virus dans le site d’infection le plus important (poumons) et reflète une importante charge corporelle globale de virus dans les cas fatals. »
«La présence de virus dans le sang indique que le virus est tout à fait capable de se disséminer à travers l’organisme (comme il le fait chez les poulets et les autres animaux) mais, malheureusement, nous n’avons toujours pas de preuve d’infection virale et de réplication dans d’autres organes que les poumons. Cela vient du fait qu’il n’a été pratiqué, dans cette région, aucune étude post mortem chez des patients H5N1 pour des raisons culturelles. »
«Nos observations ont des répercussions thérapeutiques. Puisque des taux élevés de réplication virale, et la réponse inflammatoire consécutive, jouent un rôle central dans le développement de la maladie grippale souvent fatale, stopper la réplication virale aussi fort et aussi tôt que possible, de manière à prévenir la réponse immune intense, offrira la meilleure chance de succès. Le paradigme “frapper fort et frapper tôt“, qui a été utilisé pour le traitement du VIH/sida, est probablement très vrai pour la grippe H5N1 (et les autres formes de grippe sévère). »
Reconnaissance précoce et diagnostic rapide.
«Une reconnaissance précoce et un diagnostic rapide de la grippe H5N1 sont donc essentiels», souligne le Dr de Jong. «Des efforts pour construire des capacités de laboratoire dans les régions rurales affectées par la grippe aviaire et pauvres en ressources sont clairement importants, ainsi que des efforts pour développer des tests diagnostiques rapides, sensibles et simples. En effet, la plupart de nos patients se sont présentés à l’hôpital relativement tard dans le cours de l’infection, ce qui était dû en partie à leur origine provinciale éloignée dans le sud du Vietnam ainsi qu’à un délai d’orientation. »
«Etant donné le rôle de la réponse immune dans la gravite de la maladie, des options thérapeutiques supplémentaires peuvent comprendre des agents modulant ou atténuant la réponse inflammatoire. Cette stratégie mérite certainement plus de recherche. »
«D’un point de vue pratique, un important résultat pour les cliniciens est que le prélèvement de gorge représente un meilleur matériel clinique pour diagnostiquer la grippe H5N1 que le prélèvement nasal; ceci est important à savoir puisque l’inverse est vrai pour la grippe humaine régulière. Une observation également importante pour les cliniciens est que nous pouvons détecter le virus dans des prélèvements rectaux, ce qui laisse penser que des sécrétions gastro-intestinales pourraient être infectieuses; cela doit être pris en compte dans les mesures de contrôle d’infection.»
« Nature Medicine », 10 septembre 2006, de Jong et coll., DOI : 10.1038/nm1477.
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