Dans le livre qu'ils viennent de consacrer au système de santé (1), Philippe Even et Bernard Debré, tous les deux hospitalo-universitaires de renom (petit-fils pour le second du grand ordonnateur des CHU, le Pr Robert Debré), plaident en faveur d'une restructuration hospitalière très musclée qui ne devra pas épargner les plus gros des hôpitaux. Car ceux-ci, estiment les deux médecins, n'échappent pas au « surdimensionnement » qui caractériserait, selon eux, l'ensemble des établissements hospitaliers français par ailleurs « exsangues ».
Pour les deux hommes, « toutes les villes, grandes et petites, ont construit des hôpitaux trop vastes ». C'est, disent-ils, « la plus grave dérive du système de santé, la plus ruineuse, la plus dangereuse ». Le diagnostic est sans appel : « Beaucoup trop d'hôpitaux d'aigus dispersés sur tout le territoire, presque dans chaque canton, trop de lits dans les grands hôpitaux et trop de petits hôpitaux. » Résultat des courses, beaucoup de services sont vides, même dans les CHU (60 % seulement des lits sont occupés en moyenne à « Necker - Enfants-Malades, hôpital de référence national hautement spécialisé »).
Face à cette offre pléthorique et inadaptée du court séjour (le moyen et le long séjour crient famine), les Prs Even et Debré n'ont pas trente-six solutions. Il va falloir, expliquent-ils, « fermer, regrouper ou reconvertir les lits des disciplines en déclin ou doublonnantes de tous les types d'hôpitaux, y compris les CHU ». Bien sûr, dans cette opération, les hospitalo-universitaires ne seront pas en première ligne. Ce n'est pas à eux que l'on va demander de « se regrouper », de « fusionner », ni surtout de « se reconvertir ». Et alors que les hôpitaux, jusque-là « cargos », se transforment sous l'effet des progrès techniques en « porte-avions nucléaires », ils sont évidemment les mieux armés pour s'adapter à ce changement. Mais ils vont avoir de gros efforts à fournir.
Car Philippe Even et Bernard Debré, hommes du sérail, n'ont pas de mots assez durs pour qualifier le fonctionnement des CHU. « Gigantisme, immobilisme, bureaucratie, redondance, gaspillages insondables, inadaptation aux demandes des malades comme à celles de la santé publique, tout y est à réformer », assènent-ils. En particulier, le « surcoût exorbitant » des CHU est mis en avant. Les deux auteurs constatent que certains centres hospitaliers ont des coûts « de moitié inférieurs » à ceux des CHU et que, pour « les plus grands d'entre eux qui font à peu près la même chose », cela n'a pas « beaucoup de justification ». Et immédiatement, ils attaquent en piqué : « La direction des CHU est réservée à l'élite (des directeurs d'hôpital) et le poids de leur budget reflète l'excellence qu'ils se prêtent à eux-mêmes ». Accusés d'être « les nouveaux mandarins » de l'hôpital public, les directeurs ( « mal ») formés par l'ENSP, sont rendus responsables de beaucoup de dérives : ils sont « coulés dans un moule unique », ont « une mentalité de moines-soldats plus teutoniques qu'hospitaliers » et « se sentent assiégés dès que leur formation, leurs compétences ou leurs pouvoirs sont contestés ». Philippe Even et Bernard Debré mettent en cause, sans état d'âme, la mauvaise gestion des hôpitaux. Si les CHU coûtent très cher, c'est certes parce qu'ils prennent en charge « une douzaine de pathologies très lourdes », mais c'est aussi parce qu'ils doivent payer « les salaires d'une administration pléthorique ».
(1) Pr Philippe Even, Pr Bernard Debré, « Avertissement aux malades, aux médecins et aux élus », le Cherche-Midi, 2002.
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