Un entretien avec le Dr Brigitte Séradour*

Les radiologues libéraux, pivots du dépistage organisé du cancer du sein

Publié le 17/12/2003
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Plusieurs fois annoncée par les pouvoirs publics, la généralisation du programme de dépistage du cancer du sein interviendra en janvier 2004. Ce retard s'explique par la complexité du programme et la difficulté de sa mise en œuvre. Il a fallu l'obligation de la généralisation par l'Etat pour arriver à convaincre l'ensemble des départements de s'organiser. L'évaluation des résultats obtenus dans les 32 départements inclus jusqu'alors dans le programme national de dépistage (sur la base du volontariat), effectuée en 2000, a mis en évidence une participation trop faible des femmes, avec en moyenne 43 % de la cible atteinte. Si l'on ajoute celles qui étaient dépistées à titre individuel, cette proportion dépasse 60 % dans de nombreux départements. La réticence des femmes à adhérer au dépistage organisé peut être due à une impression de médecine de moindre qualité par rapport au dépistage individuel.
Des dispositions ont été prises afin d'améliorer la situation. Tout d'abord l'élargissement de la tranche d'âge concernée : initialement de 50 à 69 ans, elle est désormais de 50 à 74 ans. Il a, en effet, été constaté que les 70-74 ans échappent au dépistage individuel. Or ces femmes sont une population dans laquelle l'incidence du cancer du sein est élevée. Deuxième changement dans le programme : la périodicité des mammographies, devenue bisannuelle. Le nouveau cahier des charges impose également la réalisation d'au moins deux clichés par sein, voire plus si nécessaire, contre un seul précédemment. Il prévoit un examen de la patiente par le radiologue dans des conditions similaires à celles de la pratique médicale individuelle. Celle-ci est informée, le jour même, du résultat provisoire de la mammographie et de la pratique d'une deuxième lecture des clichés par un radiologue expert en cas d'examen négatif. Dans la majorité des pays, entre 10 et 20 % des cancers sont détectés uniquement par le deuxième lecteur. Il faut savoir que les petites tumeurs sont beaucoup plus difficiles à détecter dans les seins denses, que cette densité soit naturelle ou accentuée par une hormonothérapie estroprogestative. En revanche, les autres traitements de la ménopause n'ont pas d'effets connus sur les résultats de la mammographie. Enfin, si une anomalie est détectée, la femme bénéficie d'un bilan diagnostique immédiat (environ 10 % des cas) afin d'initier la prise en charge le plus rapidement possible. Cette mesure permet d'éviter l'anxiété liée à l'attente des résultats définitifs.

Efficacité prouvée

Le doute sur l'intérêt du dépistage mammographique du cancer du sein, évoqué dans une étude anglo-saxonne publiée en 2000 dans « The Lancet » (G[191]tzsche et Olsen), a été définitivement levé par un groupe de travail réuni par le Centre international de recherche sur le cancer de Lyon (CIRC). Les experts internationaux ont relevé des biais méthodologiques dans cette étude et, à partir de l'analyse des données des essais cliniques sur ce sujet, concluent à l'efficacité des programmes de dépistage organisé par mammographie chez les femmes à partir de 50 ans.
La mammographie analogique reste le « gold standard » pour le dépistage du cancer du sein. Jusqu'à présent, tous les pays qui utilisent la mammographie numérique le font à titre diagnostique, ou dans un cadre expérimental. Pour le dépistage organisé, cette technique n'est répandue ni aux Etats-Unis ni en Europe. Les bénéfices de la mammographie numérique n'ont pas encore été démontrés en pratique clinique, en particulier en terme de sensibilité (nombre de cancers détectés) ou de doses d'irradiation. Beaucoup de réponses seront sans doute apportées en 2004-2005 par l'étude multicentrique américaine (DMIST). Des expériences pilotes ont été lancées dans plusieurs pays. En France, des études pourront être mises en place avec le nouveau cahier des charges. Les appareils devront d'abord être soumis à l'application du protocole européen de contrôle de qualité. Enfin, une évaluation du rapport coût/efficacité de la mammographie numérique devra être initiée dans le contexte français avant d'encourager son utilisation pour le dépistage organisé.

* Association pour le dépistage des cancers du sein (ARCADES), hôpital de la Timone, Marseille.

Dr Catherine FABER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7449