Mission parlementaire sur la grippe aviaire

Les questions qui restent sans réponse

Publié le 14/06/2006
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APRÈS NEUF MOIS d’investigations tous azimuts, la mission d’information parlementaire sur la grippe aviaire, composée de 31 députés, rendra public son rapport le 28 juin prochain. En avant-première, son rapporteur, le Dr Jean-Pierre Door (UMP, Loiret), livre quelques conclusions sous forme de questions restées sans réponse après (ou malgré) une gestation de neuf mois. Avec le délégué interministériel à la préparation à la pandémie, le Pr Didier Houssin, un scientifique de référence en la personne du Pr François Bricaire (chef du service des maladies infectieuses à la Pitié) et Jean-Luc Angot, directeur général adjoint de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), il dresse un panorama, en France et à l’international, où subsistent de nombreux sujets de perplexité, sanitaires, scientifiques et politiques :

Quelle sera la virulence du virus muté (si mutation il y a) ?

Si le H5N1 dans sa forme aviaire expose les hommes contaminés à une létalité élevée, de l’ordre de 50 % par rapport aux seuls cas déclarés, «nous ne sommes pas capables de répondre aujourd’hui à la question de la virulence du virus muté qui exposera à des contaminations interhumaines», souligne le Pr Bricaire. «Si l’on prend la référence de l’accident pandémique le plus important qui soit connu, celui de la grippe dite espagnole de 1918, le taux de mortalité pourrait être de 1 à 3%; mais, dit l’infectiologue, on n’est pas obligé de s’enfermer dans un scénario catastrophe et il ne saurait être exclu que le virus, en s’adaptant à l’homme, perde de sa virulence, pour retomber à des niveaux analogues à ceux d’une banale grippe saisonnière.»

Comment le virus aviaire se propage-t-il à travers les continents ?

La preuve n’a toujours pas été faite de l’unique responsabilité de l’avifaune sauvage. Et, observe Jean-Luc Angot, «dans la survenue de la pandémie en Afrique, on a maintenant établi que le premier élevage contaminé, au Nigeria, en janvier dernier, l’avait été par l’intermédiaire de poussins importés de Turquie ou de Chine (au mépris des interdictions d’exportation) ». A ce jour, les seuls cas connus d’oiseaux infectés par le H5N1 dans sept pays d’Afrique concernent d’ailleurs des élevages et non des migrateurs.

Comment réussir à activer une police sanitaire mondiale ?

Pour la détection, le signalement et la prise en charge, 140 pays sur 167 restent dépourvus de toute police sanitaire. L’OMS ne disposant quant à elle que de moyens d’alerte, le Dr Door souligne qu’ «une forme d’ingérence en santé publique serait souhaitable, dans l’attente de l’entrée en vigueur, en 2007, du règlement sanitaire international». Et le rapporteur de noter que, en plus des pays qui n’ont pas les moyens d’une politique sanitaire, certains Etats choisissent délibérément de cacher les cas dont ils ont connaissance sur leurs territoires. A quoi s’ajoutent d’autres manquements en matière de transparence scientifique, liés à des organismes scientifiques, tel le CDC d’Atlanta, qui s’approprient des souches recueillies sur les patients au lieu de les échanger.

Comment garantir l’organisation des soins contre les débordements de toutes natures ?

Les phénomènes de panique liés à l’entrée dans une phase pandémique ne manqueraient pas d’occasionner des dommages de diverses natures, en particulier liés à des choix éthiques. Parmi les sujets d’interrogation, le Pr Houssin mentionne : le degré d’engagement des professionnels de santé, selon les conditions d’exercice ; les modalités de répartition des ressources rares, car même si les masques et les antiviraux sont en nombre suffisant, lorsqu’un vaccin sera élaboré, la question des premières personnes à vacciner devra être tranchée. De même, le tri pour les admissions hospitalières devra être effectué selon des critères qu’il faut déterminer ; les restrictions des libertés individuelles (circulation, mise à l’isolement…) ; la protection des personnes les plus vulnérables (personnes âgées, handicapés…).

Parmi les questions qui préoccupent particulièrement les parlementaires, celle d’un possible absentéisme des personnels soignants est évoquée par le Dr Door, qui souhaite la création, au sein de chaque communauté de communes, d’un référent pandémie aviaire, sur le modèle de ce qui a été instauré dans le cadre du plan Canicule, de manière à garantir un maillage efficace du territoire, tenant compte de toutes les disparités de terrain.

Au sujet de la FMC grippe aviaire, le Pr Houssin, répondant aux inquiétudes exprimées par plusieurs organisations syndicales, assure que la totalité des personnels de santé devrait avoir reçu une proposition de formation avant la fin de l’année, aucune obligation formelle ne s’imposant en la matière aux libéraux. En outre, un corps de réserve sanitaire devrait être constitué, qui comprendra de jeunes retraités, des étudiants en fin d’études, mais aussi des infirmier(e)s et des kinésithérapeutes, pour garantir un bon niveau de mobilisation.

> CHRISTIAN DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7979