LE TRAVAIL de réflexion des chercheurs a commencé il y a moins d'un an, en mars dernier, et des milliers de pages de propositions sont parvenues depuis au Comité d'initiative et de proposition (CIP). Créé à l'initiative d'Etienne-Emile Baulieu et d'Edouard Brezin, président et vice-président de l'Académie des sciences, avec le porte-parole du collectif Sauvons la recherche, Alain Trautmann, le CIP a recueilli tous les travaux des comités locaux d'organisation des états généraux (CloEG). Objectif : rédiger un texte final qui soit la « synthèse entre l'esprit démocratique des uns et l'esprit élitiste des autres », résume pour « le Quotidien » le Pr Baulieu. Une tâche ardue, mais nécessaire si les chercheurs veulent voir leurs propositions reprises par le gouvernement dans la future loi d'orientation et de programmation de la recherche, prévue pour la fin du premier semestre 2005.
Une valeur symbolique.
La tenue des Assises nationales des états généraux de la recherche, les 28 et 29 octobre à Grenoble, marque donc une étape importante. « Les Assises nationales ont une valeur symbolique forte : c'est le point d'orgue d'un grand mouvement de travail collectif, dit au « Quotidien » Alain Trautmann. Le CIP va proposer un texte qui sera discuté et soumis au vote. La dernière phase est prévue pour le 9 novembre, lorsque nous remettrons le texte aux ministres François d'Aubert (Recherche) et François Fillon (Education). Nous espérons vraiment que nos propositions seront prises en compte dans l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation. »
Un comité de suivi devrait être mis en place afin de « pouvoir interagir pendant la phase de préparation de la loi », précise Alain Trautmann qui se félicite du dialogue noué avec l'actuel ministère de la recherche. « C'est un comble : nous nous sentons plus écoutés par le ministère que par les directeurs des organismes de recherche (Bernard Larrouturou pour le Cnrs et Christian Bréchot pour l'Inserm), qui ont proposé leur projet d'établissement sans se préoccuper des états généraux »*, constate le porte-parole de Sauvons la recherche.
Trois thèmes vont être spécifiquement abordés lors des Assises nationales : les liens entre science et société, la question de l'organisation et du financement de la recherche et le problème des statuts des personnels. « Ces trois questions ont été beaucoup étudiées lors d'assemblées mixtes entre les CloEG et le CIP, indique Etienne-Emile Baulieu. Dans l'ensemble, nous sommes satisfaits de nos propositions même si la grande diversité des opinions nous a conduits à abandonner certains aspects et à faire des compromis. Ainsi, si l'unanimité des chercheurs revendique un grand ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur pour affirmer le caractère prioritaire de la recherche, nous ne sommes plus qu'une majorité à demander que l'on y associe la technologie et l'innovation. Autre exemple : je préconise une marche rapide vers un statut unique. Mais cette solution ne plaît ni aux chercheurs ni à l'université. Ce sont des sujets sur lesquels nous débattrons et nous nous rassemblerons : on ne peut pas tout faire d'un seul coup. »
Un ensemble de mesures vise également « à coupler, dans le cadre d'une politique scientifique, le respect de la dynamique propre de la recherche et l'évaluation rigoureuse de la qualité des recherches ». En gros, il s'agirait de subordonner contractuellement les moyens financiers et humains à une évaluation indépendante et périodique, au niveau national. Une instance nationale d'évaluation scientifique, qui remplacerait le Comité national de la recherche scientifique, permettrait de garantir les conditions de l'évaluation des équipes et des laboratoires de recherche.
Par ailleurs, différentes dispositions visent à développer la recherche dans les universités, à améliorer les coopérations entre organismes et à « contribuer au développement régional en conservant un cadre national ». Des Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (Pres) pourraient être créés afin de constituer des « structures favorisant la coordination entre organismes de recherche, universités et entreprises au sein d'aires géographiques données ».
Les chercheurs débattront également autour de deux questions cruciales : l'Europe de la recherche, avec la perspective d'établir un conseil européen de la recherche, et la recherche en tant que bien public et bien privé.
Une politique et de l'argent.
Les assises sont une première étape dans la construction d'une recherche performante et ouverte. C'est aussi « l'occasion pour les chercheurs de prendre conscience de leur diversité et de mieux se connaître », souligne Alain Trautmann.
Mais, prévient Etienne-Emile Baulieu, « il faut, au-dessus de tout, deux choses : d'une part, une politique scientifique, et nous recommandons un haut conseil de la recherche scientifique auprès du Premier ministre ou même du président de la République pour définir les grandes orientations stratégiques. Et, deuxième chose, il faut de l'argent : si l'on veut que le Bcrd (budget civil de recherche et développement) atteigne 3 % du PIB en 2010, il faut un milliard de plus chaque année, c'est-à-dire, en 2007, consacrer six milliards de plus. S'il n'y a pas d'argent, il n'y aura pas de réforme, estime l'Académicien. Cela fait beaucoup d'argent, mais c'est dans l'intérêt de tout le monde. » Au bout de la réforme, la récompense, et notamment pour les jeunes qui veulent s'aventurer dans la recherche.
* « Le Quotidien » du 11 mars et du 26 mai.
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