Le temps de la médecine
LE GESTE CRIMINEL est un geste humain, susceptible d'être lié à n'importe quelle type d'activité, expliquait le Pr Yves Pélicier. Le problème est de repérer les hommes qui sont plus dangereux que les autres. C'est là que se révèle dans son immensité l'impuissance de la psychologie prédictive.
On essaie pourtant de le faire et c'est l'une des attributions du profilage sous la responsabilité des psychologues criminologues, attachés aux services de la police et qui tentent de dresser un tableau prévisionnel des criminels.
Frédéric Milhaud (Canada) fait une distinction terminologique entre la dangerosité de ceux qui peuvent commettre un passage à l'acte violent et le comportement agressif, qui exprime une pulsion dont le contrôle est incertain. Selon cet auteur, le malade mental criminel peut être perçu comme doublement déviant, par rapport à la loi sociale d'un côté et par rapport à la norme mentale de l'autre. Si l'on se réfère à l'étymologie du mot danger (en latin dominus, maître, celui qui a le pouvoir), un sujet potentiellement dangereux est celui en mesure d'exercer sa puissance destructrice envers l'ordre intrinsèque. La conduite criminelle se différencie du passage à l'acte.
« Les grands criminels ne se font prendre que rarement, témoigne un psychiatre criminologue (expert auprès des tribunaux) . Ils sont organisés, agissent avec d'autres personnes. Ce sont souvent des pervers intelligents qui ne sont pas classés comme malades mentaux. Ils sont considérés comme responsables de leurs actes au moment du crime et sont donc condamnables. »
L'expertise psychiatrique permet de faire la différence avec ceux qui participent du pathologique, les anormaux mentaux qui, à l'inverse, ne sont pas toujours condamnables. Il existe des hôpitaux psychiatriques de sûreté fermés pour les malades mentaux qui ont commis des crimes.
Dès qu'un crime paraît susceptible d'avoir été commis par un déséquilibré, l'expert est commis.
Contrairement au criminel d'envergure, le malade mental ne s'adapte qu'imparfaitement à l'activité criminelle organisée et agit seul.
Le malade mental est imprévisible. Les enquêtes montrent qu'en général rien ne laissait prévoir son passage à l'acte (« acting out »).
La logique du paranoïaque.
Toutes les psychoses aiguës sont susceptibles d'entraîner des homicides avec violence physique et parfois sexuelle. Parmi les malades les plus dangereux figure le paranoïaque. Il fonctionne suivant une logique interne : idée prééminente de redressement de tort, idéalisme passionné. Il tue pour remplir une mission vengeresse suivant un délire systématisé, à la différence du délire du schizophrène par exemple qui est plus flou. « Lorsque l'on a affaire à un paranoïaque, on essaie de comprendre son délire et il est suivi de près, surtout lorsqu'il se déclare investi de missions salvatrices ou qu'il se présente avec des idées de jalousie, de passion idéalisatrice. »
Des mesures de sécurité peuvent être prises si besoin, avec internement et traitement. Pour traiter un paranoïaque, il est nécessaire de l'hospitaliser, sinon il ne prendra pas ses médicaments. « Le paranoïaque est extrapunitif, ce qui signifie qu'il n'a jamais tort, mais qu'il fait reposer entièrement la faute sur autrui. Cela engendre des activités de vengeance. Il se vit comme une victime et il ne ressent pas la nécessité de se soigner. »
La psychopathie est associée à une grande dangerosité potentielle. Les sujets ont une personnalité immature, instable, impulsive, intolérante à la frustration, une incapacité à nouer des relations empathiques avec les autres et ils multiplient les actes antisociaux. Le passage à l'acte criminel est associé à un excès d'agressivité pulsionnelle. Les sujets sont aussi autodestructeurs.
D'autres pathologies peuvent être génératrices de crimes.
Le malade en délire schizophrénique peut exercer une violence homicide pour se défendre contre ses hallucinations. Il essaye de supprimer ce qu'il croit dangereux pour lui. Dans son système, tuer peut représenter le seul moyen de s'en sortir. Il se vit comme responsable et non coupable. Il utilisera plus souvent les armes blanches.
Proche de la paranoïa se situe la psychose hallucinatoire chronique, dans laquelle le délire évolue sur une longue durée et génère le projet criminel. Là aussi, le délire est systématisé, avec la désignation d'un bouc émissaire que le patient voudrait éliminer. Le malade entend des voix associées à ses hallucinations, ce qui n'est pas le cas du paranoïaque.
Les accès de colère épileptique ou « raptus comitial » sont les éclats de violence de l'épileptique qui casse tout dans un déchaînement clastique. Ces épileptiques sont souvent des incendiaires (la symbolique du feu est très présente).
Le toxicomane peut commettre des meurtres lorsqu'il est en état de manque, tout comme les personnes sous l'emprise de l'alcool.
A côté de cela, les pervers qui ont été expertisés peuvent être décrits comme partiellement responsables, mais sujets à des compulsions déviantes qu'ils ne peuvent maîtriser. Certaines activités sociopathiques, socialement déviantes représentent des crimes au sens médico-légal, avec une nécessité de soins. On peut citer l'exemple des joueurs professionnels qui ruinent leur famille puis commettent des crimes pour continuer à jouer.
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