O N a commencé à parler du « don partiel d'ovule » en 1997, dans le « Lancet » : chez une femme infertile (six ans et demi d'insuccès, quatre échecs de fécondation assistée) du fait d'un cytoplasme ovocytaire (ooplasme) de mauvaise qualité, l'équipe de Jacques Cohen (Etats-Unis) a réalisé un transfert d'ooplasme de donneuse, ce qui a permis d'obtenir une grossesse et la naissance d'une petite fille. (« Lancet » du 19 juillet 1997, lettre).
Ensuite, en octobre 1998, des chercheurs new-yorkais annonçaient la mise au point d'une autre technique : l'introduction du noyau d'une mère infertile dans le cytoplasme de l'ovocyte énucléé d'une donneuse.
Les techniques de transfert d'ooplasme ou de noyau représentaient une piste de recherche pour les mères infertiles du fait d'un cytoplasme insuffisant ou pour les couples dont les enfants risquent d'être atteints de gravissimes maladies de l'ADN mitochondrial, dont certaines sont létales et d'autres entraînent des troubles neuromusculaires très sévères.
Un problème était d'emblée soulevé : la coexistence, dans un même uf, d'ADN provenant de deux femmes : l'ADN nucléaire de la mère et l'ADN mitochondrial des deux femmes. Et certains parlaient de risque de dérive vers le clonage.
C'est dans ce contexte qu'est publiée, dans « Human Reproduction » (mars 2001), un travail signé par l'équipe de Jacques Cohen (Jason Barritz et coll., Institute for Reproductive Medicine and Science of Saint Barnabas, West Orange, New Jersey)), sous le titre : « Les mitochondries chez les enfants dérivés de transplantation d'ooplasme ».
« Le transfert d'ooplasme d'ovocytes d'une donneuse fertile dans des ovocytes de receveuses potentiellement compromises a conduit à la naissance de près de trente bébés dans le monde », écrivent les auteurs.
Hétéroplasmie mitochondriale
« La transplantation cytoplasmique a provoqué des craintes, puisque le mélange d'ooplasme humain de deux sources maternelles peut générer une hétéroplasmie mitochondriale (à la fois l'ADN mitochondrial de la receveuse et de la donneuse) chez l'enfant. » Le travail de l'équipe de Cohen a consisté à tracer la population mitochondriale à la fois pendant le transfert d'ooplasme et dans le sang de deux enfants âgés de 1 an, utilisant l'empreinte de l'ADN mitochondrial. Résultat : on a trouvé une hétéroplasmie dans le sang de chaque enfant. « Ce travail représente le premier cas de modifications génétiques germinales chez des enfants normaux sains », indiquent les auteurs.
Des craintes
Annoncée par la BBC vendredi après-midi, cette nouvelle a fait resurgir la crainte des « bébés génétiquement modifiés » (ce dont le Dr Cohen se défend) et, par là, le spectre du clonage.
Ainsi, le HFEA britannique (Human Fertilization and Embryology Authority) a fait savoir que cette technique n'est pas autorisée au Royaume-Uni en raison des incertitudes qu'elle comporte, notamment la possible altération de la lignée germinale. Condamnation également de la part de chercheurs canadiens et américains. Aux Etats-Unis, le Recombinant DNA Advisory Committee a fait savoir que les chercheurs ont conduit ces travaux sans financement gouvernemental.
« Human Reproduction », vol. 1, n° 3, 513-516, mars 2001.
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