LA TECHNIQUE des puces à ADN (DNA microarrays ou DNA chips en anglais) permet de traiter un très grand nombre d’informations en un temps limité, en faisant réagir un échantillon biologique vis-à-vis d’un grand nombre d’oligonucléotides connus. Si on a beaucoup gagné en miniaturisation depuis quelques années, cette technique simple et fiable demeure très coûteuse. Elle reste réservée aux hôpitaux qui possèdent un laboratoire de recherche.
La technique des puces à ADN peut être utilisée de deux façons. Tout d’abord pour mesurer l’expression des gènes. Ce sont des puces sur lesquelles sont représentés sous la forme de fragments d’ADN plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, de gènes. Au fil des années, les puces développées sont devenues plus performantes et il existe des puces à ADN couvrant l’ensemble des 35 000 gènes du génome humain.
L’activité du gène se mesure sur le nombre des ARN messagers émis. Les ARNm extraits du prélèvement sont recopiés en ADN, testés sur la puce. Cela permet de mesurer le niveau d’activité d’un gène donné dans un prélèvement clinique (une tumeur du sein opérée, par exemple), pour être renseigné sur l’activité d’une cellule (présence de récepteurs estrogéniques, par exemple).
Cancer du sein, mucoviscidose.
Les puces sont aussi utiles pour déterminer l’état de l’ADN dans un tissu donné, afin de savoir s’il existe une mutation. Cette application est en train de se développer. Par exemple, dans les familles où il existe une forme héréditaire de cancer du sein, on cherche à savoir si une femme est porteuse d’une mutation BRCA1 ou 2 : on séquence le gène chez cette personne (analyse sur un prélèvement de sang) et on recherche la présence ou non du gène muté. Ce cancer est rare, mais il existe certaines mutations associées à un risque de 50 à 70 % de présenter le cancer, ce qui permet de diriger l’attitude de dépistage.
«C’est ce type d’analyse génétique qui migre des techniques actuelles ciblées sur un gène vers l’utilisation des puces à ADN», indique Bertrand Jordan. Cela n’est pas encore en application de routine en clinique, mais c’est en train de se développer et les puces devraient remplacer à l’avenir les tests génétiques classiques, qui sont lourds à réaliser.
Un autre exemple est celui de la mucoviscidose, maladie héréditaire monogénique, mais où il existe beaucoup de mutations possibles. Certaines sont associées à une évolution grave, d’autres à des formes moins sérieuses. L’ADN du malade est mis sur la puce qui porte les segments d’ADN normal et ceux qui correspondent aux mutations. «En une seule opération, on peut vérifier la présence ou l’absence de centaines de mutations.»
On peut aussi utiliser la technique des microarrays pour déterminer quels variants de gènes impliqués dans le métabolisme des médicaments sont présents chez la personne concernée (voir encadré).
Enfin, la technique sur puces à ADN de la Comparative Genomic Hybridation (CGH) compare le chromosome normal et celui du patient et remplace un test sur lame moins précis.
«Avant que l’utilisation de ce type de test n’entre dans la pratique clinique de routine, il faut résoudre un ensemble de questions pratiques: la validation, le remboursement. Il faut que le résultat du test soit suffisamment fiable et débouche sur une possibilité de décision clinique.» Pour le moment, la technique reste onéreuse. Son coût devrait diminuer, mais la technologie demeurera complexe, tant du point de vue de la fabrication des puces que des appareils qui les lisent. On peut en tout cas prédire que d’ici à trois-cinq ans, il y aura trois ou quatre tests sur puces à ADN qui appartiendront à l’arsenal clinique et pourront être utilisés largement.
La pharmacogénomique
La puce à ADN AmpliChip P450, qui analyse le polymorphisme génétique de deux gènes des cytochromes (CYP450 2D6 et CYP450 2C19), est la première à avoir reçu l’approbation de la FDA américaine et le premier test ADN à avoir été homologué par l’Union européenne pour l’utilisation à l’hôpital. La puce est entrée il y a quelques mois à l’Hegp (hôpital européen Georges-Pompidou, service du Pr Philippe Beaune), où elle est utilisée pour faire des études en pharmacogénomique.
En testant le polymorphisme des deux gènes impliqués dans le métabolisme de nombreux médicaments, on espère prédire le profil de réponse des individus aux traitements.
Le gène codant CYP450 2C19 intervient dans le métabolisme de 8 % des médicaments, notamment les IPP et les antiépileptiques. Selon que l’individu est un métaboliseur rapide ou lent, on peut s’attendre à une efficacité réduite ou à un excès d’effets secondaires.
La gène CYP450 2D6 intervient dans le métabolisme de 20 % des médicaments (bêtabloquants, antidépresseurs). Son activité est illustrée par le métabolisme de la codéine (métabolisée rapidement ou lentement en son principe actif, la morphine).
Des études sont en cours pour trouver les adaptations de traitements possibles en regardant le profil des individus.
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