VOUS EN ETES peut-être déjà porteur sans le savoir. Pour peu que vous utilisiez un passe Navigo de la RATP ou le service Télépéage des autoroutes ou que vous soyez l'heureux possesseur du nouveau passeport biométrique, vous voilà estampillé RFID. Comme peut-être de nombreux articles de votre supermarché (beaucoup de tests actuellement).
RFID ou Radio Frequency Identification. La technologie d'identification par radiofréquence permet de récupérer des données à distance et donc d'identifier à distance, sans contact, des objets ou des personnes (voir encadré).
La RFID semble en tout cas promise à un bel avenir dans les établissements de santé, où le marché mondial est estimé à quelque 7 milliards d'euros à l'horizon 2012. De telles perspectives ne manquent pas d'aiguiser les appétits ; des acteurs comme Intel, IBM, Microsoft ou Oracle sont sur les rangs.
Traçabilité du médicament.
Face au codes-barres inerte, l'étiquette intelligente RFID ne manque pas d'atouts pour assurer la traçabilité du médicament. La FDA (Food and Drug Administration) la considère comme «la technologie la plus prometteuse pour la traçabilité électronique de la Supply Chain* pharmaceutique». De nombreux laboratoires pharmaceutiques la testent pour prévenir la contrefaçon. En France, l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, a été le premier à s'y intéresser en 2005 pour assurer la qualité et la traçabilité des process de production de médicaments au sein de l'établissement, une activité à risque étroitement encadrée. «Avant, nous devions remplir beaucoup de papier pour respecter les procédures et la législation, explique Eric Bertrand, préparateur en pharmacie et cadre du service. La solution retenue après appel d'offres est celle d'une société innovante, Axyome; 100% Web associée à un support RFID, elle est robuste et facile à utiliser.»
Il ne s'agit pas seulement de gérer les matières premières, qui reçoivent une étiquette intelligente dès leur arrivée à la pharmacie, mais de tracer l'ensemble de l'acte de fabrication : savoir si l'on utilise la bonne balance et si c'est la bonne personne qui assure la fabrication. A l'hôpital, si les quantités sont moindres que dans l'industrie, le process obéit aux mêmes contraintes de qualité. La Pitié-Salpêtrière a fait école. Le même système est aujourd'hui installé à Robert-Debré (Paris) pour la pharmacie pédiatrique.
Une fois le médicament fabriqué, la puce RFID réinscriptible enregistre la date de délivrance et un identifiant patient. La traçabilité est parfaite. Mais, prévient Eric Bertrand, aujourd'hui invité comme expert dans les colloques sur la RFID, il faut laisser une place à la décision humaine et faire en sorte que le personnel ne se sente pas espionné». Un sujet sur lequel il réfléchit dans le cadre d'un appel d'offres de la HAS.
A l'institut Paoli-Calmettes à Marseille, centre régional de lutte contre le cancer, la gestion des 1 300 échantillons biologiques enregistrés chaque mois par la tumorothèque a longtemps posé problème. Soumises à l'épreuve du froid (congélateur à – 80° ou azote liquide à – 196°), puis du réchauffement, les étiquettes papier se décollaient ou devenaient illisibles. Après un premier essai avec un système de codes-barres, les étiquettes RFID ont fait la preuve de leur fiabilité. Minuscules, elles se glissent sous le capuchon du tube. Elles renferment l'identifiant unique du patient, mais aussi la date du prélèvement, le type de tissu (classification CIM-10), les informations de congélation-décongélation, le nom et le service de l'opérateur, ainsi que d'autres données patient jugées utiles (rechute, réponse au traitement).
Dans une palette de 96 échantillons, il faut moins de 3 secondes pour identifier l'échantillon recherché. Seule inconnue, la tenue des puces RFID dans le temps. Car les échantillons sont conservés plus de vingt ans.
A l'AMC (Academisch Medisch Centrum), l'hôpital de l'université de médecine d'Amsterdam (25 000 hospitalisations/an), ce sont les poches de sang qui ont fait pendant quinze mois l'objet d'une expérimentation avec des tag RFID sensibles à la température.
Suivi des patients.
Il y a ceux qui, façon James Bond, se sont carrément fait implanter sous la peau une puce RFID de suivi médical. Ils seraient environ 2 000 dans le monde, selon l'entreprise VeriChip, qui exerce un monopole de fait et vise un marché de 45 millions d'Américains. Qui sera, semble-t-il, difficile à atteindre après l'enquête publiée début septembre par l'Associated Press et faisant état de développement de tumeurs cancéreuses sur des souris et des rats implantés (dans 1 à 10 % des cas). A suivre.
Des sociétés proposent aussi des patchs RFID. Le fabricant britannique de produits pharmaceutiques Franck Sammeroff et la société Gentag ont signé un accord pour un système qui utilise un patch + un logiciel sur téléphone portable. L'idée est de permettre aux professionnels de santé d'accéder à des informations santé sur un patient en cas d'urgence et sur le terrain.
Le CHU de Nice a mis en place depuis 2005 au service des urgences un dispositif qui a été développé sous forme de prototype par IBM à Haïfa. Objectif : améliorer la prise en charge des 70 000 patients accueillis chaque année aux urgences. Lorsqu'il arrive, chaque patient est muni d'un bracelet RFID contenant son identité et le degré de gravité de son état, c'est-à-dire le degré d'urgence selon une échelle chiffrée. Le logiciel de gestion de l'application établit ensuite un parcours médical qui tient compte du degré d'urgence relative et de la disponibilité des équipements et du personnel. Selon Patrick Mallea, responsable du développement à la direction de l'évaluation de la recherche clinique de l'innovation et du développement, la durée du parcours a pu, grâce à ce dispositif, être ramenée de cinq à quatre heures. Autre intérêt, et pas le moindre, on sait exactement quel équipement a été utilisé et quel examen a été pratiqué, ce qui, avec la tarification à l'acte (T2A), permet de facturer l'exhaustivité des soins.
Un système assez voisin a été testé par Cisco, HP, Intel et Microsoft au service des urgences de la Croix-Rousse, à Lyon, dans le cadre du projet « Hôpital du futur ». Une alerte se déclenchait quand le patient n'avait pas bougé depuis un certains temps ! Malheureusement, le compte rendu du projet n'a pas encore été rendu public. A l'AMC d'Amsterdam, un pilote de suivi des patients équipés de bracelet RFID en salle d'opération a été installé de septembre 2005 à janvier 2007. Un projet porté par Oracle, Intel, Capgemini et Geodon : 155 patients ont porté le bracelet après avoir été informé ; il n'y a eu que 1 % de refus. Résultats : moins de gestion administrative et une sécurité accrue. Après tout, le risque n'est jamais nul d'être opéré « du mauvais côté ». Mais il reste à s'assurer que les radiofréquences n'interfèrent pas avec les équipements médicaux.
Première en France, depuis quelques mois, les bébés qui naissent à la maternité de l'hôpital du Raincy-Montfermeil (Seine-Saint-Denis) sont équipés de bracelet électronique. Cet établissement, traumatisé par des kidnappings à deux reprises, en 2002 et 2005, où une fillette a été enlevée par une femme médecin urgentiste (puis retrouvée saine et sauve) a en effet choisi cette solution, utilisée depuis des années dans des maternités britanniques, pour lutter contre les rapts.
Le bracelet BlueTag de la société BlueLinea déclenche l'alerte en cas de sortie imprévue du nouveau-né. La nouvelle maternité de l'hôpital Américain de Paris vient de s'équiper elle aussi.
Ainsi qu'une maison de retraite avec le modèle senior.
Une carte CPS sans contact.
Pour ne pas gêner (et ralentir) le travail des personnels hospitaliers qui vont être obligés d'utiliser la CPS pour sécuriser les échanges de données médicales ( cf. le décret « confidentialité des échanges »), le GIP-CPS a choisi l'option hybride pour la future CPS 3 qui vient d'être dévoilée (« le Quotidien » du 29 novembre). Hybride ? A savoir sans contact grâce à la technologie RFID, mais aussi lisible dans un lecteur de carte pour une authentification par la voie traditionnelle. Rendez-vous en 2009 pour les premières CPS 3.
Ajoutons que des cartes sans contact sont déjà utilisées au CHU d'Arras pour donner au personnel médical accès au dossier patient à partir des terminaux multimédia et à la clinique Pasteur de Toulouse pour se connecter au dossier partagé d'établissement (DPE).
Un moyen d'accès qui trace.
* Ensemble de procédures et de logiciels permettant de gérer tous les flux d'information, les flux physiques et les interfaces entre les différents acteurs impliqués dans la fabrication d'un produit.
Une technologie liberticide ?
Les puces RFID sont arrivées dans notre vie quotidienne sans se faire remarquer. La généralisation des passes Navigo de la RATP, où chaque usager est identifié, n'a ému personne. Jusqu'à ce que certains s'en avisent. La RATP proposait à la rentrée 2007 un passe Navigo Découverte sans identification.
L'anonymat a un coût : 5 euros. La prise de conscience de la surveillance directe ou indirecte exercée est donc récente mais active. Le journaliste Michel Alberganti a ouvert, pour la publication de son livre « Sous l'oeil des puces, la RFID en démocratie » (Actes Sud), le site smallbrothers.org. On y lit par exemple qu'un groupe d'experts recommande de désactiver lors du passage en caisse les étiquettes intelligentes utilisées dans la grande distribution pour une meilleure gestion des stocks.
La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), le Conseil consultatif national d'éthique se sont inquiétés des dérives possibles. L'Académie nationale de médecine vient de poser la question* « Quelles limites apporter à l'identification par radiofréquence à partir de puces implantées » ? La réponse est clairement non aux puces RFID dans le cas d'une utilisation ludique ou d'un fantasme de «l'homme augmenté», jugées «inacceptables». En revanche «l'aide de la RFID à la télésurveillance biologique ou physique des patients est unanimement reconnue comme un progrès», note l'Académie, qui fustige les manifestes « antibiométrie » qui négligent ces apports.
* Rapport du groupe de travail « Identification des personnes par des analyses biométriques et génétiques », par E.-A. Cabanis, J.-Y. Le Gall et R. Ardaillou.
Comment ça marche
Un système RFID comprend plusieurs composants :
– une puce ;
– une microantenne (l'ensemble antenne associée à la puce constitue ce que l'on appelle tag RFID ou puce RFID ou encore étiquette intelligente) ;
– un lecteur-émetteur avec lequel la puce communique via l'antenne ;
– un ordinateur qui enregistre et traite les informations recueillies dans une base de données.
Il existe plusieurs familles RFID utilisant différentes radiofréquences selon les applications. Dans certains cas, c'est la rapidité de la détection qui est privilégiée, dans d'autres, la distance de lecture.
Les puces RFID sont soit passives et détectées jusqu'à une distance de 3 m, soit actives (avec une batterie et une fréquence plus grande), ce qui permet une lecture jusqu'à 20 m.
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