ELLE AVAIT DISPARU du projet présidentiel de Nicolas Sarkozy, publié en fin de semaine dernière, la voilà qui resurgit à l'occasion du discours-programme du candidat UMP.
Mais en chemin, elle a fait des petits. Car il ne s'agit plus d'instaurer une seule franchise annuelle des dépenses d'assurance-maladie à la charge des patients, mais bien de mettre en place, excusez du peu, quatre franchises annuelles : sur les dépenses de consultations, sur les dépenses de médicaments, sur les dépenses d'examens biologiques et, enfin, sur les dépenses hospitalières.
L'annonce a surpris jusqu'à certains des amis du candidat qui ont découvert cette réforme en l'écoutant présenter son projet et qui ne partagent pas tous son point de vue. D'autant que Nicolas Sarkozy n'a pas fait dans la nuance en estimant qu'il faudrait que ces franchises annuelles ne soient pas prises en charge par les assurances complémentaires. De plus, la franchise sur les dépenses hospitalières ne signifierait pas pour autant la suppression du forfait hospitalier, car «je ne considère pas, a expliqué l'ex-ministre de l'Intérieur, que le forfait hospitalier soit une franchise». Le virage, sur ce point, est à 180 degrés, si l'on se souvient que Xavier Bertrand, l'ancien ministre de la Santé et actuel porte-parole du candidat, avait affirmé il y a quelques semaines que «la franchise (il n'en était envisagé qu'une à l'époque ) devra remplacer l'ensemble des forfaits existants», c'est-à-dire le forfait de 1 euro (avec un plafond annuel de 50 euros) sur les consultations, instaurée par la réforme de l'assurance-maladie de 2004, le forfait de 18 euros sur les actes lourds, mis en place par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2006 et le forfait hospitalier qui date de 1983.
Aujourd'hui, changement de cap, puisque le forfait hospitalier resterait en place.
Quel montant ?
Le projet de Nicolas Sarkozy reste cependant bien imprécis, ne serait-ce que parce que l'on ne sait toujours pas le montant de ces franchises annuelles. «Quelques euros sans doute», dit-on prudemment dans l'entourage du candidat. Mais quelques euros par franchise peuvent quand même faire une belle somme. On se souvient que, dans son projet initial, l'UMP envisageait de laisser à la charge des patients ou de la famille une somme comprise entre 50 et 100 euros par an. Une piste délaissée après qu'une note de la direction de la Sécurité sociale, révélée par « le Canard Enchaîné », avait mis en garde contre les dégâts économiques et sociaux que pouvait occasionner la mise en place d'une franchise trop élevée. Certains estiment même qu'une franchise de 100 euros pouvait empêcher 27 % des patients de toucher le moindre remboursement de l'assurance, leurs dépenses annuelles étant inférieures à ce plafond. Pas très populaire, comme mesure.
Pour l'instant, Nicolas Sarkozy se contente de dire que le montant de ces franchises et de la somme totale laissée à la charge des patients pourrait évoluer chaque année en fonction de la situation économique du système de protection sociale . «Si l'assurance-maladie est équilibrée, on baisse la franchise, si elle n'est pas équilibrée on augmentera la franchise»,a-t-il expliqué.
Pétition des adversaires.
Un argument très contesté par les adversaires de la franchise, qui n'hésitent pas à affirmer que l'on prend les malades et les patients en otage puisqu'ils seraient tenus pour seuls responsables des dérapages éventuels des dépenses. Une pétition (1), signée aujourd'hui par trois mille personnes et lancée par plusieurs médecins, dont les généralistes-écrivains Christian Lehmann et Martin Winkler, ainsi que l'ancien vice-président de MG-France, le Dr Philippe Sopena, dénonce un projet qui fait porter la « faute » de l'augmentation des dépenses sur les patients. Sous prétexte de «les responsabiliser», disent les signataires de ce texte, on pénalise «financièrement les patients pour qu'ils consomment moins ou au minimum pour que la Sécu rembourse de moins en moins». Et de rappeler, non sans ironie, que Philippe Douste-Blazy, lorsqu'il était ministre de la Santé et à l'occasion de la présentation de sa réforme de 2004, s'était prononcé contre tout système de franchise.
Même réprobation, sans surprise, du côté du Parti socialiste. Ainsi, Jean-Marie Le Guen, porte-parole du PS à l'Assemblée nationale pour les questions de santé, affirme que ce sont «les assurés sociaux qui paieront la politique de Nicolas Sarkozy. Et même plutôt quatre fois qu'une». Allusion, bien sûr, aux quatre franchises en question.
Chez les médecins et les syndicats médicaux, on n'est pas plus enthousiaste. Il n'est que de lire le nouveau projet de la Csmf (« le Quotidien » d'hier) pour s'apercevoir que les responsables de la Confédération ne font pas de cette réforme leur tasse de thé, puisqu'ils jugent que la mise en place d'une franchise parait «incompatible avec le maintien de la solvabilité des soins». Et le Dr Chassang, président de la Confédération, de s'interroger publiquement sur l'utilité de cette réforme, étant donné «qu'il y a plus de pauvres que de riches». Tant et si bien que le projet de Nicolas Sarkozy ne semble guère compter de partisans.
Le retour de la TVA sociale.
En serait-il autrement pour son projet de réforme de financement de la protection sociale et d'instauration d'une TVA sociale ? Ce n'est pas la première fois que ce sujet vient sur le devant de la scène. Mais c'est la première fois, à notre connaissance, qu'un candidat à la magistrature suprême le porte aussi haut. Il s'agit, on le sait, de transférer une part des cotisations sociales patronales qui servent à financer l'assurance-maladie, sur la TVA, en augmentant celle-ci de quelques points. Le produit de cette hausse serait affectée à l'assurance-maladie, ce qui réduirait d'autant la part des cotisations sociales. L'Allemagne applique ce principe, avec plus ou moins de bonheur d'ailleurs, depuis le 1er janvier ; et Nicolas Sarkozy n'a pas manqué d'y faire largement allusion. Reste que ce système, qui a ses avantages, en particulier celui de faire participer au financement de l'assurance-maladie l'ensemble des produits et notamment ceux qui sont importés, a aussi des inconvénients dont le risque évident est de freiner la consommation, à cause de l'augmentation des prix, et de faire repartir l'inflation. Pour le candidat UMP, qui veut lancer l'expérimentation de cette TVA sociale rapidement s'il est élu, c'est la seule solution réaliste, puisqu'il ne semble possible d'augmenter ni la CSG ni les cotisations sociales. Or un point de TVA rapporte environ 8 milliards d'euros. On comprend que certains soient tentés de mettre en application une telle réforme qui devrait pourtant se heurter à bien des résistances, notamment dans des centrales syndicales.
Le PS n'est pas non plus sur cette ligne. Cette TVA n'a «rien de social» a affirmé Ségolène Royal pour qui une telle réforme conduirait «à un alourdissement de l'impôt sur la consommation et à une diminution des salaires».
(1)www.appelcontrelafranchise.org.
Des médecins créent un comité de soutien à Nicolas Sarkozy
Un comité de soutien au candidat UMP à la présidentielle, Nicolas Sarkozy, vient de voir le jour à l'initiative de deux médecins libéraux, Henri Joly et Joël Waterkeyn, et de Bernard Kron, membre de l'Académie de chirurgie. Baptisé Santé et Modernité, ce collectif regroupe une trentaine de personnalités du monde de la santé autour, notamment, des Prs Christian Cabrol et Philippe Thibault. A l'issue de sa séance inaugurale dans les salons de l'Assemblée nationale, le 12 mars, le comité a rédigé un manifeste contenant ses principales recommandations. Les signataires de ce texte entendent soumettre ce projet à l'ensemble des candidats, même s'ils soutiennent officiellement Nicolas Sarkozy, «seul candidat qui propose des idées neuves et une rupture avec l'intervention toujours plus grande de l'Etat dans la vie quotidienne des Français». La récente parution d'articles alarmistes dans les bulletins de l'Ordre des médecins sur les conditions de plus en plus difficiles des praticiens libéraux sont à l'origine de ce rassemblement. Face au poids croissant de la paperasse, le comité propose une «simplification administrative et une rupture avec les politiques de santé précédentes». Il demande la mise en place «d'une mission d'étude pour repréciser le contenu de la consultation de base et de ses options» en fonction de son contenu et de sa durée. «On ne peut exiger d'un médecin qu'il dépense 35minutes de son temps pour 21-23euros.» Parmi les revendications figurent la réouverture du secteur II pour tous les médecins et le lancement d'un débat autour de l'accueil, «à perte», des patients en CMU par les praticiens de secteur II. Le comité souhaite l'aménagement du parcours de soins «qui a diminué de manière drastique l'activité de certaines spécialités comme la dermatologie et l'ORL». «Le spécialiste ne reçoit plus sa clientèle par le bouche-à-oreille, mais par un médecin généraliste qui de facto prend l'ascendant sur le spécialiste», déplore le comité. Afin de réduire les «inégalités sociosanitaires», les signataires du manifeste souhaitent poursuivre la régionalisation de la politique de santé. «Il faut franchir un nouveau cap en permettant aux instances de décisions régionales (ARH, Grsp) une plus large autonomie dans la répartition de leurs moyens.» Au chapitre de la formation, Santé et Modernité plaide à l'instar des doyens pour une sélection à l'entrée en médecine et pour la régionalisation des épreuves classantes nationales (ECN). Enfin, les membres du comité de soutien de Nicolas Sarkozy proposent la création d'une assurance obligatoire souscrite par l'usager avant l'acte opératoire pour résoudre la crise de la responsabilité civile professionnelle (RCP).
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