A U terme de trois mois de travail et d'une soixantaine d'auditions dans le monde de la santé, les quatre « sages », désignés par Elisabeth Guigou pour conduire une mission de concertation sur la rénovation des soins de ville, ont rendu leur copie.
Ce document de 25 pages tente de faire la synthèse des nombreuses réflexions actuelles, parfois convergentes, des différents acteurs du système de soins afin de « dégager un diagnostic partagé » sur l'avenir des soins de ville et du système conventionnel. Les quatre experts suggèrent surtout au gouvernement une batterie de mesures concrètes, beaucoup plus incitatives que pénalisantes pour les professionnels de santé libéraux. « Si les gens laissent leurs couteaux au vestiaire, la plupart de ces mesures pourraient être acceptées », assure Bernard Brunhes, un des quatre sages, qui espère « apporter la paix dans le secteur des soins de ville ».
Voici les propositions dans le détail.
Augmenter la valeur du C
Valoriser le rôle du généraliste
La mission constate le « large consensus » pour assigner au généraliste une place privilégiée dans la coordination des soins et l'orientation du patient. Une fonction qui doit être « valorisée ». Les sages jugent souhaitable un « rapprochement progressif des revenus entre généralistes et spécialistes » qui pourrait être obtenu, d'une part, par l'augmentation du C et, d'autre part, par la mise en place de mécanismes forfaitaires « rétribuant des engagements de qualité ou des activités d'intérêt général auxquels les généralistes, en proportion supérieure aux spécialistes, sont susceptibles d'adhérer ».
Privilégier les mécanismes incitatifs de rémunération au forfait
Sans aller jusqu'au paiement à la capitation, le rapport des sages plaide très clairement pour la mise en place d'un système « mixte », qui associe paiement à l'acte et mode de rémunération forfaitaire.
La mission propose ainsi plusieurs pistes d'introduction de forfait dans la rémunération : pour la participation aux gardes, reconnue comme une mission de service public ; pour la participation aux activités collectives de prévention ; pour la fonction de coordonnateur au sein d'un réseau de santé ; pour la gestion du dossier médical de synthèse (dont la mission suggère la création avec libre choix du médecin coordonnateur par le patient).
Les sages estiment également que l'engagement des professionnels de santé dans des actions de bonnes pratiques (prescription de génériques, suivi d'un cycle d'évaluation, animation de sessions de formation, etc.) pourrait être rémunéré « par un forfait versé une fois l'an ».
Objectifs pluriannuels
Convention à trois étages et suppression programmée du secteur II
La mission fait le constat du caractère moribond de la convention actuelle, jugée rigide et uniforme. Elle préconise une architecture conventionnelle, réellement novatrice, en trois étages.
Le premier poserait les règles et les grands principes applicables aux rapports entre les professionnels de santé et l'assurance-maladie. Ce socle commun, fixé par voie réglementaire, formerait « la charte des métiers de santé ».
Le deuxième étage distinguerait pour chaque profession, voire chaque spécialité médicale, « les dispositions qui lui sont propres ». C'est à ce niveau de négociation (avec les syndicats) que seraient fixés notamment les tarifs des actes. Pour les sages, cet étage doit aussi permettre de mieux prendre en compte « l'activité réelle » de chaque profession.
Enfin, le troisième échelon, qui correspond en quelque sorte à un choix à la carte pour les médecins volontaires, permettrait la signature de « contrats individuels sur des engagements particuliers de bonne pratique », avec à la clé les avantages de rémunération forfaitaire précités.
Pour la mission, ce dispositif conventionnel « ne peut s'opérer qu'avec la suppression, au besoin progressive, du secteur à honoraires libres, afin de préserver l'attractivité du troisième étage de la convention ».
Abandon des lettres clés flottantes et ONDAM « pluriannuel »
« Le système de régulation des dépenses, c'est ce qui a fait exploser la marmite à la fin de l'année 2000 ! », rappelle justement un des sages.
La mission propose « dans l'immédiat de surseoir aux mesures correctrices quadrimestrielles, afin de permettre l'engagement de discussions (...) ». En clair, il est conseillé à la ministre de renoncer au système de maîtrise actuel, honni par la profession, qui permet, théoriquement, au gouvernement de modifier trois fois par an les tarifs des actes médicaux et paramédicaux.
Pour autant, les sages n'abandonnent pas toute régulation des soins de ville. Ils proposent de conserver l'Objectif de dépenses déléguées (ODD, géré par la CNAM, qui regroupe aujourd'hui les honoraires et les transports sanitaires) et de l'étendre au médicament, actuellement sous la coupe de l'Etat. La mission juge essentiel de conserver un suivi infra-annuel des dépenses mais, précise-t-elle, « il n'est pas sain que les ajustements (de tarifs) soient faits trop fréquemment et unilatéralement ».
Pour les sages, c'est dans le cadre d'une négociation annuelle des tarifs qu'il faudrait tenir des comptes des écarts constatés entre les objectifs fixés, « réalistes », et les dépenses effectives. Concrètement, dans ce système, des baisses de tarifs des actes seraient toujours possibles, mais sans doute exceptionnelles. Quant au niveau de l'Objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM), qui constitue un « motif d'incompréhension pour les professionnels », la mission juge nécessaire de le fixer de manière « pluriannuelle et crédible », dans le cadre d'une loi sanitaire sur cinq ans. Cet ONDAM, précise encore le rapport, devra traduire des choix et priorités de santé publique.
Création d'un conseil national de la santé
La mission estime que la nécessité d'une parole incontestée dans le champ de la santé justifie la création d'un « conseil national de la santé ». Cette instance pourrait établir le lien entre la réflexion sur les priorités de santé et la détermination des ressources dans le cadre du budget pluriannuel des dépenses d'assurance-maladie que la mission propose d'instaurer.
Métiers de la santé : des substitutions possibles
Les experts proposent, sans donner plus de précisions, de constituer des « référentiels métiers » permettant une substitution des rôles entre les différentes professions impliquées dans l'organisation des soins. Par exemple, des substitutions pourraient se produire entre « généralistes et infirmiers » ou encore entre « généralistes et certains spécialistes (gynécologues, pédiatres, gérontologues... » ou encore entre « ophtalmologistes, orthoptistes et opticiens-optométristes ».
Par ailleurs, la mission préconise la création d'un « observatoire national de la démographie et des métiers de santé », placé auprès du ministre de la Santé, et dont le rôle serait d'organiser le partage des données actuellement dispersées dans ce domaine.
Zones désertées : des primes d'installation
Le rapport juge nécessaire d'instaurer des primes d'installation dans les zones rurales désertifiées ou dans les zones urbaines sensibles. Là encore, un forfait pour l'encouragement à l'installation des ces zones ciblées pourrait être versé « de manière fractionnée, en trois ou quatre versements annuels ».
Lire le texte intégral de la mission de concertation sur le site Internet du quotidien : www.quotimed.com
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